Psychologie/psychiatrie et barrière de la langue

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Tchoopie

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Psychologie/psychiatrie et barrière de la langue
Posté le 28/10/2016 à 19h55

Bonjour,
Je poste ce message car je souhaite interpeller les CAIen-ne-s qui travaillent dans le domaine de la psychologie et/ou de la psychiatrie sur la question de la "barrière de la langue".
Travaillez-vous avec des personnes ne parlant pas le français et/ou des personnes dont le français n'est pas la langue maternelle ? Dans le cas des personnes non francophones, avez-vous recours à des interprètes ?

Et, question plus générale, comment à votre avis favoriser la prise en charge psychologique et/ou psychiatrique des personnes non-francophones qui ont des besoins urgents de prise en charge suivie ?

Merci d'avance de vos réponses,

Quiebro13

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Psychologie/psychiatrie et barrière de la langue
Posté le 29/10/2016 à 06h39

Je suis à Marseille mais on a ce soucis et puis on va aussi recevoir 40 réfugiés dans l'HP où je suis.

Je travaillais dans un service d'adulte, beaucoup d'immigrés, de SDF, et beaucoup d'étrangers. secteur le plus pauvre de Marseille.
Personnellement je ne parle pas arabe, mais heureusement d'autres soignants oui, ils jouaient donc les interprètes et traduisaient aussi bien pour les autres soignants/médecins que pour le patient. Ça devient donc des personnes ressources avec qui ils ont une relation particulière. Et puis moi bah c'est la langue des signes mais du coup clairement ça limite le truc c'est cool pour les actes de la vie quotidienne mais je ne peux pas "creuser" avec ces patients.

Anecdote

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Psychologie/psychiatrie et barrière de la langue
Posté le 29/10/2016 à 08h13

Sans parler étrangers, on peut tomber sur une personne sourde ou muette.
Si on ne parle pas la LSF difficile d'instaurer un dialogue.

Et sans parler psychiatrie hein, rien qu'au secrétariat medical c'est compliqué.
C'est mon job étudiant donc grâce à mes études/fac de droit j'ai le niveau anglais C1. Pour les touristes ou les gens anglophones : aucun soucis.
Mais pour les non francophones ou non anglophones et les personnes sourdes, muettes c'est l'enfer. Rien que pour prendre un rendez-vous (heureusement maintenant j'écris pour les personnes malentendantes. Au moins on a un léger dialogue. Pour les autres c'est mort mon astuce..).
J'ai des notions de Polonais et de Russe donc ça m'a déjà aidé.
Mais quand je croise quelqu'un qui parle uniquement Mandarin, Arabe, Portugais, Espagnol.. À part faire des signes je vois pas grand chose.


Je pousserais même le vise plus loin. Au téléphone, parfois je comprends rien.. Encore quand ce sont des accents de l'est je gère. Mais quand c'est un chinois/espagnol/arabe/etc.. qui a un fort accent et qui case un mot sur deux dans sa langue maternelle je fais quoi ?
Et les personnes illettrées qui ne peuvent m'épeler leur prénom et leur nom au téléphone ?

Parfois je me retrouve désarmée. Aucune formation ne forme à ce type de problèmes de communication. Aujourd'hui on vit tellement dans une époque cosmopolite que l'on devrait quand même s'en sortir en langue étrangère. Je remarque que même moi qui a eu la chance d'être scolarisée, je n'y arrive même pas.. Dur constat !

Alors moi ce sont des problèmes administratifs... J'imagine même pas les médecins.. Je leur souhaite bien du courage !

Littlevenus

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Psychologie/psychiatrie et barrière de la langue
Posté le 29/10/2016 à 08h32

Je ne suis pas dans ce domaine...

Néanmoins je réponds parce que ça touche tous les domaines médicaux et même partout ailleurs !

Mes grands-parents qui me restent ne parlent pas français et n'ont jamais appris à écrire (et oui à l'époque Ils n'avaient de quoi manger alors se payer l'école c'était même pas en rêve) !
ils ont de gros soucis médicaux et mon grand-père est aussi suivit en psychiatrie ... ben franchement des fois ils ont des interprètes (il y en a à l'hôpital) et parfois ils tombent sur un personnel qui juste s'enfiche et il nous appelle en panique pour savoir ce qu'il se passe.

