J’ai en tête quelques chiffres à la louche qui date de quelques années… Les ratios semblent être les mêmes chaque année, il parait cependant qu’on observe une baisse du nombre de licenciés ces dernières années, ce qui a poussé la fédé à faire sa super pub pour attirer les enfants dans les clubs en mettant en avant un caractère ludique « le cheval c’est génial ».
Les chiffres grosso modo c’est 3 millions de pratiquants, 750 000 licenciés dont 130 000 compétiteurs….
Donc finalement, peu de compétiteurs par rapport au nombre de licenciés et peu de licenciés par rapport au nombre de pratiquants.
Dès lors, sur quoi se fait la médiatisation d’un sport ?
Sur la compétition. Mais ces 2 millions 8 de pratiquants non compétiteurs s’intéressent-il majoritairement aux concours ? Moi j’aurais tendance à penser que non, pas du tout. Ce sont des personnes qui font de la balade, de la randonnée, qui tournent un peu sur la carrière (plat, quelques barres, longe, equifeel), par plaisir ou nécessité (il faut entretenir l’activité de leur dadou). Des gens qui vont faire ça en dilettante le dimanche ou de façon passionnée avec la recherche d’une équitation qui n’a pas grand-chose à voir avec l’équitation de compétition ou de club. Des gens qui pour certains s’intéressent à l’animal et la relation qu’ils ont avec, plutôt qu’à l’activité équestre.
Bref, des profils bien différents les uns des autres mais en très grande majorité bien éloignés du format « concours ».
Concernant les licenciés, compétiteurs ou non, on sait aussi, par les chiffres de la fédé, qu’il y a un énorme turn over dans les clubs. Pour différentes raisons qu’il est facile d’identifier : coût, risque éprouvé, enfants qui grandissent (les copains, les copines, les amoureux, les études, changement de loisir, etc…), l’empathie pour les animaux qui, s’ils sont à l’usine, va avoir raison du regard attendri des pratiquants candides (d’où l’engouement pour l’équitation « éthologique » qui est censée réhabiliter les pratiques dérivantes d’une équitation « classique » de club). Bref, la population licenciée, en plus d’être minoritaire, est mouvante, peu fidèle, son intérêt souvent non pérenne… L’équitation attire mais en fidélise pas.
Si on regarde en plus la diversité des disciplines (dans et hors concours), qui sont à la fois source de mentalités différentes, de pratiques différentes, de rivalités voire de mépris, mettant souvent en avant chacune des races de chevaux particulières et esthétiquement différentes (donc opposant aussi des goûts)… Il me semble très compliqué de trouver un public suffisant et fidèle.
L’expérience Equidia, avec la chaine des courses et l’autre, montre bien à quel point l’intérêt ne peut être partagé même si le cheval est le point commun. Le regard et l’usage portés sur l’animal et chaque discipline est extrêmement clivant.
Qui donc va s’intéresser à une médiatisation potentielle ?
Je pense aussi que les pratiquants non compétiteur, adultes n’ont pas forcéement de temps à consacrer à une émission de télé ou un magazine spécialisés en plus du temps et des sous qu’ils consacrent déjà à leur cheval. Ils bossent en journée, s’occupent de leur cheval/équitation le soir ou le week end et consacrent le reste de leur temps à leur quotidien et leur famille, pour être très schématique. Dans les clubs on trouve beaucoup d’enfants équitants (les licenciés), hors des clubs ce sont des adultes en majorité. Si je regarde autour de moi, il y a plus de pensions de propriétaires et de chevaux chez des particuliers ou des agri que de clubs. Pour moi, c’est un public peu tourné vers les concours, les compétitions, les champions, donc tant que le sujet médiatisé reste sur ça, ça limite l’audience, si l’audience est limitée, peu de chance que ça soit objet de communication…
Il reste à trouver l’adéquation entre le contenu des médias pour quel public. Vu l’hétérogénéité du public, ça me semble un sacré casse-tête.
Les courses marchent parce que la couverture médiatique ne s’adresse pas à des pratiquants mais à des parieurs. Le cheval est un prétexte, on ne s’intéresse à lui que parce qu’il rapporte, à rapporté ou rapportera peut-être.
On peut aussi considérer le fond même de la pratique équestre. Une personne non pratiquante sera totalement hermétique aux sensations de l’équitation. Alors que courir, nager, faire du vélo, jouer au ballon sur la plage des vacances, ça lui parle. La projection sensorielle est possible sur tous les sports impliquant des actions de ce type. A partir de là, comment s’identifier à un cavalier ? ça ne correspond à rien. A part la peur qu’il se vautre ! Du coup, l’attelage, l’endurance, le dressage, le saut c’est une abstraction totale pour les non initiés. Identification impossible, aucun écho sensoriel.
Le nombre de fois où j’ai eu en face de moi des personnes n’ayant jamais mis leurs fesses sur un cheval et persuadées que lorsqu’un cheval déroule une reprise de dressage, ou le cadre noir, ou tout autre spectacle monté, le cavalier est juste assis sur le cheval qui exécute des mouvements appris par cœur, sans intervention du cavalier. C’est déroutant quand même !
L’équitation n’est pas perçue comme un sport par les non initiés. C’est un amusement, un spectacle, où le cheval bouge avec un type posé sur lui. Peu imagine ce que représente cette activité, ce qu’elle implique de travail, de risque, de technique, de relationnel, d’aptitude physique et mentale pour le cavalier comme pour l’animal. Si le spectateur n’a pas d’attirance pour le cheval, c’est sans intérêt. Il ne voit rien, ne soupçonne rien et ne peut donc éprouver aucun intérêt en l’absence de cette possibilité de projection.
Pas de spectateur, pas d’objet de communication.