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L'endurance en france
Posté le 21/10/2016 à 07h13
Morts de 2 chevaux en endurance : le docteur Cécile Totain réagit
Encore deux chevaux morts en endurance à Fontainebleau le 16 octobre dernier qui viennent s’ajouter à la tragique disparition d’Ajayeb, aux championnats du monde de Samorin en Slovaquie.
Cavalière d'endurance (36 ème mondiale cet été), docteur vétérinaire et juge internationale, Cécile Totain témoigne d’une grande tristesse et réagit à ce mauvais coup porté à l'image d’une discipline déjà controversée. Elle s’insurge contre l’esprit de triche qui habite certains concurrents.
- Que vous inspire la mort d'Ajayeb à Samorin, ce très bon cheval qui avait gagné les
Cécile Titain a gagné les championnats du monde des jeunes chevaux en 2010
championnats d'Europe ?
- Une immense tristesse, une grande déception et l’envie de me battre pour rendre à l’endurance ses lettres de noblesse. A Samorin, un cheval que tout le monde connaissait a été sacrifié sur la piste. Il faut se rendre compte que c'est la vitesse qui tue. On arrive aux limites physiologiques de l'organisme du cheval. Aujourd'hui, les courses vont trop vite. Les championnats du monde se sont courus à 25 km/h sur 160 kilomètres.
- Cette vitesse n’est-elle pas imposée par les Emirats?
- Dans les émirats, on arrive effectivement à ces vitesses-là mais les chevaux sont suivis par des voitures et sont refroidis avec de l'eau fraîche tous les 100 mètres. Ce n'est pas le cas chez nous.
- Et puis, beaucoup de chevaux meurent ou disparaissent à Dubaï. Mais comment en arriver là en Europe?
- Il régnait à Samorin un esprit de triche. Je ne comprends pas que les officiels aient accepté cela. Par exemple, il y a 20 places de grooming. Les places les plus près du vetgate sont les plus intéressantes car elles permettent de gagner quelques secondes. Ces places sont tirées au sort la veille de l’épreuve pour que tous les pays soient également traités. L'Italie a eu la meilleure place. Elle l'a laissée aux Emirat arabes. Cela n'aurait jamais dû être accepté. Un officiel aurait dû dire non! Ensuite, on a vu des gens de Dubaï porter réclamation contre leur deuxième passage au contrôle vétérinaire (pulsations supérieures à 64 par minutes lors du premier passage). Dans ce cas, ils doivent attendre que les pulsations du cheval redescendent et revenir pour un nouveau contrôle. Cela coûte quelques minutes de pénalité mais le cheval a le temps de souffler. Là, ils ont porté réclamation, arguant que c'était l'hélicoptère de la télé qui avait fait monter les pulsations de leurs chevaux. Et leur deuxième passage a été neutralisé !
- A chaque fois, les problèmes viennent de Dubaï. Les émirats ont déjà été sanctionnés par la FEI. Comment s’en sortir ?
- Avec les meilleurs chevaux, de très bons cavaliers maintenant, les meilleurs entraineurs, les vétérinaires les plus compétents, ils n’ont pas besoin de tricher ! Ils pourraient gagner à la régulière. Cela ne concerne que certaines écuries de Dubaï aujourd’hui. Les autres pays du Golfe comme Abu Dhabi, Oman, le Qatar sont devenus plus raisonnables.
- Mais Dubaï soutient financièrement le monde de l’endurance !
- Effectivement, le marché est là. Ils font vivre beaucoup de gens ; Ce sont les plus grands acheteurs. La FEI (Fédération Equestre Internationale) a sanctionné Dubaï, lui a interdit d’organiser les championnats du monde. Ils sont les seuls à ne pas avoir signé la chartre des règles internationales de la FEI. Leurs mentalités ne semblent pas encore prêtes…
- Faut-il changer les règles ?
- Il suffirait de les appliquer systématiquement et de revenir à des parcours plus dans l’esprit de notre sport avec des dénivelés, des changements de terrain, des parcours naturels variés. Ce qui éviterait cette vitesse excessive. Dans les Emirats, ils courent comme s’ils étaient sur un hippodrome. Moi, je pratique l’endurance parce que j’aime l’équitation d’extérieur. L’esprit, c’est de parcourir la plus grande distance possible , le plus vite possible (c’est une compétition), mais en respectant sa monture, en l’écoutant, et en gardant son cheval en forme. A l’arrivée il doit être dans un état physiologique qui lui permettrait de repartir le lendemain pour la même course ! Le respect du cheval est la base même de notre passion. Quand j’ai fait Montcuq la première fois (200 km en deux jours), je voulais juste finir. A l’époque, on disait que finir c’était déjà gagner.
- C’était un temps où il régnait une bonne ambiance sur les courses ?
- La plupart du temps, l’esprit reste bon. On passe 8 à 10 heures à cheval. On discute entre nous. On se respecte, on s’entraide. On se passe de l’eau, on s’arrête si besoin pour aider, le soir on se retrouve et on se félicite les uns les autres. On a tous la même passion et le respect du cheval et c’est la seule discipline où amateurs et professionnels se mélangent.
- Les chevaux prennent-ils plaisir à faire de tels efforts ?
- Je le crois oui. Comme les marathoniens, ils secrètent des endomorphines qui leur donnent du plaisir. Et puis, un cheval qui ne prend pas plaisir, on ne le garde pas, même s’il a les capacités. C’est un sport de couple. L’élan doit être partagé. Le lien avec le cheval est très fort.
- A-t-on le droit de cravacher un cheval pour l’obliger à avancer ?
- Non, on n’a le droit ni à la cravache ni aux éperons (la cravache est autorisée seulement sur les courses de qualifications et de jeunes chevaux par souci de sécurité)
- A Fontainebleau, l’un des deux chevaux qui est mort était monté par un français. Qu’en pensez-vous ?
- En effet, c’était le cheval d’un amateur. Il s’est écroulé sur la piste. Il faut attendre les résultats de l’enquête pour savoir si la responsabilité du cavalier est mise en cause. Le cheval nous apprend à rester humble. Un accident peut arriver. On doit tout mettre en œuvre pour l’éviter. Il faut se poser des questions, éduquer les cavaliers. Un cavalier qui ne respecte pas son cheval doit être sanctionné, qu’il soit amateur, professionnel, français ou emirati !
- Quel est le rôle du vétérinaire sur la course?
- Notre rôle est primordial et je crois, qu’en cas de doute, nous devons arrêter le cheval, quelles que soient les pressions.
- Quels sont les problèmes les plus fréquemment rencontrés par les chevaux d’endurance ?
- Surtout des boiteries dues à des problèmes articulaires et des lésions du ligament suspenseur du boulet.
- Comment les éviter ?
- Par un entrainement progressif, une alimentation équilibrée, un suivi de sportif. Il faut savoir attendre. Trois ans de préparation sont nécessaires pour atteindre un niveau international. A 7 ou 8 ans, les chevaux peuvent faire de belles épreuves mais ce sont encore des bébés. Vont-ils durer ? La période la plus propice se situe entre 9 et 13 ans. Ensuite, il faut choisir ses courses, courir peu mais courir bien.
- Combien de chevaux avez-vous ?
- J’ai une vingtaine de chevaux dont une dizaine de niveau international. J’ai mis ma carrière de vétérinaire temporairement en veilleuse pour vivre à fond cette passion. Autant vous dire que je crois en l’avenir de cette discipline !
Publié par Antoinette DELYLLE à 20:55
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Libellés : Cheval , Protection animale , Santé , Sports équestres