Monsieur Ali, c’est le nom d’un mulet sauvé de l’abattoir et de la misère par une cavalière des monts d’Arrée. Aujourd’hui, il remporte tous les concours. Il a accepté de se confier à Ouest-France.
Témoignage
« Je suis né dans le Calvados, chez un éleveur qui voulait un mulet. Mon père, un âne gris nommé Helliott, et ma mère, cheval bai, prénommée Hoteis Cob, m’ont fait beau, et bai (robe brune). Les propriétaires ne m’ont pas gardé, m’ont revendu, mais personne ne me comprenait. Ma personnalité, voilà bien ce qui ne leur plaisait pas.
« Les mulets, ils n'aiment pas trop »
On ne m’a pas gardé longtemps. J’ai été revendu. Les Français sont bizarres. Le mulet, ils aiment pas trop. Les Américains, c’est autre chose. Ils disent que ce qu’un cheval fait, le mulet en fait le double. Pourtant, je ne suis pas compliqué. Il suffit juste de m’écouter. Mais non. On dirait que les humains ne cherchent qu’une chose : qu’on leur obéisse. Je ne suis pas comme ça, moi. Je sais ce que je veux. Et ce n’est pas la lune. Mais quand je veux, je veux.
Le profit ou l'abattoir
On m’a mis entre les mains d’un maquignon. Son objectif : tirer le meilleur profit -financier- en me vendant, ou pire : m’emmener à l’abattoir. Le peu que j’aurai rapporté aurait été mieux que rien. La perspective ne me plaisait pas du tout. C’était la grosse déprime. Personne ne s’occupait de moi, alors à quoi bon vivre si c’était pour aller se faire découper en quartiers.
Des sauveurs venus du net
Et finalement, vous savez quoi ? J’ai été sauvé par internet. Parfaitement. Ma pauvre image de mulet maigrichon et mes coordonnées ont été mises sur le site Belles âmes (1), où l’on essaie de sauver les chevaux. Ma bouille sympa a plu à Dominique Laurent, de Saint-Eloy. Je suis parti de la Somme en transport groupé.
La belle vie
Ma nouvelle maîtresse n’était pas là quand je suis arrivé chez elle. Elle jouait du violon avec Ray Lema au festival du Bout du monde ! Elle n’a même pas enlevé son costume noir de musicienne pour me retrouver. Avec elle, j’ai eu la belle vie pendant deux ans. Personne ne m’embêtait, que des câlins.
Belle voix et douceur
Elle m’a emmené chez ses amis qui tiennent un centre de randonnée équestre (2). Adeline, la patronne, a voulu s’occuper de moi. J’étais méfiant, j’avais trop souffert, et j’étais balèze, 1,60 m au garrot. Fallait pas m’approcher. Mais elle a su y faire, avec sa belle voix, sa douceur, mais aussi entêtée, un peu comme moi.
Promener les touristes
Elle a réussi à me monter, elle ne m’inquiétait pas. Elle m’a appris à faire plein de choses que j’aimais bien. Voilà, elle a su deviner ce qui me plaisait, et ce qui lui plaisait à elle. Parce que je n’étais pas là pour brouter. Mais pour promener les touristes dans ces magnifiques monts d’Arrée. Brennilis, Saint-Rivoal, Brasparts, Saint-Cadou, ce ne sont pourtant pas des chemins faciles.
Pied sûr
Mais je m’y connais, en chemins escarpés. J’ai le pied très sûr. Elle m’a très bien testé C’est sûrement pour ça qu’elle m’a livré à une ado de 14 ans pour ma première sortie. Ça durait deux jours. J’ai été nickel, et je crois bien que c’est là que j’ai gagné mes galons de Monsieur. J’aime bien ce job. On se promène toute la journée, les gens sont gentils, le pays est varié, jamais plat, très joli, et ma patronne est super.
Premier concours
Olivier, le compagnon d’Adeline, est maréchal ferrand. Il ne m’aimait pas bien. Heureusement, la patronne l’a fait changer. Et comme il aime l’Extrême Western, il est allé à un concours à Etrechy, près de Paris, en mai dernier. C’est pas de la rigolade. C’est un parcours chronométré avec 13 obstacles. Le jury observe 10 points par obstacle et les note tous. Vous savez quoi ? J’ai remporté le concours !!! Devant tous ces prétentieux de chevaux ! Trop fier. Depuis, il me les fait tous faire. Et je les gagne tous.Ça marche fort pour moi :
je ferai partie de la cérémonie d’ouverture au salon Equitalyon en novembre, à Lyon. Là, c’est une coupe d’Europe qui s’y joue. J’ai quand même le trac ! »