La quarantaine et plus, mais 10 ans d'âge mental !

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Tequila03

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La quarantaine et plus, mais 10 ans d'âge mental !
Posté le 15/08/2010 à 23h34

Tout est dans le titre....


Avertissement général: suite à plusieurs dérapages sur ce post, nous rappelons qu'il est soumis au respect de notre charte comme le reste du forum. Tout nouveau dérapage entrainera le blocage des membres concernés et l'éventuelle fermeture du post. On a beau avoir 10 ans d'âge mental, il y a un minimum de respect à avoir pour les autres et pour le staff. - 
Modérateur : bianca_jones

Garrigue02

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Posté le 24/09/2012 à 09h31


xena33 a écrit le 24/09/2012 à 09h16:
bijour tout le monde!!
Rik j'ai déjà lu deux de tes petites histoires.. on se prends à lire et lire pour connaitre la fin! elles sont très sympas!


Mais tu fais comment ? faut télécharger en haut à droite ? (Gag le boulet )

Xena33

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Posté le 24/09/2012 à 10h06


garrigue02 a écrit le 24/09/2012 à 09h31:


Mais tu fais comment ? faut télécharger en haut à droite ? (Gag le boulet )


alors ma tite fraise, tu cliques sur le premier lien et après tu cliques sur sauvegarder sous... votre ordinateur, Télécharger après tu cliques ou sur "ouvrir " ou "enregistrer" ! voilà ma tite fraise des bôas ! maintenant faut que ton Marcel il veuille bien!

Garrigue02

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Posté le 24/09/2012 à 10h32


xena33 a écrit le 24/09/2012 à 10h06:


alors ma tite fraise, tu cliques sur le premier lien et après tu cliques sur sauvegarder sous... votre ordinateur, Télécharger après tu cliques ou sur "ouvrir " ou "enregistrer" ! voilà ma tite fraise des bôas ! maintenant faut que ton Marcel il veuille bien!


Bon, Marcel y veut bien ... Mais que les titres
Vais tenter une autre manœuvre

Xena33

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Posté le 24/09/2012 à 10h37


garrigue02 a écrit le 24/09/2012 à 10h32:


Bon, Marcel y veut bien ... Mais que les titres
Vais tenter une autre manœuvre


que les titres?? il est con le Marcel ou quoi?? t'es descendue à la suite des titres avec ta souris? les histoires sont à la suite il y a plusieurs pages!

Edité par xena33 le 24-09-2012 à 10h38



Garrigue02

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Posté le 24/09/2012 à 10h48

Ouais, j'ai lu la première nouvelle

J'aime bien les histoires du petit Cadet

Faut que j'aille cravailler, un peu, mais je m'y recolle le plus vite possible

Xena33

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Posté le 24/09/2012 à 11h31

tiens ça fait longtemps que je vous ai pas mis une tite photo..alors voilà c'est Moustik ( ou Tarmac ou Coquillette, ou mononeurone, ou Piste à Mouches, ou Chicoungougna...et j'en passe.. ) pendant sa colo à La Rochelle! l'avait la ligne le gros! bon l'a repris du bide depuis qu'il est reviendu le Tarmac!

Erikrod

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Posté le 24/09/2012 à 12h31

Oubah ! Très bô cheval, madame ! Quelle encolure... S'il tire sur les rênes, ça doit chatouiller les articulations !

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Posté le 24/09/2012 à 12h57


xena33 a écrit le 24/09/2012 à 11h31:
tiens ça fait longtemps que je vous ai pas mis une tite photo..alors voilà c'est Moustik ( ou Tarmac ou Coquillette, ou mononeurone, ou Piste à Mouches, ou Chicoungougna...et j'en passe.. ) pendant sa colo à La Rochelle! l'avait la ligne le gros! bon l'a repris du bide depuis qu'il est reviendu le Tarmac!


Eh ben, j'l'aurais pas reconnu, ta coquillette ...Heureusement que t'as précisé !

Sinon, j'ai pas pu m'empêcher de " bouquiner " sur mon ordi
Eh ben moi, je dit que le petit Cadet, il a bien du talent
Ce genre de récits me fait penser à P. Bellemare et a le don de vous tenir en haleine jusqu'au dénouement
Et pour ce qui est du travail de recherche, pareil, chapeau !
Vous, je ne sais pas, mais moi, j'ai adoré ....

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Posté le 24/09/2012 à 14h26


garrigue02 a écrit le 24/09/2012 à 12h57:


Eh ben, j'l'aurais pas reconnu, ta coquillette ...Heureusement que t'as précisé !

Sinon, j'ai pas pu m'empêcher de " bouquiner " sur mon ordi
Eh ben moi, je dit que le petit Cadet, il a bien du talent
Ce genre de récits me fait penser à P. Bellemare et a le don de vous tenir en haleine jusqu'au dénouement
Et pour ce qui est du travail de recherche, pareil, chapeau !
Vous, je ne sais pas, mais moi, j'ai adoré ....
moi aussi j'ai adoré! on est obligé d'aller jusqu'au bout!sauf quand un boulet de collègue vient te poser une question débile mais j'ai reussi à toutes les lire! Rik

Erikrod

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Posté le 24/09/2012 à 14h54

Et ben ! Je suis content que ça vous ait plu...

Xena33

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Posté le 24/09/2012 à 15h23


erikrod a écrit le 24/09/2012 à 12h31:
Oubah ! Très bô cheval, madame ! Quelle encolure... S'il tire sur les rênes, ça doit chatouiller les articulations !


ça tu peux le dire, bon il ne tire pas sur les rênes, par contre il fait toujours le couillon au galop , l'a toujours la connerie alors pour bosser une reprise de dressage l'est pô un cadeau ! mais on va y arriver! il préfère s'amuser en liberté mon gros c'est mon Tarmac d'amour! ze l'ai eu il avait 6 mois! donc ze lui pardonne tout! ou presque!

Garrigue02

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Posté le 24/09/2012 à 17h26


erikrod a écrit le 24/09/2012 à 14h54:
Et ben ! Je suis content que ça vous ait plu...


C'est rien de le dire ... d'où l'expression : Dévorer un bouquin !
Tu mets ton nez dedans, t'en sors plus

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Posté le 25/09/2012 à 08h58

hého... ooooooooooooooh.....

"bruit de l'écho dans la grande salle viiiiiiiide".

Je suis tout seul !

Personne pour boire un tit café avec moi ?

Bon. Ben retour au clavier, feuilles d'heures de mes équipes et budget. ouhaiiiiiiiiis...

Et j'ai la tête avec mon cheval. ça va pas être simple...

