Le cheval encapuchonné
Posté le 29/10/2016 à 07h26
J'ai trouvé ça intéressant et ça reflète bien le souci d'une grande majorité de cavaliers,
De l’inutilité des enrênements
Aglaé Jambart 23 décembre 2014 Inspirations Equestres 13 commentaires
« Le cavalier qui force la flexion de la nuque par des enrênements et verrouille la bouche avec des muserolles spéciales n’agit guère mieux qu’un éducateur qui bâillonne un enfant et le ligote sur sa chaise pour le réduire au silence et lui imposer le calme. » P. Karl
La plupart d’entre nous se souviennent d’avoir utilisé un assortiment plus ou moins contraignant d’enrênements lors de notre apprentissage équestre : jeune cheval, ou cheval de club devant être musclé au plus vite. Pourtant, beaucoup d’entre nous décident d’arrêter de fonctionner dans la contrainte et laissent, enfin, leur cheval parler. Pourquoi un tel changement ?
Une question physique
L’équitation demande d’acquérir une réelle légèreté dans les aides, et ce peu importe la discipline. Cette légèreté, tant pour la main que pour les autres aides, demande des années d’apprentissage et d’assimilation de notre part. Il est dès
Le cheval ne nous a pas attendu pour apprendre les "airs"
Le cheval ne nous a pas attendu pour apprendre les « airs »
lors bien difficile d’estimer avoir la main assez légère pour diriger un enrênement à distance en longe (avec en plus un effet de levier/releveur si l’on utilise un mors) ou pour le diriger en plus des rênes. Cela entraine donc que la plupart des enrênements dirigés sont mal utilisés, tout simplement car le cavalier ne dispose pas de la légèreté suffisante pour déjà utiliser ses mains de manière juste (avec vraiment deux grammes dans chaque main).
Un enrênement fixe pourrait être une solution viable pour les amateurs et les débutants. Sauf que leur immobilité est justement gênante : le main est supposée suivre le mouvement, et non pas rester figée. En cas de trop de contact, le cheval se fige, se bloque et creuse son dos ; le cheval ne peut plus utiliser le balancier de son encolure. Cela entraîne à terme lombalgie, problèmes de dos, contractions de l’encolure, « rétivité » et problèmes de comportement (lorsque le cheval ose montrer son mal-être). Cela est également incohérent avec la recherche de décontraction du cheval, qui sera forgé dans son attitude : le cheval ne tend pas son dos, il modifie la position de sa tête pour éviter l’inconfort créé par l’enrênement. Apparences, apparences…
Une étude récente de l’université de Rennes a d’ailleurs démontré que les propriétaires eux-mêmes n’arrivent pas à reconnaître le mal de dos de leur cheval. Après examen effectué par des vétérinaires au sein d’un pannel de centre équestre, il a été démontré qu’entre 37% et 85% de la cavalerie de ces centres équestres avaient mal au dos. Alors, revenons à la question centrale:
Pourquoi enrêner ?
De longues marches au pas en extérieur est un excellent moyen de muscler... Pour le cheval et le cavalier!
De longues marches au pas en extérieur est un excellent moyen de muscler… Pour le cheval et le cavalier!
Pour lui faire obtenir une certaine attitude que nous ne pouvons obtenir, avec pourtant les larges possibilités que nous procurent nos aides.
Nous pouvons donc estimer que dans la grande majorité des cas:
L’enrênement est donc utilisé pour faire adopter au cheval une attitude artificielle par rapport au cavalier qui le travaille,
Une fois l’enrênement enlevé, si le cavalier n’a pas changé sa manière de monter, les problèmes refont surface.
Il est évident que monter un cheval entièrement démusclé entraîne donc de reposer uniquement sur le dos, et donc sur la structure osseuse, sans avoir la surface musculaire porteuse. Cela est dangereux et nocif pour le cheval. Enrêner, c’est masquer le symptôme sans chercher la cause.
