Dans un autre domaine, j'aide ponctuellement (et bénévolement) des particuliers et des entrepreneurs individuels face aux abus de diverses entités : boites de crédits, commerçants, administrations, etc. J'ai, dans mon panel de bénéficiaires, des gens très instruits et plutôt fins dans leurs analyses. Ce n'est donc pas, selon mes observations, un unique problème de naïveté. Certaines offres tordues sont tellement bien ficelées, et parfois émanent d'entités tellement connues, qu'il est impossible, même à l'homme le plus fin de ce monde, de s'apercevoir de la supercherie.
D'accord, pour les histoires dont tu parles, il y a un peu de légèreté de la part de ceux qui se font pigeonner ou risquent de l'être. Toutefois, l'émotion face à ce que l'on croit être une situation de détresse d'un proche (parent ou ami) peut conduire à baisser sa garde. Il est impossible de blâmer une personne parce qu'elle a voulu aider un être cher.
Les escrocs connaissent la dimension affective. Ils la maîtrisent même, au point que, dans certains cas, ils sont très renseignés sur les personnes qu'ils hameçonnent ! Du coup, ils savent ficeler finement leurs mails, SMS, courriers, etc. C'est énorme mais ça reste du marchandage de sentiments.
Quant aux entités qui ont une façade bien identifiée, elles savent elles aussi embobiner leurs victimes, utiliser leurs lacunes (car nous en avons tous), jouer sur l'affect... pour contraindre, dans la finesse, à acter contre son gré.
J'ai coutume de dire que les abus constitués sur des actes réguliers sont le parfait inverse des arnaques aux sentiments. Les premiers sont difficiles à prouver mais, une fois les preuves en main et parce que les auteurs sont sous notre nez, facilement attaquables et condamnables. Alors que les seconds peuvent être prouvés facilement mais, parce que les auteurs vivent très loin, difficilement condamnés.
Je me souviens avoir aidé un homme, suite à un refus de sa banque de rembourser un usage frauduleux de sa carte bleue professionnelle dans un guichet automatique. Les circonstances nous ont menés devant une juridiction de proximité, où nous étions trois : la victime, l'avocat de l'association et moi. Sauf que la banque a déboulé avec six gusses : deux avocats, un juriste du siège, deux types du services cartes et le directeur de l'agence. Un seul avocat a plaidé, il a aussi été le seul à parler, les autres sont restés bras croisés et rictus assuré... nous savions où nous mettions les pieds, nous avons eu gain de cause... mais honnêtement, j'ai eu un petit frisson dans le dos lorsque l'armada s'est présentée. Ils avaient essayés de faire de la pression en amont, ils continuaient dans la salle d'audience.
Donc voilà. Tous ces oiseaux sont très malins, ils savent détecter les failles et ils en jouent jusqu'au bout, même quand ils ont tort.
Il est donc impossible de blâmer les victimes.