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La sécurité en équitation
Posté le 21/09/2019 à 13h30
L'équilibre entre la maîtrise du risque et son acceptation sont assez difficiles en équitation.
Et on apprend toute sa vie de cavalier, il est donc difficile d'être catégorique.
On accumule de l'expérience pour sa propre sécurité et celle du cheval, souvent suite à des expériences.
Cavalier en vieillissant, on intègre de nouveaux paramètres.
Me concernant: j'ai toujours eu une forme d'appréhension. Je monte depuis plus de trente ans et de manière intensive depuis une vingtaine, propriétaire depuis 10 après quelques années de DP.
J'ai été mise à cheval à 10 ans, par la famille, n'importe comment à l'arrache en balade sans casque sans matos adapté. J'ai toujours été d'un naturel craintif avec les apprentissages du corps, surtout dans un environnement inhabituel (pas les pieds plantés dans le sol si je résume), autant dire que cette expérience m'a terrifiée. Paradoxalement, elle m'a aussi hantée et quelques mois plus tard j'ai démarré les leçons en centre équestre. J'étais toujours aussi terrifiée. La peur la vraie, est un frein considérable à la progression d'un cavalier en le raidissant fortement et elle est gênante à anxiogène pour le cheval.
Ne pas tomber a souvent été obsessionnel. Je sais exactement combien de fois je suis tombée dans ma vie équestre (21 fois en tout!). J'ai eu peur sur certaines chutes, et les pires sont celles pendant lesquelles j'ai eu le temps de réfléchir aux modalités de l'atterrissage. J'ai cassé une clavicule un poignet, et gravement deux malléoles récemment. J'ai chuté trois fois avec un cheval.
Jamais à l'aise sur le cross c'est une discipline dont je me suis rapidement éloignée, dès l'adolescence.
J'ai fréquenté une écurie où les chevaux vivaient en stalles avoinés l'hiver et je suis tombée plus souvent. Cette structure m'a fait très peur et j'ai dû stopper 5 ans. J'ai repris ensuite avec une peur tenace qui a mis du temps à me quitter et a fini par me vaincre à l'obstacle, à force de monter des chevaux souvent sur le pile. Mes crispations aggravaient les situations dans la mesure où, à l'obstacle, elles trompaient le cheval (pas assez de train, mauvaises places...) donc il était plus sage de passer à autre chose.
Quand ça bougeait j'avais peur aussi, et là encore cela aggrave la situation: cheval chaud doit avancer, cheval chaud coincé -> explosion!
J'ai trouvé des endroits plus adaptés et j'ai développé mon goût à la base déjà prononcé pour plat/dressage. Les apports techniques m'ont rendu grand service, Et par la suite, je suis revenue à l'extrérieur seule en repoussant mes propres limites avec des DP.
Du coup au moment d'être propriétaire j'étais bien formée pour travailler à pied, pour améliorer un cheval mis sous la selle, et pour aller dehors. Ma première jument était adorable, mais j'ai eu des moments de frayeur dehors à cause d'acculements. Pas de risque ressenti à mettre pied à terre en cas de problème avec celle-ci (c'était parfois inévitable d'ailleurs).
Je suis tombée d'elle principalement sur des trébuchements au galop.
Sans sauter sur un cross j'ai été remise au terrain varié grâce à des cours particuliers où très alimentée techniquement, ma tête était intégralement occupée à autre chose qu'à appréhender (de ce fait j'insiste sur l'importance de la technique comme par feu au risque).
Ma seconde jument achetée très jeune a vraiment du sang. Il a fallu faire tout le dressage de base à pied et franchement nous avons eu des moments très compliqués en main alors que j'étais persuadée d'être parfaitement formée à ça. Comme quoi, on croit savoir faire et le cheval nous rappelle qu'on ferait mieux de ne pas trop y croire! Par contre ça m'a rendu très vigilante et ça a ajouté de la technique. Vigilance et technique toujours au dessus de la peur. Si la peur (qui n'est pas l'appréhension) a le dessus, l'accident devient probable.
Je suis tombée au débourrage, rien à dire: j'ai fait une faute de poids, ma jument était très sensible à ça, d'autres le sont moins, j'étais en longe, je suis tombée fin de l'histoire. On a modifié un peu notre manière de faire pour que je reste la cavalière et on a fini ce débourrage en prenant bien le temps. J'ai acheté un gilet après cette chute, pas avant, ce qui pour qqun de naturellement craintif est déjà surprenant mais paradoxalement, quand on est transcendé par qqchose, on peut oublier un paramètre. en cela on ne peut pas se fier QUE à sa technique ou à la confiance qu'on a en son encadrant.
Quand j'y pense il est également surprenant que j'ai participé autant à ce débourrage.
Ensuite j'ai eu un accident l'année des 5 ans. Jusque là, je faisais modérément confiance à ma jument. Je la longeais avant de monter, j'étais prudente sur ms gestes et ça se passait comme ça.