Erikrod

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Posté le 25/09/2012 à 13h38

Je vais donc continuer stoïquement à parler tout seul, alors que la pluie tombe sur Bordeaux, qu'il ne fait pas chaud et que je passe l'après midi entre formation et réunions. ça va être bien productif tout ça.
Tient, je vais aller faire un tour chez Horsewood en fin de journée, il me faut un mors aiguille en 125 que je vais gaîner en cuir pour mon Mendy.
Et puis, je vais aller un peu mettre la pression sur mes managers, ils mollissent en ce moment. Faut pas les laisser refroidir... et tiens, je m'en vais vous coller le début d'un roman que j'ai commencé il y a trois ans et que je n'arrive pas a poursuivre. Vous me direz si ça vaut le coup ou pas...


Miroir, mon beau miroir.

Chapitre I


- Allô. Oui. Oui, le Capitaine Kossoff à l’appareil. Oui Monsieur.
-…
- Non, le chef de département est en réunion au ministère. Il ne sera de retour que pour le briefing à quatorze heures.
-…
- C’est entendu, je lui demande de vous rappeler dès son retour. Mes respects, Monsieur.

Boyan reposa le combiné, se demandant pourquoi le chef de cabinet du ministère de l’Intérieur pouvait l’avoir appelé, alors que son interlocuteur était précisément au même endroit.
Pivotant sur l’antique fauteuil à roulettes dont le cuir moelleux commençait à sérieusement accuser l’usure du temps, il sourit à sa collègue, Eléonore.
- Je pense qu’ils sont tombés sur la tête, place Beauvau.
- Qu’est ce qui te fait dire ça ?
- Ils cherchent le Pacha alors qu’il est chez eux, en réunion avec le ministre. Et plutôt que de l’intercepter, ils veulent que ce soit lui qui rappelle à son retour. Tout ça sur la requête de Moreau, le chef de cabinet du ministre ! C’est complètement idiot.

- Mais ce n’est pas la première fois qu’ils font un truc débile. Donc, tu transmets, point barre. Et tu m’aides à finaliser ce rapport.

Eléonore avait intégré le service huit mois auparavant. Vingt-sept ans, une longue chevelure auburn tombait en cascade sur ses épaules. Pratiquant régulièrement l’escrime et la natation, elle était svelte, et sa poitrine faisait souvent rater ses yeux gris au premier contact. Issue de la police nationale, où elle avait fait ses armes à la brigade anticriminalité, elle s’était rapidement intégrée à l’équipe. Un bien grand mot, d’ailleurs, pour ce groupuscule constitué du Pacha, de Boyan et d’elle-même.

- Bon. D’accord. C’est quelle affaire ?
- Adelphy.
- Ah ? Je pensais que tu avais déjà bouclé ce dossier. Tu bulles ?

Boyan, trente-cinq ans, les cheveux noirs, très courts (La coupe incorpo , comme il la nommait), adorait taquiner son unique collègue. Il mesurait environ un mètre soixante-quinze, pour soixante-sept kilos, et arborait habituellement un tee-shirt noir du groupe Motorhead, qui allait soi-disant bien avec ses yeux, et un jean qui allait bien comme pantalon.

- Je te demande si tu changes ton bavoir hard rockeux tous les jours ? Alors, rapplique devant ton pc et forwarde moi les photos des pièces saisies lors de la perquise de mardi.
- À vos ordres, Lieutenant Eléonore !
- Vous me gonflez, Capitaine Kossoff. Pourquoi n’êtes-vous pas resté dans la Marine Nationale ? Cela m’eut fait, en quelque sorte, des vacances.
- Parce que l’état-major FNS a jugé opportun de me détacher à cette prestigieuse équipe, que nous formons, tous les trois…
Se penchant sur son clavier, il entreprit de trier les photos, puis de les crypter avant de les stocker sur le serveur d’échange, ou sa collègue pourrait les récupérer.
Ayant classé quelques documents dans le meuble à clapets situé contre le mur, à gauche de son bureau, il se rassit. Se penchant en avant, il interrompit la saisie frénétique d’Éléonore, par un sonore « Casse-croûte ! ». Leur bureau se situait au quatrième étage d’un bâtiment annexe derrière le grand vaisseau de verre échoué quai de Bercy. Cette annexe servait principalement au stockage des archives du ministère des finances. De fait, ils ne rencontraient pratiquement jamais personne dans cet immeuble. Ce qui leur faisait dire que, s’ils mourraient à leur poste, il est vraisemblable que leurs cadavres ne seraient découverts que par des archéologues.

Sortant dans l’allée Paul Ramadier, ils prirent ensuite la rue de Bercy, sur la droite, en direction du Palais Omnisports. N’aimant pas particulièrement la nourriture des quatre cantines disponibles au ministère des finances et du budget, ils préféraient déjeuner rapidement dans un bar, du côté de la place Ginette Hamelin.

- Ça s’est fini comment, pour Desmazures ?
- Le DAF de Adelphy ? Quinze mois, dont douze avec sursis. La préventive à couvert la peine. Il est libre.
Eléonore haussa les épaules.
- Ça me fout les boules. Avoir bossé aussi dur, subi les allusions douteuses de ce connard…
- La prochaine fois, très chère, choisissez une immersion plus éloignée du boss.
- Je n’avais pas le choix. C’est le Pacha, avec le ministère, qui a décidé du point d’implantation. Ils avaient déjà ciblé le bonhomme, il restait juste à verrouiller. Sept mois de boulot, pour cette peine ridicule ! Il a quand même vendu des plans d’un système d’assistance au parcage de véhicule aux Coréens ! Qui vont se dépêcher d’attaquer le marché européen, à un coût impossible à contrer. Plus tard, on dira : On savait faire ça, en France ! N’oubliez pas le gardien, en sortant du musée !
- Arrête, tu n’y peux plus rien. Et tu es trop petite pour une si grande tâche.
- Je suis surtout trop petite pour un si grand malheur !

S’asseyant à la terrasse du Peanut’s Café, elle releva raisonnablement sa jupe pour exposer ses jambes au soleil. Ce que Boyan ne manqua pas de voir.
- Et pour le haut, comment tu vas faire ? Va y avoir une différence de couleur… Seins blancs, jambes noires !
- Commandes moi plutôt une salade, avec tomates, mozzarella, huile d’olive et balsamique plus un Perrier. Pour le bronzage, je me débrouille seule.
- Yo. Et un Parisien – demi pour moi.

Le mois d’Août est toujours très calme, à Paris. Le trafic routier décroît, et la ville prend une allure apaisée. Déjeuner en terrasse devient presque agréable, pour peu que le soleil soit présent, et l’air ni trop lourd, ni trop pollué. Ayant réglé leur déjeuner, ils reprirent la direction du bureau en faisant un crochet par le parc du POPB .