Par exemple mon grand-père s'est fait opéré il y a peu et il a eu des soucis avec la morphine ils lui ont donc coupé la morphine sans prendre le temps de lui expliqué ! J'ai retrouvé mon grand-père hurlant de douleur et entrain de faire un sevrage sans que personne ait pris le temps de lui dire que l'équipe de la douleur allait passer plus tard vous imaginez l'angoisse pour lui ? Il pensait être entrain de mourir ! De même que quand j'allais le visiter les infirmières me donnaient les informations à moi pour que je traduise... donc en gros si j'étais pas là mon grand-père n'aurait eu aucune idée de ce qui se passait !

Je rajoute aussi que je vis dans un pays trilingue... beaucoup de médecins ne maitrisent pas suffisamment les deux autres langues, surtout aux urgences c'est parfois flagrant de voir des patients qui comprennent rien et des médecins incapables de leur expliquer parfois ils cherchent des gens qui parlent la langue, c'est ainsi qu'une de mes profs de langues qui se trouvaient une fois aux urgences par hasard a du traduire pour une maman d'une petite fille qui devait se faire opérer en urgence. Heureusement généralement il y a aussi beaucoup de médecins étrangers avec un peu de chance un est dispo pour traduire ils font d'ailleurs des annonces dans ce sens parfois genre "cherche quelqu'un qui parle x langue pour traduire"...

Sinon dans mon domaine je peux aussi avoir ce problème, expliquer le traitement à un patient , l'orienter vers la bonne personne, comprendre ses symptômes etc autant dire que si on ne se comprends pas c'est pas évident et pourtant je maitrise 2 langues parfaitement et j'ai un bon niveau d'anglais, quelques notions des autres langues de mon pays... mais c'est toujours pas suffisant ! Si je tombe face à un asiatique, des gens des pays de l'est ou des arabes qui ne parlent pas anglais clairement je saurai pas quoi dire.

édit: je rajoute que par chez moi il arrive aussi que les patients ne comprennent pas les médecins qui ne parlent pas vraiment la langue de l'endroit car il y a beaucoup de médecins étrangers ! ça par contre c'est plus grave je trouve, honnêtement c'est le minimum de prendre le temps d'apprendre/comprendre la langue de là où on se situe.

Édité par littlevenus le 29-10-2016 à 08h41



Oubeule

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Psychologie/psychiatrie et barrière de la langue
Posté le 29/10/2016 à 09h22

J'ai beaucoup travaillé avec des sans papiers en tant qu éducatrice.
Un peu compliqué les 1er jours mais ils apprennent très vites.
J'en ai eu beaucoup qui parlait anglais au minimum.
Pas de vrai soucis sur ce type de prise en charge, pour les documents administratifs, il y a toujours la possibilité d'un interprète.
Mais ça reste une prise en charge éducative, pour la prise en charge psy, on avait toujours recours à parcours d'exil. Les seuls fois où un psychiatre lambdas s'est occupé de la prise en charge ca a été un désastre car au delà du problème de la langue, il faut connaitre le pays, religion, coutume et tous les risques avec le mal du pays. Si la prise en charge n'est pas spécifique ça devient vite hyper compliqué.

Tchoopie

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Posté le 29/10/2016 à 09h48

Merci pour vos réponses.

Je suis éducatrice auprès de personnes qui demandent l'asile en France, et au delà des représentations actuelles, l'accès aux soins et particulièrement aux soins psy est extrêmement compliqué pour les non-francophones.
Je ne suis pas dans une grande ville donc aucun réseau d'interprétariat "direct", seul le réseau "Louis Guilloux", qui se trouve sur Rennes est spécialisé dans ce type de prestation mais c'est uniquement par téléphone, et beaucoup de soignants refusent de financer l'interprétariat. Nous n'avons pas non plus le budget pour, notre budget interprétariat se limite à la demande d'asile.
Le CMP (qui est déjà débordé, il faut le dire), refuse dans 99% des cas de prendre en charge les personnes que nous orientons. Parfois, il faut également qu'on se "batte" pour que les personnes sans aucune couverture santé puissent accéder aux urgences (psy ou pas d'ailleurs).
Bref, on est obligé-e-s de bidouiller avec les moyens du bord, en ce moment beaucoup d'arabophones et/ou des personnes qui ont des petites notions d'anglais : les médecins s'appuient sur nous, éducateur-trices pour faire interprète.

