yachinii
En l’occurrence, comme l'ont dit les autres, je pense que tu parles d'un monsieur qui importe des lots de chevaux de hollande.
Le principe est simple: lot = pas cher. Puis, il vend le plus rapidement possible avec une marge x ou y, et le tour est joué. Pour lui, même à 500€ de marge finale par cheval, c'est tout bénéf': il ne sert que pour que les chevaux transitent, c'est en fait un intermédiaire, et non pas un éleveur, et vu les quantités brassées, son bénéf' monte très vite.
Il pratique très exactement le même système que les gens qui font des réformés à grande échelle. Là encore, pas besoin de citer leurs noms. Sauf que visiblement les gens acceptent mieux de se faire pigeonner avec les réformés. Peut être parce que les sommes en jeu sont moins importantes.
Dans les deux cas cités en exemple, c'est l'image parfaite de ce qui fausse le marché: le commerce à perte de chevaux "déclassés".
On peut ajouter à ça les particuliers et éleveurs très amateurs, qui comptent très mal, et qui produisent des cheveux vendus à ras les pâquerettes, et on obtient une vision assez éloquente du marché de l'élevage en France.
Les éleveurs pros et consciencieux s'en sortent de moins en moins et doivent parfois s'aligner sur ces tarifs honteux parce que sinon, 9 personnes sur 10 trouvent les produits issus de leur élevage trop cher. Dans un autre sujet en discussions générales, il y a une remarque sur le prix de vente des ibériques, je trouve que cette conversation résume assez bien le malaise commercial dans lequel on baigne.
A l'heure actuelle, produire un poulain même si on a les terres coûte très cher, en dehors de toute considération de la future utilisation du cheval.
Petite estimation rapide en estimant qu'on donne le strict minimum à tarif TRES raisonnable
La mère:
parage x2/an: 100€. Vaccins 120€. Vermifuges: 120€. Herbe/eau: 50€/an Aliment sec 1) fourrrages 6 mois/an: 300 euros (paille/foin) granulés 6 mois/an: 200€. Compléments divers (seaux pature, sel, minéraux...) 60€
J'en suis déjà à 950€ juste d'entretien de la poulinière.
Admettons ensuite qu'on mettre une saillie lambda en monte en main chez un étalonnier, et que ça marche du premier coup.
Saillie: 500€, frais de mise en place 100€ écho (x3) 90€, tests sanitaires: 100€, transport: 60€.
On est à 850€
Puis le poulain, en considérant qu'on ne fait que des veilles, sans acheter aucun matériel de surveillance (caméra, bandelettes ou autre)
papiers/ signalement/puçage: 200€. Vermifuges jusqu'à 6 mois: 60€. vaccins: 50€ Complément jusqu'à 6 mois (donc aliment sec, concentré, compléments) 150€
460€.
On met ça bout à bout: on est à 2260€, et sans forcer DU TOUT.
Et sans compter le coût de la structure, les à côtés (car il y en a toujours), les éventuels soucis (le moindre bobo, et c'est de la bétadine, de la pommade, une piqure...les chiffres grimpent vite sur une année à coup de 100€ par ci par là). Sans compter non plus le cout des clotures, de la main d'oeuvre...
Pour moi, le coup incompressible de production d'un poulain, c'est 2500€ pour faire juste le minimum. Ce chiffre est une estimation basse et "bisounours", parce qu'entre nous, produire un SF correctement me coûte largement plus, même si on considère que j'ai la structure, que je produis une belle partie de l'aliment, et que je suis inséminatrice. 2500€, c'est le prix coutant d'un gentil cheval de loisirs avec un père sélectionné pour du loisir.
Donc non, ce n'est pas rentable face au marché actuel, qui demande des foals de sport à 2500 euros, et des 3 ans à 5000€ (il faut compter environ 1000€ par an d'entretien pour un jeune qui reste au pré)
Imaginez à quel point c'est encore plus aberrant sur des chevaux de loisir: quand on en voit à 1500€ au sevrage, y'a de quoi se taper la tête dans les murs.
Mais le marché est ainsi fait, et il faut vraiment bien sélectionner ceux qu'on va valoriser, quitte à vendre à perte ceux sur lesquels on est moins surs des qualités sportives. Ca fait partie intégrante des mécaniques de commerce dans l'élevage, parce que malheureusement, la concurrence ne nous laisse pas le choix.
Les chevaux de Hollande par exemple, viennent de très grosses structures qui produisent quasiment en autarcie, et qui sont déjà rentabilisées. Ils peuvent se permettre, comme dans les courses, de "brader les mauvais" et de ne vivre que sur les bons coups de commerce faits avec les bons, en ayant un coût de production inférieur au notre.
Et nous, on inonde la France de ces "mauvais", qu'ils viennent de Hollande, ou d'Espagne d'ailleurs (ceux qu'ils envoient à prix cassés, c'est pas les bons hein) ou même d'Irlande (on aime les hongres connemaras en France, c'est incroyable
)
Si je suis pour l'arrivé de chevaux étrangers en France, ce n'est pas de ceux là dont on a besoin. Comme n'importe où, un bon étranger, ça se paye: si je prends l'exemple du connemara que je connais le mieux, une poulinière de là bas, quand on arrive à la faire venir en France (et c'est même pas gagné...), ça se paye à prix d'or.
Mais ça, les gens ne le comprennent juste pas. Ils ne veulent pas réaliser que ce qui n'est pas cher ne vaut pas cher...et voilà comment on se retrouve avec des éleveurs français qui galèrent à vendre leurs produits bien nés et bien élevés à des prix décents.