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Transport de chevaux en avion
Posté le 01/12/2009 à 01h00
Extrait de l'article: Quand le cheval prend les airs.
Les transports de chevaux se sont généralisés, multipliés, accélérés. Les grands championnats internationaux sont aujourd'hui monnaie courante et nous sommes en pleine saison ! Pourtant, le transport aérien demeure par nature encore difficile à aborder et exige un certain nombre de précautions tant dans sa préparation que pendant et après le vol...
A l'image d'un vol international classique, un avion qui transporte des chevaux en provenance d'un pays tiers (hors communauté européenne) ne peut atterrir n'importe où. Il lui faut une zone accréditée, véritable porte d'arrivée des équidés à l'international. En France, seuls deux aéroports possèdent ce statut: Roissy-Charles de Gaulle et Deauville Normandie. Le premier est le principal aéroport pour le transport d'animaux vivants en France. L'aéroport de Deauville cible plus des transports charters à destination ou en provenance d'outre Atlantique. Il faut ajouter à ces deux noms celui du Bourget, réservé à des vols intra-communautaires de type Irlande / France.
Le marché français du transport aérien de pur-sang représente entre 1000 et 1500 dossiers annuels (import et export). Tous les cas sont possibles et coexistent pour un même opérateur: de la jument pleine à la jument suitée, du foal au yearling en passant, bien sûr, par le cheval à l'entraînement. Le marché français est assuré par STC Horse France et STH Hippavia à part quasiment égale. Le marché du transport courte distance (l'Irlande ou l'Angleterre) souffre depuis quelques années de la concurrence de la combinaison route + bateau, devenue plus compétitive et plus facile à organiser.
Dans le même temps les prix du transport aérien ont eu tendance à augmenter. Nous sommes là dans un contexte similaire à celui des transports humains, avec les mêmes tendances de fond puisque les moyens mis en oeuvre et les coûts assumés par les compagnies aériennes sont les mêmes, que ce soit pour les hommes ou pour les chevaux, qui dépendent toutefois du fret.
Le faible nombre d'accès sur le territoire français aux avions transportant des chevaux s'explique par "la réglementation sur les portes d'entrées autorisées aux animaux vivants", explique Robert Nataf, dirigeant de STC Horse France.
Sur les vols longs courriers, les opérateurs louent des palettes de trois places qu'ils facturent ensuite à leurs clients: "en essayant d'optimiser les coûts et de remplir au mieux cet espace" argumente Daniel Roelants de STH Hippavia.
Au delà de l'aspect technique du transport, STC Horse France et STH Hippavia prennent en charge le dossier de chaque cheval, du point de vue sanitaire, administratif, douanier, voire des obligations auprès des Jockey Club ou de France Galop dans l'hexagone. "C'est le principe du box à box" pour Robert Nataf.
Parmi les innombrables transports de champions effectués par chacun des sociétés françaises, deux noms suffiront. STH Hippavia se recommande des raids victorieux de Doctor Dino à Hong Kong en 2007 et 2008, alors que STC Horse France a pris en charge les déplacements marqués du succès de Goldikova à Santa Anita dans la Breeders' Cup Mile, en 2008 et 2009. Ses yeux bleus s'allument encore un peu plus quand on parle de voyages. Pourtant Régis Barbedette reconnaît "ne pas vraiment parler de langue étrangère et très mal parle l'anglais. Je connais quelques mots et je répète toujours mes phrases à l'avance". Le garçon de voyage de Freddy Head, qui a accompagné Goldikova dans ses expéditions victorieuses en Californie en 2008 et 2009, est l'un des plus expérimentés en France en matière de voyage.