De nombreux exercices existent, sans utiliser d’enrênements, afin de muscler son cheval :
Balade en terrain varié
Travail au pas, en recherchant la réelle décontraction
Travail à pied en demandant (et non imposant) à son cheval de venir se tendre volontairement
Dans ces différents cas, il n’est nullement question de créer une montagne de muscles dans le mois suivant: mais de faire travailler en douceur et le respect. Nous gardons ainsi en considération l’importance d’avoir un cheval en bonne santé sur le long-terme.
N’oublions jamais que le cheval est une propulsion arrière : se concentrer uniquement sur l’avant, ou pire la tête, nous fait oublier l’arrière-main et le dos. N’oublions pas que nous cherchons à muscler l’ensemble du cheval, et pas uniquement de faire du « bodybuilding ». La mise en main arrivera uniquement à la fin du travail défini par l’échelle de progression.
« L’enrênement ne rend pas, ne récompense pas, il passe outre les contractions, les déséquilibres, la fatigue musculaire et la détresse respiratoire… Il lui manque la sensibilité, l’intelligence et l’écoute! » Véronique de Saint-Vaulry
Une question d’éthique
Suis-je prête à prendre mon temps?
Suis-je prête à prendre mon temps?
Se tourner vers une équitation « alternative » demande de laisser au placard les outils de contrainte que nous utilisons dans notre tradition (bride, éperons, cravaches, enrênements), tout simplement car nous partons du principe que nous devons réellement écouter notre cheval. Celui-ci sait par essence se placer, se porter et effectuer n’importe quel exercice que nous pourrions lui donner. Le cheval est juste et a toujours raison. Pouvons-nous en dire autant? Quels sont nos impératifs avec notre cheval ? Pourquoi ne pouvons-nous pas prendre le temps avant de monter ?
Gagner quelques mois en musclant en enrênant un cheval ne nous rendra pas meilleur cavalier, et encore moins « à l’écoute » pour notre cheval. Certains cherchent à sortir le plus vite possible en concours et veulent prendre un 2 ans pour le « faire à leur main » (le terme est déjà intéressant…). Est-il réellement respectueux de notre part de faire un débourrage expéditif pour partir en modèles et allures le plus vite possible ? A quel prix ?
Rechercher la solution d’un problème dans un matériel, qu’il s’agisse du mors, d’un enrênement n’est jamais une solution viable, tout simplement car cela nous éloigne de la source du problème : le cavalier.
Prendre son temps et se contenter de peu
Prendre son temps et se contenter de peu
Le cheval est-il heureux dans son travail ?
Ce dernier est-il adapté ?
Le cheval est-il prêt mentalement, émotionnellement et physiquement à effectuer ce que nous lui demandons ?
Suis-je suffisamment au fait de comment mon cheval évolue, de ce que je peux mettre en place pour son confort et le respect de son dos ?
Suis-je prêt à arrêter de monter, peut-être pendant des mois, le temps que mon cheval se muscle en douceur ?
Nous sommes responsables des êtres vivants avec qui nous interagissons. Nous sommes responsables du confort de nos chevaux, qui ont la bonté de pardonner les (nombreuses) erreurs que nous effectuons. Et pourtant:
Avons-nous cette bienveillance envers lui?
Sommes-nous prêts à accepter qu’il dise « non », qu’il ne soit pas d’accord pour aller travailler le jour où nous l’avons décidé?
Nous pouvons tous à notre niveau, que nous soyons cavalier de club ou propriétaire, prendre des décisions en faveur du cheval. Il est parfois difficile de sortir des sentiers battus, et de refuser de mettre nos outils traditionnels lors d’un cours. Mais finalement, cela ne vaut-il pas le coup?
Soyons humbles et reconnaissants envers nos chevaux. Arrêtons de courir après les résultats. Laissons notre compagnon respirer, parler et vivre.