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Equitation et corona virus
Posté le 28/03/2020 à 02h11
Analyse d'une interne en médecine ... C'est long est détaillé mais il fait être précis sur ces sujets (et ça va on a le temps en confinement ?) :
Suite à quelques sollicitations de mon entourage au sujet de de la chloroquine et de l'hydroxy-chloroquine, je profite d'une journée en dehors de l'hôpital pour faire le point sur les résultats d'apparence spectaculaires publiés par le Pr Raoult, me faire mon propre avis, et répondre aux questions que mes ?amis virtuels' non médecins se posent peut être.
Lecture d'une dizaine de minutes.
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- Chloroquine (Nivaquine®?) : en traitement du paludisme, elle est donnée à la dose de 900 mg le premier jour en deux prises, puis 300 mg par jour. En prévention du paludisme, elle est donnée à la dose de 100 mg par jour, du jour du départ en voyage et jusqu'à 4 semaines après le retour. Elle est également utilisée contre certaines maladies auto-immunes (le lupus par exemple pour ceux qui regardent Dr House), à une dose de 100 à 200 mg voire 400 mg pour les formes les plus graves, sur du plus long terme.
- L'hydroxychloroquine (Plaquenil®?), dérivé de la chloroquine, n'est pas utilisé comme antipaludéen mais comme anti-lupus surtout, à la dose de 200 à 400 mg, voire 600 mg pour les formes les plus graves.
(Les doses des médicaments sont importantes pour la suite.)
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- Bien avant la pandémie actuelle, la chloroquine a fait ses preuves en laboratoire ( = in vitro) dès les années 1960, en empêchant des virus d'entrer dans les cellules humaines, et notamment le coronavirus 1 apparu en 2003
- Dans le corps humain (in vivo), la chloroquine n'a jamais montré de bénéfices, dans aucune étude, pour aucun virus.
- En chine, une étude est publiée le 4 février montrant que la chloroquine et le remdesivir (un médicament antiviral) sont hautement efficace pour le contrôle de l'infection à coronavirus IN VITRO. https://www.nature.com/articles/s41422-020-0282-0
- Le 19 février : une équipe chinoise affirme l'" efficacité apparente de la chloroquine sur les pneumonies (formes inquiétantes) induite par le nouveau coronavirus ", sans publier la moindre donnée scientifique, dans un communiqué de presse d'une page. https://www.jstage.jst.go.jp/article/bst/14/1/14_2020.01047/_pdf/-char/en
- Publiée le 9 mars, toujours en chine, une étude révèle qu'in vitro " l'hydroxychloroquine à un effet antiviral plus important que la chloroquine " Source : https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa237/5801998
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Lien vers l'étude : https://www.mediterranee-infection.com/wp-content/uploads/2020/03/Hydroxychloroquine_final_DOI_IJAA.pdf
J'essaye en quelques points de détailler sa méthode et de soulever les points qui posent problème pour étendre les résultats aux conditions de pratique quotidienne.
1. Ils ont pris 36 patients.
20 reçoivent un traitement par hydroxychloroquine (200 mg 3 fois par jour), en plus d'un antibiotique pour 6 d'entre eux (ceux souffrant d'une bronchite ou pneumonie);
et 16 ne sont pas traités (c'est le groupe contrôle)
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- Initialement l'étude avait inclus 42 patients. L'analyse statistique a donc exclu 6 patients (ils étaient tous dans le groupe des traités) : 3 parce qu'ils ont été transférés en unité de soins intensifs, 1 est mort, 1 a décidé de quitter l'hôpital, et le dernier a arrêté le traitement en raison de nausées.
Il en restait donc 20 dans le groupe traité et 16 dans le groupe contrôle.
Une étude scientifique rigoureuse maintiendrait ces cas dans l'analyse statistique.
- 36 est un petit nombre. Il n'y pas assez de patient pour avoir 2 groupes comparables entre eux, un déséquilibre est inévitable (les deux groupes sont d'ailleurs à peine décrits). Et on imagine bien que les résultats sont difficilement extrapolables sur cette seule base à toute une population.
2. Sur un prélèvement nasal, ils ont cherché à détecter le virus par PCR (polymerase chain reaction, une méthode de laboratoire qui permet d'amplifier le génome d'un virus quand il existe pour dire si oui ou non il y en avait dans le prélèvement).
Initialement le " critère de jugement principal " de l'étude (c'est-à-dire le critère mesurable dont le chercheur fait l'hypothèse qu'il sera modifié par son traitement) était la détection du virus au 14ème jour.
Des critères secondaires ont été définis. Ils étaient plus cliniques : température, fréquence respiratoire, durée d'hospitalisation et mortalité.