"La première année (2008, N.D.L.R) avec Goldikova, cela s'est mal passé. La jument était stressée. Elle a "explosé" dans le camion et s'est mise en eau. J'ai même été obligé d'appeler un vétérinaire pour la réhydrater. Cette année, cela a été totalement différent. Goldikova est intelligente et les chevaux apprennent vite. Avec Freddy Head, nous respectons certaines règles. D'abord il faut que les chevaux voyagent à plusieurs. C'est trés important et cela les rassure. Dans un espace de trois chevaux, l'idéal est d'en installer deux. Ensuite, on essaie de ne pas changer leurs habitudes alimentaires et on emmène donc avec nous notre nourriture. Pendant le voyage, il faut aussi les occuper. Je leur donne des produits sucrés qui vont aussi les réhydrater comme des pommes ou des carottes. Mais il y a aussi la force de l'habitude qui aide. Cette année Goldikova mangeait pendant le décollage. J'ai remarqué que des chevaux qui étaient habitués à prendre l'avion, comme ceux de la famille Maktoum qui séjournent à Dubaï, voyageaient toujours bien".
Les mouvements d'un cheval ne sont pas sans répercussion y compris sur un gros-porteur comme l'explique Régis Barbedette: "Un pilote m'a avoué que si un cheval bougeait à l'atterrissage, il le sentait dans les mouvements de l'avion". Seul maître à bord, le commandant de bord est dépositaire de la décision suprême, celle qui consiste à demander pour des raisons sécuritaires, pendant un vol, l'euthanasie d'un cheval. Ce scénario est excessivement rare mais existe néanmoins. Une des conditions de réussite d'un long voyage pourrait se résumer dans le mot confiance. La confiance réciproque entre le cheval et son accompagnateur. "Les chevaux ont besoin de nous pendant le voyage ; il faut rester avec eux. Un voyage en avion entraîne aussi des comportements étonnants dans le bon sens du terme. Goldikiva qui est, par exemple, une jument au tempérament agressif habituellement - même après une course - a été très gentille lors de son dernier voyage. Jamais elle n'a essayé de mordre, ce qui n'est pas son visage habituel".
Barry Shannon, de Kelamer Bloodstock Services explique: "Les chevaux qui ont voyagé foal sont généralement plus faciles ensuite. C'est une question d'habitude. Il faut surtout veiller à réhydrater les chevaux avant, pendant et après le vol. Il est préférable de pas rester tout le temps avec le cheval. Il faut être là mais se faire discret. L'approvisionner en foin -mâcher l'occupe- en eau et en electrolytes. Mais les chevaux préfèrent souvent la compagnie de leurs semblables. Certains - et c'est rare - ont le mal des transports. Ils peuvent tomber malade même pour un vol de 45 minutes, et même en camion. Cela se manifeste par une respiration difficile, une montée de la température, et un manque d'appétit. Quand cela se produit, un cheval ne peut pas courir à son arrivée".
Ce n'est pas la première fois que la comparaison d'un cheval de courses avec bébé se justifie. Le transport aérien des chevaux est devenu monnaie courante mais il n'est jamais anodin, sauf pour un cheval qui en aurait pris l'habitude. Sommes-nous si différents ?
Les encadrés:
Certains avions sont spécialement équipés pour recevoir des chevaux, mais il faut faire en sorte qu'ils soient bien tenus dans leur stalle, car les grands espaces pourraient leur donner des idées.
Il faut plus qu'une carte d'embarquement pour qu'un cheval puisse s'envoler. Les transporteurs se chargent généralement des nombreuses démarches nécéssaires.
Alban de Mieulle: "on réduit les apports énergétiques avant un voyage". "Avant un voyage, je prends soin avec mon équipe à diminuer les rations alimentaires pour réduire les apports énergétiques. Avec certains chevaux, on peut aussi faire de la réhydratation forcée par voie nasale ou sous forme intraveineuse. Pendant le vol, la consigne est donnée au garçon de voyage de s'assurer que le cheval boit aussi souvent qu'il le veut. Ce sont des précautions simples mais nécessaires".
Source: La Revue du Galop, Numéro 34, Décembre 2009. Pages 24 à 29. Par Willy Flambard.