- Tu vas où, cet été ?
- Bronzer mes jolies jambes en montagne. Rando en autonomie complète, une dizaine de jours loin des opérations.
- Et quel cadre enchanteur doit t’accueillir ?
- ? !
- Non, quel milieu, la DZ quoi…
- Ah ! Les Pyrénées. Hautes, centrales. Le Massif du Néouvielle, par là, autant que possible hors GR .
- Néovieille ? Je ne connais pas.
- Néouvielle. Un massif montagneux, avec plusieurs sommets autour et une succession de plateaux et vallées, à vue du pic du midi de Bigorre. Un joli coin, pas trop peuplé. Et toi ?
- Plongée. Plongée, plongée et peut-être aussi de la plongée.
- C’est malin !
- Bah, tu sais, sous-marinier un jour, sous-marinier à mort. Même sans la coque épaisse ! Après vous, Lieutenant.
Ceci dit en tenant la porte d’entrée ouverte après qu’il eut passé son badge d’identification. Eléonore entra, passant malgré tout son badge sur le lecteur. Elle ne tenait pas à se retrouver bloquée par l’anti pass-back, qui considérait que vous ne pouviez sortir, si vous n’étiez entré.

- D’où arrivez-vous ? Je vous rappelle qu’en dehors des Op, le briefing à lieu à quatorze heures ! On n’est déjà pas nombreux, vous imaginez le bordel si un jour on dépasse cinq têtes et que chacun fait ce que bon lui semble !
Le Pacha, ainsi surnommé par Boyan, approchait de la quarantaine, était grand et musculeux. Il arborait une brosse et une moustache grise. Ses pupilles se détachaient nettement de ses iris bleu ciel, et lui conféraient un effet hypnotique. Son équipe et lui-même étant toujours en vêtements civils, on ne pouvait savoir qu’il était Lieutenant-colonel dans l’armée de l’air avant de prendre la direction du groupuscule de l’allée Ramadier.
- J’étais à l’Intérieur pour le point mensuel avec l’autorité de tutelle, ce matin.
- En parlant de Dieu, mon colonel, Moreau a demandé que vous rappeliez Son Excellence.
- Monsieur le Ministre de l’Intérieur, Boyan. Un peu du respect qui manque aux matafs vous ferait du bien.
- Pas vraiment mataf, plutôt bateaux noirs , sauf votre respect, mon colonel.
- Et cessez de donner mon grade. Notre première qualité doit être la discrétion. On ne doit jamais pouvoir penser que nous sommes autres choses que ce que nous prétendons être lorsque nous sommes en mission. Pacha est aussi inapproprié : Je n’ai jamais foutu les pieds sur un bateau, qu’il soit de la Royale ou civil. Donc, profil furtif. Clair.
- Fort et clair, chef.
- Vous êtes incurable. Eléonore, vous arrivez encore à le supporter ?
- C’est limite, mais mes capacités d’adaptation ont encore de la réserve. De nouvelles instructions sont tombées de Beauvau ?
- Rien de particulier. Ils apprécient moyennement le jugement rendu sur Adelphy, mais il n’est pas à exclure qu’il y ait eu un coup de pression des pétroliers sur la chancellerie. Si on favorise l’import de véhicules d’Asie du sud-est, peu onéreux, on en vend plus. La consommation croit et les dividendes des pétroliers avec. Même si c’est au détriment des constructeurs nationaux. Donc, Desmazures aurait quelque part favorisé la progression du marché, et l’encaissement de la TVA sur les ventes des véhicules et de l’essence. Sans omettre la TIPP . C’est tordu, mais ça leur convient. Sinon, on a eu une secousse chez Turboméca à Tarnos, dans les Landes. Ils développent des moteurs à turbines et se sont réveillés un matin en constatant que les plans de profil de pales de leur dernier joujou avaient disparu. Problème, car ils travaillent assidûment à la réduction du bruit et de la signature thermique de la bestiole. Après une courte enquête interne, ils ont découvert qu’un dessinateur avait embarqué les plans en question à l’atelier de prototypage, et qu’ils ont servi de « nappe » au personnel de maintenance qui changeait les filtres terminaux des centrales de traitement d’air. Ils ne voulaient pas déposer de poussière au sol… Le dessinateur et les techniciens de maintenance ont pris une branlée.
- De fait, c’est balèze.
- Et de votre côté ? Kossoff ? Beaulieu ?
-…
- Bon, j’appelle le ministre.



Chapitre II


- C’est très clair. Nous y allons tout de suite. Mes respects, Monsieur le ministre.

Ayant raccroché, François « Le Pacha » Lepanche saisit son bloc, le Mont-Blanc Meisterstück à plume dont il ne se séparait jamais (Ce qui avait fait dire à Boyan qu’il devait être dangereux de voler avec lui, à cause des risques de dépressurisation du stylo). Rangeant le tout dans sa sacoche en cuir, il se leva, éteignit la lumière et sortit de son bureau, qu’il ferma à clef.
Passant devant le local de son équipe, il pria Boyan et Eléonore de se joindre à lui pour une réunion d’urgence dans une salle sécurisée du Quai des Orfèvres. Sortant du parking du ministère, ils prirent les quais et le pont de Bercy, puis le quai d’Austerlitz qu’ils longèrent jusqu’au quai des Grand Augustins, et enfin les Orfèvres via le Pont Neuf.
Arrivé dans l’une des multiples cours intérieures, Boyan enleva le gyrophare à embase magnétique qu’il avait posé sur le toit du véhicule au départ, au cas où. Mais la circulation fluide avait rendu l’avertisseur inutile.
Eléonore se tourna vers le Pacha :
- On pourrait peut-être essayer la navette fluviale, un de ces jours ! La Concorde et la Bercy sont toujours à quai.
- Non, je ne pense pas, non. Elles sont réservées à nos politiques, pour qu’ils puissent aller facilement au Palais Bourbon. La chambre basse du parlement est près de l’eau, c’est connu.
Boyan s’esclaffa :
- Ouais, on ferait aussi bien de s’installer au 36, avec les autres services d’investigation.
- Ce serait plus simple uniquement lors des phases finales, lorsqu’on saute les suspects. Pour le reste, Bercy est plus discret, et les infos financières plus facilement accessibles. Et personne ne sait ce que nous bidouillons au quatrième de notre boîte à archives. Pour vivre heureux…
- Vivons cachés. Sûr, Chef.
- Bon, on y est. Silence sauf si on vous interroge.
- Oki-doki, Pacha.
- Chouette, je vais faire la potiche brune.