quiebro13 : oui du coup vous jouez avec les compétences des personnes de l'équipe... C'est ce qu'on fait également, on a tous des bases en anglais (bon du coup on parle franglais avec l'accent soudanais, ça paaaaaaasse ^^), on commence à parler quelques mots d'arabe... Mais c'est vrai que pour aller plus loin (description de symptômes, d'angoisses,...) on est vite limité-e-s! Et puis pour les personnes qui n'ont jamais été à l'école et qui parlent des langues "peu connues" (dari, pachto...) c'est très compliqué (même si, pareil, on apprend quelques mots aussi !)

anecdote : J'ai été formée à la LPC, mais ici également on est limité : les codes ne sont pas les mêmes en français et en anglais. Les analphabètes, j'en accompagne beaucoup aussi. Le problème se limite assez vite grâce aux cours de français, ils arrivent à décrypter certaines choses (chiffres, jours de la semaine,...) assez vite, donc ça aide pour les RDV. Mais pareil, pour les personnes venant de pays avec d'autres alphabets et dont la langue a d'autres sonorité que les nôtres, la difficulté à écrire des noms de personnes ou de ville,...


oubeule : exact. Après dans le cas de l'urgence psy (la personne se met en danger / met les autres en danger), comment vous gériez ? Concrètement dans le département il n'y a aucune structure telle que parcours d'exil. Et là, avec les mouvements des dernières semaines, on brode pour éviter les passages à l'acte violent, on temporise au max, mais il y a plusieurs personnes qui sont des bombes à retardement, avec des angoisses très massives mais qu'elles ne peuvent pas exprimer autant qu'elles le souhaiteraient.

Merci de vos réponses :)

Oubeule

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Posté le 29/10/2016 à 10h01

tchoopie
Contacter les structures qui ont l'habitude des accueils de migrants, meme hors depatenant, travailler au Max le partenariat, ils peuvent vous orienter, vous conseillez voir déléguer une personne qui vienne vous briefer.
Nous on travaillez avec tous les acteurs que l'on trouvait mais j'étais dans l'Oise donc peut être plus simple, on interpellait les communautés religieuses, nos réseaux souterrains dans les quartiers, toutes les associations de quartiers, d'alphabétisation, d'hébergement...

Tchoopie

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Posté le 29/10/2016 à 11h07

oubeule Concrètement, c'est ce qu'on fait déjà, on est notamment en lien étroit avec une association qui essaye au maximum d'interpeller le domaine médical dans toute la région, avec une médecin qui est juste géniale mais qui ne peut malheureusement pas palier à tous nos besoins. Après, on essaye de faire en sorte que les personnes fassent appel à d'autres de la communauté qui peuvent traduire mais pour tout ce qui est des traumatismes liés aux raisons qui ont fait que la personne quitte son pays ou à sa trajectoire d'exil c'est délicat, voire impossible.

Au niveau des associations, elles ne peuvent palier aux besoins en alphabétisation et cours fle. On essaye de faire le lien avec les centres sociaux du coin pour recruter de nouveaux bénévoles (car l'asso de laquelle je dépend souhaite bien faire le distingo entre pros et bénévoles et donc évite de faire directement des conventions de bénévolat). Ce devrait se faire courant novembre et ça sera déjà un gros plus pour ces personnes (et puis l'occupationnel, clairement, ça meuble le temps "vide", donc ça évite une partie de l'angoisse et des passages à l'acte)

Mais le principal leitmotiv des médecins (et on ne leur jette pas -pas à tous haha!- la pierre), c'est que l'interprétariat... ça coute cher. Et qu'en plus on ne sait pas s'ils vont rester sur le territoire donc pas de véritable suivi dans la durée, pas de travail psy "de fond", juste du superficiel.
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