Elle a été malade, j'ai failli la perdre et à ce moment là j'ai vu qu'elle nous faisait grandement confiance pour des manips de soins. Ca m'a bouleversé et à partir de là, au-delà de toute considération technique, j'ai développé une confiance absolue et AVEUGLE en mon cheval.
Elle a guéri. Elle a sorti son sang, elle a été de plus en plus en forme. Je n'y ai pas fait assea attention et j'ai gardé un fonctionnement à l'identique: si je ne me sens pas trop motivée, je ne monte pas, donc elle a trois jours de repos, c'est pas très grave... Sauf que si. J'avais l'habitude de regarder son comportement à l'attache pour voir si j'avais besoin de la longer. c'est un leurre, les chevaux apprennent à rester calmes à l'attache quand ils ont compris que c'est un moment paisible et sans histoire.
Et donc un jour, il faisait froid mais beau, elle avait eu trois jours de repos, je me suis demandé si je faisais longe et monte en manège ou monte en carrière, j'ai opté pour la seconde, elle a fusé une fois deux fois trois fois, a fait des bonds. J'étais vigilante, mais je n'vais pas peur et j'ai gardé l'idée d'avancer. Ca marchait, j'aurais pu m'en tenir à ça, et j'ai changé de main, j'ai repris le galop et là elle a explosé: en l'air et vers l'avant. aveuglément confiante je ne portais plus de gilet depuis belle lurette, il n'aurait de toute manière servi a rien, puisque je suis tombée avec mon pied gauche faisant point d'appui sur ma jambe droite, et j'ai pulvérisé mes malléoles. Je n'ai pas été vigilante, j'ai été trop confiante et c'est je crois la seule fois de ma vie que c'est arrivé!
A mon âge ce genre d'accident n'a pas un pronostic hyper optimiste. Comme je suis disciplinée malgré tout et que je déteste faire une erreur, ma rééduc a été rigoureuse. Désormais plaquée et vissée dans la jambe droite, j'ai fait mon retour à cheval 4 mois après. en n'ayant plus aucune confiance en ma jument: d'un excès à l'autre.
J'ai compensé avec plein de cours, avant de comprendre qu'il fallait que je complète seule pour les digérer sans quoi plus aucune autonomie ne serait possible. J'ai composé avec beaucoup de préparation physique pour me rendre plus endurante et plus efficace si ça bouge. Et ça ça marche: bien gainée, le cardio surboosté, pour me fatiguer il en faut maintenant. Par contre je n'ai pas travaillé le mental pour retrouver un équilibre entre vigilance/prudence/technique et ça m'a rattrapée. J'ai fait de la prépa mentale pour ça.
Ca m'a aidée à classifier: je peux être control freak sur plein de choses comme mon alimentation, la fréquence de travail de ma jument, une liberté ou une longe avant toute séance sur laquelle j'ai un doute, de la technique jusqu'au bout de la nuit... Mais en même temps j'apprends à lâcher prise sur le risque non contrôlable: oui, je vais peut-être tomber (c'est ce que je me suis dit à mon premier essai de cordelette il y a quelques semaines), parce que simplement, les cavaliers tombent. Je n'aime pas l'idée mais il ne sert à rien d'en faire la négation. Simplement, organiser sa séance avec son cheval, la mise en route, l'effort de chacun etc. Dehors, j'ai refusé pas mal de temps (un an), je l'ai confiée, maintenant j'y retourne, mais pas seule. Je suis super gênée avec un gilet, je pense qu'il faut que je trouve qqchose comme une dorsale type dainese (gilet zippé). Je ne fais pas tant que ça confiance aux airbags à cause du bruit (et de quelques situations connues de suraccident).
Bref pour moi la sécurité cest:
- des gestes: fermer le manège, la carrière, préparer la sortie en extérieur, pas trop nombreux, pas faire n'imp, être sur le bon sol, faire les réglages de selle avant le montoir, avoir un montoir sécure, être bien équipe, vérifier régulièrement l'usure de son harnachement...
- de la technique: peaufiner le geste, les actions, avancer avancer même quand on a pas envie, être encadrer, répéter
- de la vigilance: si je suis crevé, je fais qqchose de moins difficile, je le confie; je ne ramène pas tout à moi; j'analyse la réponse, j'adapte la mienne, je ne m'énerve jamais contre mon cheval.
- de la régularité: je suis fatiguée mais mon cheval non -> régularité du travail
- de la préparation physique et mentale: plus efficace = plus apte à réagir
- de l'acceptation: je peux peut-être tomber, je dois l'accepter, je ne contrôle pas la météo, ni les animaux sauvage, ni les piétons, cyclistes automobilistes... ce sont des aléas et je suis prête à dealer avec grâce à ma boîte à outils, et je repousse mes limites dans la mesure du raisonnable quand mon cheval le nécessite.
Peut-être que je le verrai autrement après un prochain crash?