François tira sur la porte, après avoir passé son badge sur le lecteur de contrôle d’accès. Ils entrèrent dans un hall clair et relativement exigu.
Lorsque la porte se fut verrouillée derrière eux, un sas à tambour s’ouvrit, et une voix sortie d’un haut-parleur au plafond leur ordonna de passer par ce sas, un par un. François passa en premier. Le panneau refermé, il entendit un bruissement derrière les parois : Vraisemblablement un scanner recherchant les masses métalliques. Ce ne devait pas être un contrôle radiologique : il n’y avait aucun trèfle de signalisation .
Puis le panneau opposé s’ouvrit, et un sergent accueillit le Pacha. Vinrent Eléonore, puis Boyan.
Le sous-officier vérifia leurs cartes, et demanda par téléphone un contrôle de leur niveau d’habilitation.
Visiblement, la réponse correspondait au document affiché sur l’écran de l’ordinateur. Il les pria de le suivre, après leur avoir pris clefs, téléphones, papiers, bijoux, et avoir passé un détecteur polyvalent métal – fréquences autour de chacun d’entre eux.
Ils empruntèrent un couloir aveugle, dont la peinture était défraîchie, et peu mise en valeur par l’éclairage de tubes fluorescents fatigués. Le couloir fit un premier angle à droite, puis un second qui les amena devant la porte d’un ascenseur.
Ayant appuyé sur le bouton d’appel, le sergent se tint fixe devant la porte coulissante qui finit par s’ouvrir. Saluant, il dit à l’officier attendant dans la cabine :
- Mon lieutenant, voici le Groupe Troie, attendu en war room, par Autorité trois.
- Rompez, sergent. Bonjour François. Capitaine, Lieutenant, bienvenue dans la zone verte du 36 Quai.
- Zone verte ? Interrogea Eléonore.
- Le secteur sous contrôle militaire, dépendant du ministère de la défense, au sein d’une instance pilotée par l’Intérieur. Le nom officiel est « secteur interministériel ».
Cette cohabitation parfois les choses un peu compliquées. Bon. Nous descendons au niveau moins quatre. François, tu connais. Pour nos deux jeunes recrues, vous arrivez dans un secteur conçu pour les situations de crise, qui nécessitent justement la mise en commun de moyens civils et de l’armée. Ce bâtiment est au cœur du groupe d’immeubles du quai des Orfèvres, et les salles de réunion sont implantées au sous-sol, en sandwich entre deux étages rigoureusement vides afin de pouvoir détecter tout objet anormal. Les cinq salles sont réparties en quatre autour de la cinquième, et peuvent être mises en commun, ou séparées à notre volonté. Un couloir vide ceinture l’ensemble. Les parois des salles sont multicouches : Un bloc de béton ceinture l’ensemble, puis trois nappes de cuivre séparées les unes des autres et parcourues de courants à fréquences centrées l’une sur le bruit rose , la seconde sur les hautes fréquences, la troisième sur les très hautes fréquences. Vient ensuite un complexe polymère – caoutchouc – fibres végétales supprimant les vibrations. L’éclairage se fait par fibres optiques, avec générateur de lumière froide en dehors de l’enveloppe. Il n’y a ni ordinateur, ni téléphone ni équipement électrique dans ce local. La porte même – les portes en fait — assure le même niveau d’étanchéité. L’air est recyclé en circuit fermé et le volume assure une autonomie de douze heures avec trente personnes. Au-delà, il faut interrompre la séance, brasser avec un apport d’air extérieur puis reprendre. Les raccords d’apport d’air extérieur sont posés puis déposés dès la fin du brassage. Autant dire qu’on arrive à maintenir les débats totalement secrets, au moins au plan technique. Au plan humain, par contre… C’est là le point faible. On y est.
Ils débouchèrent dans une vaste pièce, fortement éclairée par des lampes halogènes. Au milieu était implanté un cube qui devait faire une vingtaine de mètres de côté, pour une hauteur d’environs trois mètres. Au-dessus du point le plus haut du cube, une charpente métallique d’imposantes dimensions assurait le soutènement sur la longueur totale, les poteaux de reprise ne touchant pas les bords du cube. À gauche, un ensemble de racks bourdonnait. En sortaient des câbles qui rejoignaient le cube, ainsi que des gaines bleues : Les fibres d’éclairage. Un homme était assis devant l’ordinateur qui assurait la surveillance des paramètres de radiofréquences, et des spécifications des générateurs de lumière froide. Sur la droite, une centrale de traitement d’air était liée par des gaines au cube ; sur le côté, des flexibles souples rejoignaient des tubes qui montaient dans le plafond. Les tubes étaient dotés de raccords de jonction rapide, peints en rouge. De même, sur la CTA , des bouchons rouges étaient positionnés sur les entrées d’air. Une zone de circulation matérialisée par des bandes de peinture bleue les amena devant le sas d’entrée de la salle de réunion. Ils s’assirent sur des sièges de matière plastique, autour d’une table du même matériau.
- J’oubliais ! Si vous voulez satisfaire un besoin naturel, c’est tout de suite. Après c’est à la fin de la réunion, ou dans douze heures pour le brassage. Je vous abandonne à votre réunion.
Boyan jeta un coup d’œil à Eléonore avec un sourire sarcastique. Elle chuchota, avec un regard assassin :
- Je ne suis pas une vessie sur pattes !
- À vos rangs !
Ils se levèrent à l’injonction et saluèrent.
Trois personnes entrèrent dans la salle ; En premier, un homme d’environ un mètre quatre-vingt, vêtu d’un costume de bonne coupe, cheveux bruns, que tous reconnurent : Michel Bardin, ministre de la défense. Suivait un second costume, blond aux yeux marron, cinquante-deux ans, petites lunettes cerclées, visage anguleux, reconnaissable aussi : Louis De Leblanc-Tavernier, ministre de l’intérieur. Enfin, méconnu du public mais pas du groupe Troie, l’Amiral Henry Mouchotte, CEMA , qui leur rendit leur salut.
Après que les portes furent fermées, tous s’assirent.
Michel Bardin prit la parole.
- Bonjour à tous. Je vous remercie de votre promptitude, et dois préciser ceci : Tout ce qui sera dit au cours de cet entretien est classifié « Très Secret Défense ». La divulgation d’informations sur ce dossier est donc passible des sanctions prévues par l’article L413-10 du Code Pénal . Est-ce bien clair pour tout le monde ?
Bien. Amiral, à vous.