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- Finalement, seuls les résultats au 6ème jour sont présentés sans les résultats à J14, qui ont aussi été collectés.
Généralement c'est un mauvais signe.
On peut formuler quelques hypothèses :
??d'autres patients ont-ils quitté volontairement l'étude ? morts ? Quand on n'a pas beaucoup de patient, cela peut vite poser problème pour l'analyse.
??Des prélèvements négatifs sont-ils à nouveau positifs ? Plusieurs prélèvements dans le groupe de patient traités par hydroxy-chloroquine étaient de faux négatifs, puisqu'ils étaient de nouveau positifs le lendemain.
- Pour rappel, les 20 patients traités étaient hospitalisés à Marseille, les 16 du groupe contrôle dans d'autres villes alentours : Nice, Avignon, Briançon (je connais pas cette ville ?).
Aucune donnée n'indique une comparabilité des protocoles de prélèvement nasal, de méthode de détection du virus, entre les différents laboratoires de ces villes et de Marseille. Or les biologistes s'accordent à dire que d'une méthode à l'autre, au sein d'un même laboratoire, à fortiori dans des villes différentes, les résultats peuvent varier. C'est un des problèmes majeur de l'étude.
- Les données sur les critères de jugement secondaires ne sont pas présentées.
- Les patients sont inclus dans l'étude en moyenne à 4 jours du début des symptômes. Si on prend une période d'incubation en moyenne de 7 jours (varie entre 2 et 14 jours selon les études), cela voudrait dire que les patients ont commencé l'hydroxychloroquine en moyenne à 11 jours depuis la date de leur infection. Ce n'est donc pas à J6 de l'infection que le virus n'est plus détecté mais en moyenne à J17.
Et à 17 jours de l'infection, ne plus avoir de virus dans les prélèvements, c'est l'évolution naturelle de la maladie bénigne (portage de 20 jours décrit). Cela discrédite notamment la différence décrite entre le groupe Hydroxychloroquine et le groupe Hydroxychloroquine + Azithromycine, qui ne se manifeste pas dans les premiers jours de l'inclusion.
3. Supposons même que les résultats de l'étude sont valables :
- La chloroquine ne dispenserait pas du confinement, vu qu'elle laisse toute la période d'incubation + 6 jours au patient traité pour infecter le reste du monde.
- Ne résout pas le problème des patients grave (ces patients n'étaient pas inclus dans l'étude)
Pour résumé, rien ne permet d'affirmer les résultats dans le groupe traité, rien ne permet de les comparer au groupe contrôle, et ces résultats même valides ne dispense pas d'un confinement et des mesures barrières.
Scientifiquement, cette étude ne vaut rien, mais elle a le mérite d'avoir précipité la réalisation d'études plus sérieuses.
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On peut surement se passer de rigueur administrative, mais les règles des études scientifiques sont justement faites pour réduire au minimum le risque d'obtenir des résultats dus au hasard (on accepte un risque de 5%). Clairement les résultats du Pr Raoult sont dus au hasard.
Maintenant il arrive d'avoir juste en répondant au hasard (ça nous arrive tous, avouez ? ), et même si par miracle de vrais études confirment l'effet de la chloroquine, ça ne pardonnera pas, à mon sens, le comportement public du Pr Raoult.
A ce jour, il n'y a pas la moindre donnée valable dans la littérature mondiale chez l'humain en faveur de la chloroquine ou de l'hydroxychloroquine qui justifie de jouer avec l'espoir et la peur des gens.
L'étude est à la fois irrecevable et la mise en scène par son auteur irresponsable.
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Victime de cette étude et du bruit généré, le Maroc décide le 23 mars d'adopter officiellement le traitement par chloroquine 500 mg x 2 ou l'hydroxychloroquine 200 mg x 3 pendant 10 jours, en association à l'azithromycine.
C'est un pari sans fondement.
C'est aussi un pari dangereux : utilisés seuls même à dose normale, il existe un risque de trouble du rythme cardiaque (pouvant aller jusqu'à l'arrêt cardiaque) chez une population particulière de patients. Ce risque est encore plus élevé en association à certains médicaments, dont l'azithromycine.
Ce pari risqué devra donc au moins être sérieusement régulé, pour sécuriser les prescriptions, empêcher l'auto-médication, éviter un marché parallèle et continuer à fournir les patients qui en ont besoin sur le long terme?
A 225 cas ce mercredi 25 mars, le Maroc se rapproche dangereusement de la catastrophe. Je suis loin d'être convaincue que l'hydroxychloroquine en changera l'évolution, et encore moins la chloroquine.
Hydroxychloroquine ou pas : restez chez vous et protégez vos proches ??