- Merci Monsieur le ministre. Le sujet qui nous intéresse remonte à trois mois. Peut-être vous souvenez-vous de l’incident, bien qu’il ait été correctement étouffé. Les forces d’autodéfense Japonaises patrouillaient dans les eaux internationales, dans le quart nord-est de la mer de chine. Ont-ils perdu la route, ont-ils résolument pénétré les eaux Chinoises, c’est peu clair. Ce qui est certain, c’est qu’ils ont été détectés et que deux jets chinois sont venus les renifler. Y a-t-il eu incompréhension ? Les Chinois voulaient-ils contraindre les Japonais à se rendre ? Une fois de plus, c’est peu clair. On pense en haut lieu que le Japon voulait tester un système de furtivité électronique appliquée aux bâtiments de marine. Visiblement les chinois savaient que des tests de ce genre devaient avoir lieu. Où et quand, peut-être l’ignoraient-ils. Et ils voulaient cette technologie, aussi défaillante soit-elle. Au final, intimidation par les jets, tentative de regagner les eaux internationales du bateau nippon et de son escorte, tirs canon des jets, réplique à la roquette sol-air thermoguidée. Un avion Chinois dans l’eau, pilote non éjecté. Le second réplique pour une mise à mort : Deux missiles air-sol haute vélocité. Un coup au but au tiers avant, un second sur l’arrière mais le missile plonge dans l’eau, et se disloque sans explosion à l’impact. Le bateau japonais coule, une partie de l’équipage est récupérée par l’escorte tandis que le jet rentre à sa base. Et que retrouve-t-on, enfoncé dans la fibre d’un des canots de sauvetage ? La tête de guidage du missile chinois. Mal en point, mais pouvant être étudiée, ce que les Japonais font.
Et c’est là que le problème qui nous concerne commence.
Ouvrant la bouteille d’eau minérale posée devant lui, l’amiral but une gorgée, au goulot. Posant la capsule sur la table, il reprit.

- Le problème du guidage de ce missile chinois, c’est qu’il vient de chez nous.

Instantanément, l’atmosphère changea. En l’absence d’accords militaires, même secrets avec la chine, cette affirmation était aussi incongrue que prétendre que la terre était plate.
Michel Bardin demanda à l’officier de préciser ces informations.

- Et bien, la société Tanthale, comme vous le savez tous, produit des équipements militaires divers, qu’elle nous vend, ainsi qu’aux Américains, Anglais, Allemands, etc. Mais certainement pas aux Chinois. Même la fédération des républiques de Russie n’a pas accès à tout le catalogue !
Et il s’agit là du système de guidage d’un HVM du type Starsblast. Le dernier né. Guidage optique laser combiné temps réel.

- Bon sang ! Comment les jaunes ont-ils pu acheter ces missiles ?

- Pardonnez-moi, Monsieur le ministre de l’intérieur, je n’ai pas été assez précis : Il ne s’agit pas d’un missile sortant de notre territoire. Mais d’une copie, dont le système guide est lui-même une copie imparfaite, ce qui a entraîné le plongeon du vecteur. Vu la précision de cette tête, il était même probable, quoique faiblement, que le premier rate lui aussi sa cible. Malheureusement pour les Japonais, ça n’a pas été le cas.

- Qu’entendez-vous par « copie imparfaite » ? Demanda le ministre de la défense.

- Tous les éléments constitutifs sont présents, à l’identique, et de bonne facture. Les métaux correspondent aux spécifications que nous appliquons, les composants vraisemblablement achetés aux mêmes vendeurs… Mais l’optique, et plus précisément la lentille de convergence, a été usinée et finie mécaniquement. Or, nous n’avons jamais réussi à passer douze pour cent d’efficacité avec une lentille « brute ». C’est pourquoi le polissage est fini à la main, avec une pâte abrasive, par seulement trois personnes, détentrices d’un savoir faire unique. Il y a d’ailleurs une anecdote truculente à ce sujet,
- Restons concentrés, voulez-vous ? Demanda Michel Bardin.
- Bien, Monsieur le ministre. J’en ai fini. Si vous avez des questions ?
S’asseyant, il but une gorgée d’eau et attendit.
La tension apparue avec l’annonce de la fuite d’un matériel hautement confidentiel, était montée au fur et à mesure de l’exposé.
Boyan tentait depuis trois minutes d’ouvrir une bouteille d’eau avec des mouvements d’une lenteur aberrante, soit qu’il voulut être discret, soit qu’il fut trop concentré sur l’exposé. Eléonore, exaspérée, finit par lui prendre la bouteille des mains, la décapsuler et la reposer devant lui.
Observant le manège des deux officiers, LDLT, comme on surnommait le ministre de l’intérieur, finit par prendre la parole.

- Bien. Au vu de l’exposé de cette situation, je pense que l’existence du Groupe Troie prend tout son sens.
- Oui, renchérit Michel Bardin. Aussi, vais-je pouvoir expliquer maintenant à nos deux jeunes gens, ainsi qu’à vous, Amiral, ce qu’est en réalité le Groupe Troie.
Cette équipe a été créée sur mon instigation, avec l’accord de mon estimé confrère de l’Intérieur, par décision non publiée du Président de la République. Volontairement exilée à Bercy, sa fonction de façade est l’enquête fiscale. Dans les faits, elle a consisté, jusqu’à présent, à infiltrer des entreprises ciblées en vue de confirmer des doutes sur des problématiques d’espionnage industriel, conclues par des mises en examen et des procès. Dans lesquels les membres du groupe ne sont jamais cités.
Dès son lancement, le mode de communication externe adopté a été le blanc ou le rapport confidentiel — défense. Les rapports internes sont hautement cryptés et destinés à mon ministère seul. Même mon chef de cabinet n’y a pas accès. Vous savez garder un secret ?
- Oui ! Fut la réponse unanime, dans l’attente de la révélation.
- Moi aussi.

Michel Bardin laissa planer sa réponse, et en profita pour boire une gorgée d’eau.
Il poursuivit :
- Vous l’avez compris, c’est en prévision d’un problème comme celui qui nous réunit que j’ai voulu le Groupe Troie. Les rapports émanant de la DGSE , de la DRM, du BND et même du MOSSAD laissaient penser que la Chine n’allait pas se contenter d’exploser au plan économique. Ils sont de plus en plus nombreux, leurs voisins mongols et russes sont trop faibles pour pouvoir résister à une offensive s’il prend l’envie aux… « Jaunes » comme vous les nommiez, Monsieur le ministre de l’Intérieur, d’aller prendre l’air dans les steppes de Russie. Et le savoir faire Français en matière d’armes ne leur a pas échappé. Ne pouvant pas, pour des raisons politiques, bénéficier de ces matériels, il était à prévoir qu’ils allaient chercher d’autres voies pour y accéder. Partant du principe que tout s’achète, et qu’il suffit d’en connaître le prix, ils ont dû approcher des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens, et jusqu’aux femmes de ménage !
Donc, nous avons des fuites graves, nous connaissons l’entreprise et au moins l’un des systèmes ciblés par l’ennemi. Il nous faut agir, et très vite. Mais lancer une enquête externe n’aurait amené qu’à deux résultats : Un, on aurait arrêté les hommes de paille, mais pas les officiers traitants . Deux : Le réseau se serait reconstruit, plus loin, ailleurs, plus tard, mais en tout cas toujours aussi redoutable.
C’est là que le Groupe Troie entre en action. Les missions préalables étaient un round d’observation de viabilité du concept. L’objectif : Infiltrer une entreprise, comprendre ses mécanismes, ses enjeux de pouvoir, déceler les ombres et anomalies, fixer et « illuminer » les cibles .
Nous y voilà donc en grandeur réelle. Capitaine, Lieutenant, vous allez infiltrer Tanthale. Daniel Sand, le PDG, est seul au courant de l’opération. Il nous fallait son concours, car c’est lui qui a demandé la création des deux postes que vous allez occuper. Il n’y a par ailleurs aucun doute quand à sa fidélité. Donc, il envoie son actuel directeur de gestion des risques en prospection en Inde, pour une durée non déterminée. Deux annonces vont paraître dans l’Usine Nouvelle, sous les références SYT239412 et SHT186031. Vous allez y postuler…
- Nous ? Excusez-moi… Eléonore n’avait pu réprimer sa surprise.
- Oui, Mademoiselle. Le Capitaine Kossoff et vous-même. Vous y voyez une objection, peut-être ?
- Non, non…
- Bien, dans ce cas, ne m’interrompez plus. Je disais donc, Daniel Sand fait publier deux annonces, l’un pour un poste de directeur de la gestion des risques, l’autre pour un spécialiste de la réglementation REACH .
Vous allez donc préparer des CV en conséquence. Vous recevrez les détails qui doivent y figurer ; Veillez à apprendre vos nouvelles identités sur le bout des doigts : Vous allez passer toutes les étapes du recrutement, et n’avez pas d’autre choix qu’être les meilleurs. Et nous savons qu’au final, c’est vous qui aurez les postes. Des questions ?
- A-t-on déjà une idée de l’identité de la ou les taupes ? Des départements concernés ?
- Aucune, Capitaine. Le seul élément émergeant, c’est cette lentille optique polie à la main. Il est donc sûr que les fuites viennent d’un point amont de la phase de polissage final. Cela excepte les polisseurs… Quoique.
- Quelle est la durée impartie ?
- Nous n’en savons rien. Le plus court sera le mieux, mais il doit être clair qu’il faut démanteler la totalité du réseau, et donc y consacrer le temps nécessaire. Une autre question ?
- Oui, Monsieur le Ministre. Mon équipe va être engagée pour une durée inconnue, avec cent pour cent de mes effectifs. Il va falloir recruter de nouveaux agents, si nous voulons pouvoir faire face à de nouvelles opérations.
- J’ai déjà discuté de ce point avec le ministre de l’intérieur, et l’amiral Mouchotte. Six dossiers vous seront transmis pour étude. Vous devrez en retenir deux, à votre convenance.
Si tout est clair pour tout le monde, nous en restons là. Vos synthèses transiteront par la voie habituelle, via le Colonel Lepanche. Cette opération est baptisée Optic 2009. Sans aucun humour. Vous pouvez disposer. François, nous nous voyons comme d’habitude à mon bureau. Aucun de mes conseillers n’est dans la confidence, donc, vigilance.


Chapitre III

Alors qu’ils sortaient du bâtiment, ils ressentirent la chaleur bienfaisante du soleil. Le temps passé dans cette espèce de bunker, à respirer de l’air en boîte, était une expérience finalement peu agréable.

- Tu imagines, en cas de guerre nucléaire, les gusses qui vont devoir se retrouver confinés dans un coffre comme celui-ci ! Autant se loger une balle dans la tête, s’écria Boyan.
- Il faut reconnaître que c’est assez moyen, dans la catégorie « Out of time experience » renchérit Eléonore.
- Seule l’efficacité compte, dans un cas pareil. J’imagine qu’ils ne sont pas sûrs de leurs propres cabinets, pour employer de tels moyens. À ce sujet, nous devons considérer que nous sommes nous-mêmes infiltrés. Donc, pas d’évocation directe de l’affaire, même par son nom de code.
Boyan s’esclaffa :
- Ça va être simple ! Bonjour patron. Je reviens de X, l’opération X est en cours. J’ai logé un quidam, X. Il travaille dans le service X, et il est possible que son contact soit X.
- Ne soyez pas idiot, Boyan. Nous savons comment communiquer en milieu hostile, non ? Allons, Eléonore, vous conduisez.
- Bien Monsieur.

Le retour fut aussi rapide que l’aller, la journée touchait à sa fin. Il allait falloir préparer un curriculum vitae et une lettre de motivation. Ils auraient logiquement les points à mettre en avant demain par courrier interne. Le système de distribution du courrier, depuis le bureau de poste dédié et installé dans les murs de Bercy, était efficace. Le Télédoc – ainsi était-il nommé – consistait en des valisettes circulant sur quelque sept kilomètres de rails et distribuant tous les bâtiments du complexe. Ayant éteint la lampe de son bureau, Boyan fit le tour du bureau et se pencha sur Eléonore qui arrêtait son ordinateur. Un instant étourdi par le parfum de la jeune femme, il se ressaisit.
- Tu te sens prête pour une immersion de cette ampleur ?
- Tu veux dire, pour une longue durée ?
- Oui… Lambda est une boîte énorme. Il va peut-être nous falloir du temps. Même si nos chefs veulent des résultats rapides. On ne pourra pas aller plus vite que la musique. Ça veut dire qu’on peut aussi bien passer deux ans, trois ans dans des postes où on devra assurer. Ça ne te fait pas peur ?
- Non. Si j’ai bien compris, c’est toi qui prends le poste le plus élevé ?
- Oui, désolé. Mais la parité est un concept pas encore ancré dans le milieu somme toute machiste de l’entreprise !
- Mais quelques femmes brillantes sont pourtant à des postes élevés : Florence Batisot, la patronne du MEDEF, ou Pamela Duleau, numéro un du groupe Alcafone !
- Je sais.
- Enfin, peu importe ! Je suis titulaire d’une maîtrise de droit pénal, je n’aurai pas de problèmes pour m’approprier cette réglementation, et la déployer !
Eléonore avait répliqué un peu plus sèchement qu’elle n’aurait voulu. Elle rougit.
- Allez, ce n’est pas si grave. Viens, je t’offre un verre.
- Non, pas ce soir. Tu ne me referas pas le coup de Turin.
- Ah. Turin… Je n’ai pas oublié, Turin.
- Moi non plus.


Chapitre IV

- Bienvenue chez Tanthale, Monsieur. Que puis-je pour vous ?
La blondinette qui venait de s’adresser à Boyan avait des atouts indéniables. Son âge, en premier lieu : Elle devait avoir vingt-cinq ans. Vêtue d’un tailleur bleu qui mettait en valeur sa taille et sa poitrine, elle portait une jupe assez courte, qui laissait entrevoir qu’elle avait aussi de longues et jolies jambes, malgré l’imposant comptoir derrière lequel elle se tenait. Certains postes requièrent parfois plus de plastique que de diplômes, se dit-il.
Le hall de l’immeuble du 43 rue Bayen était intégralement blanc, donnant l’impression d’arriver dans une clinique.
Des fauteuils design en tubes chromés et cuir noir entouraient une table basse taillée dans un bloc de verre bleuté, logé dans un espace prévu pour l’attente. Des vitrines d’une netteté irréprochable abritaient quelques-uns des produits emblématiques de l’entreprise ; Un vaste écran faisait défiler des films promotionnels. L’absence de plantes, de fontaine et de machine à café surprit Boyan, habitué à trouver ce genre d’article dans les sociétés qu’il avait pu fréquenter.
- Gilles Maillol, j’ai rendez-vous avec Marie Michelena, pour un entretien.
- Très bien, Monsieur Maillol. Asseyez-vous, je préviens Madame Michelena.
S’installant dans l’un des fauteuils, Boyan put goûter le confort de ce qui était un Le Corbusier. Glissant le doigt sur la sous-face du tube chromé de gauche, il sentit les dépressions causées par la signature et le numéro de série gravés dans le métal. Aucun doute, c’était un original.
Plutôt que de lire l’une des revues mises à disposition, Gilles-Boyan prit un bloc dans sa mallette, et un stylo-plume chromé. Il se lança dans la rédaction d’un quelconque document. Le but unique étant de donner l’impression qu’il mettait à profit tous ses instants libres dans son activité professionnelle, ce qui ne pouvait manquer de marquer favorablement son interlocutrice lorsqu’elle viendrait le chercher. Ce qui ne tarda pas. Gilles appréciait la ponctualité : Rien de plus détestable que les gens qui vous fixent rendez-vous et vous font poireauter, telle la majorité des médecins.
Immédiatement, il observa les pupilles de son interlocutrice. L’éclairage vif du hall tendait à les faire se rétrécir. Il vit celles de Marie Michelena se dilater légèrement. Signe d’intérêt, sans toutefois aller jusqu’à la pâmoison. Elle tendit une main ferme, se présentant comme Directrice des Ressources Humaines du Groupe. Ayant passé un portique contrôleur d’accès, que l’hôtesse déverrouilla à son passage, Il la suivit dans l’ascenseur, dans lequel il subit une musique horripilante. Arrivés au sixième étage, ils poursuivirent dans un couloir revêtu d’une moquette grise, et de cloisons aux parois vitrées ; Tous les ordinateurs des personnes travaillant dans ces locaux étaient tournés dos à la paroi vitrée, empêchant tout regard indiscret sur les activités pratiquées.
Marie Michelena ouvrit la porte de son bureau, fit signe à Gilles d’entrer et passa après lui. Elle eut ainsi le temps d’observer le dos de son interlocuteur : L’état de sa veste et de son pantalon (trop souvent, on privilégie l’aspect façade, le dos devenant révélateur), ainsi que les talons (des chaussures bien cirées mais ayant des talons abîmés ou mal cirés signant la négligence). Pas dupe, Gilles prit son temps pour rejoindre le siège situé en vis-à-vis du bureau. Elle n’avait pas omis de jauger ses fesses, à travers le pantalon Hugo Boss.
Marie, trente-neuf ans, cheveux châtain clair coupés en carré, offrait un visage harmonieux, de jolis yeux noisette, et son sourire quoique professionnel, marquait deux fossettes charmantes. Son chemisier bleu ciel laissait envisager de petits seins, sa jupe de tailleur était stricte. Elle ne portait pas d’alliance. Un curieux mélange, se dit Gilles.
- Bien, Monsieur Maillol. Désirez-vous un café ?
- Avec plaisir si vous-même en voulez. Sinon, je m’en passerais.
- Et bien, soit.
Prenant son téléphone, elle appuya sur une touche et dit :
- Fabienne, ayez la gentillesse de nous apporter deux cafés courts sucrés.
Ce dernier mot prononcé en levant un sourcil interrogateur vers Gilles qui acquiesça muettement.
Elle raccrocha et reprit :
- J’ai ici votre CV ; Je vous propose de me le détailler. Qui êtes-vous, d’où venez-vous…
- Et bien…
Trois coups frappés discrètement préludèrent à la livraison des cafés par Fabienne, jeune femme d’origine antillaise, aux longs cheveux frisés.
Prenant sa tasse, il se mit à parler de ses études.
-… Et je suis sorti diplômé des Arts et Métiers. Mon stage de dernière année m’ayant amené à travailler sur les concepts de fiabilité des systèmes embarqués et des analyses probabilistes de modes de défaillance, c’est assez naturellement que j’ai poursuivi dans la voie sécuritaire, puis vers le Risk Management chez Marianespace. Par la suite, j’ai élargi ce champ de connaissances de façon un peu atypique, mais complémentaire, en quittant le sérail de l’aéronautique. J’ai rejoint un groupe pétrolier, qui s’appelait ELP à cette époque. J’ai pris la direction générale des risques du groupe.
Chassé par Sixte Aéronautique, je les ai rejoints il y a maintenant cinq ans, en qualité de Risk Manager Groupe. Un retour aux sources, en somme.
C’est aussi ce qui me motive à rejoindre Tanthale : Nous travaillons pour des clients communs, dans des secteurs pour lesquels la sûreté est prépondérante.
- Et quels sont vos objectifs à moyen terme ?
- En ce qui concerne mes objectifs individuels, je dirais…
Et ainsi de suite, durant deux heures. Marie questionna Gilles, revenant sur des points qui lui semblaient peu clairs, mais par des voies détournées afin de déceler d’éventuelles incohérences.
Elle aborda les aspects privés relatifs à la vie de famille, une épouse, d’éventuels enfants, une maison qu’il faut rembourser, ce qui constitue une solide motivation pour se lever tous les matins, et est donc gage de stabilité. Les entreprises ont horreur des aléas.
Au terme de l’entretien, Marie informa Gilles qu’elle avait, pour sa part, suffisamment d’informations, que son profil était intéressant, bien que ses prétentions soient à la limite supérieure de ce qui était budgété pour le poste. Elle le tiendrait informé pour un éventuel entretien avec le Président du groupe, dans la mesure où le candidat retenu reporterait directement au numéro un.
De retour dans la rue, la chaleur étouffante du mois d’août le décida à se rendre dans un cinéma. Peu importait le film, pourvu qu’il y ait la fraîcheur.

Deux jours après, une assistante de Marie recevait Eléonore, devenue Nathalia Parens, pour un rituel similaire. Étant plus jeune, son expérience était plus courte. L’entretien dura une heure au terme duquel elle se rendit à la piscine. Pour la fraîcheur et pour le sport.

- Salut Pacha.
- Bonjour, Boyan. Ça va ?
- Oui, j’ai fini de boucler les dossiers en attente, je suis fin prêt à partir chez les polissons du miroir ! J’ai reçu une lettre du service RH de Lambda, ce matin. Ils me convoquent pour un entretien, en short-list .
- Bon. Donc, ça suit son cours, comme prévu. Le ministre n’a rien ajouté depuis notre réunion du Quai. Je pense qu’il a très peur de voir l’information apparaître dans le Canard Enchaîné. Ce ne serait certainement pas au goût du président de la république.
Faisant irruption dans le bureau du Pacha, Eléonore – Nathalia s’écria :
- Moi aussi, ce matin, j’ai eu droit au courrier. Mais je dois avoir un entretien avec passation de tests. D’ici qu’ils me sortent un 16PF ou de la grapho, y’a pas loin.
- Non, un Rorschach ! ahahahaha ! Dis donc, tu as l’ouïe fine !
- Oui. Donc, tâche d’éviter les allusions graveleuses lorsque je suis dans ton périmètre, si tu ne veux pas prendre un Skud dans ton périscope, marin.
- Vous êtes de vrais gamins ! Si j’avais été prévenu que je prendrais la tête d’un jardin d’enfants, j’aurais rempilé sur mes chères lampes à souder !
- Et vous n’auriez pas connu les joies de l’espionnage, au milieu des assistantes et secrétaires diverses, toutes plus affriolantes les unes que les autres, quand vient l’été et que les vêtements se font moins épais et couvrants…
- Non, mais t’es gravement givré, toi !
- Je dois reconnaître que Eléonore n’a pas tort. Il y a des médecins, pour ça. Et par ailleurs, je n’ai jamais eu l’opportunité d’infiltrer, puisque je suis le chef de ceux qui infiltrent… Bon. Contrairement à vous, j’ai un travail urgent à terminer. Si vous êtes go pour la mission, allez-y, passez en mode furtif. Communication par blancs, scellés, remis en main propre. Je fais le facteur. La phrase code sera une demande de rendez-vous chez le dentiste.
Premier rendez-vous : Le restaurant du Parc au Cerf, cinquante rue Vavin dans le sixième. Le bar est sur la droite et permet une bonne visibilité sur la salle et la rue.
Rompez.


Chapitre V

- Bienvenue parmi nous, Monsieur Maillol ! Le sourire de Marie Michelena était plus large que lors de leur entretien.
- Je vais vous confier à mon assistante, afin que vous remplissiez les documents d’entrée, que vous signiez votre contrat, et que l’on vous explique le fonctionnement de la boutique ; Viendra la présentation de votre équipe, votre bureau, etc. Je vous récupère en fin de matinée. Nous déjeunons ensembles, avec quelques-uns de vos confrères du comité de direction – que nous nommons le CODIR – puis Monsieur Sand vous recevra en privé à quatorze heures précises, pour un entretien d’une demi-heure.
Je suis très heureuse de vous accueillir dans le Groupe Tanthale.
- Et moi très heureux de l’intégrer, répliqua Gilles. Je vous remercie.

Après avoir rempli toutes les démarches administratives, son équipe fut présentée à Gilles.
En premier lieu, Madame Coudroy, Ginette de son prénom, aux cheveux gris et portant des lunettes à double foyer. Visiblement d’un naturel joyeux, et fort proche de la retraite. Ceci expliquait peut-être cela. Elle était en charge du rapprochement des rapports mensuels envoyés par les usines du groupe, et de l’établissement des tableaux de bord HSES .
Venait ensuite Franck Lagrange, ingénieur issu de la filière PRIHSE de Polytech Grenoble, responsable des systèmes de management de la sécurité du groupe. Il travaillait conjointement avec Aude Marco, spécialiste en Environnement, issue d’un mastère de l’université de Reims-Champagne-Ardennes. À la prévention des risques « machines et biens », Robert « Bob » Durieu, ancien officier de l’armée de terre, reclassé dans la prévention incendie après sa retraite militaire, qui gérait tous les sujets relatifs à la prévention des risques IARD et CATNAT. Il avait, pour sa part, suivi la filière du CNPP.
Tout ce petit monde occupait l’aile Est du troisième étage. Les baies donnaient sur la rue, mais apportaient de la lumière naturelle, plus agréable que les habituels tubes au néon. Le sol était revêtu d’une moquette gris sombre, en damier. Les murs, blancs, étaient vitrés à partir d’un mètre vingt, et jusqu’à vingt-cinq centimètres du plafond, en dalles suspendues. Les portes vitrées avaient un cadre dans lequel étaient mentionnés les noms des occupants, et la fonction du service. Le mobilier était banal : Piétement en acier gris, plateau gris clair, meuble à tiroirs sur roulettes, fauteuil réglable en hauteur revêtu de tissu bleu. Arrivant à ce qui allait devenir son bureau, il constata avec une pointe de fierté que son nom et son titre étaient déjà apposés sur la porte. Il se prenait déjà au jeu, ce qui était une bonne chose. Il tourna la poignée, et fut suffoqué. Son bureau devait faire la taille de celui occupé par ses quatre collaborateurs. La moquette était, à cet endroit, gris clair. Le mobilier de bois rouge et le fauteuil de cuir semblaient nettement plus accueillants que le mobilier mis à son service par l’administration.
Gilles avait déjà eu l’occasion de travailler au sein d’entreprises de grande taille, et savait que la majorité d’entre elles traitaient bien leurs cadres. Toutefois, il n’avait encore jamais évolué au niveau hiérarchique qui était le sien sur cette mission. Il allait de découverte en découverte, jubilant intérieurement comme un gamin, gardant extérieurement un visage impassible, comme si cela était tout naturel.
Contournant le bureau disposé à gauche, dos aux fenêtres, il s’assit dans le fauteuil, moelleux. Sur le bureau, une carte griffée Tanthale portait, manuscrite, la mention « Bienvenue Monsieur Maillol ». A coté, étaient disposés un ordinateur portable sur son dock, avec un écran plasma et un ensemble clavier souris séparés, offrant le confort d’une station de travail au bureau, avec la souplesse d’un ordinateur pouvant être emporté partout. Posé à côté, un Blackberry, concentré de téléphone messagerie navigateur internet, permettant indifféremment l’envoi de SMS, MMS, la téléphonie ou l’envoi et la consultation des mails en recopie de la messagerie internet.
Les documents de prise en charge des matériels étaient disposés à côté, il n’avait plus qu’à signer.
Une grande enveloppe kraft posée sur le bureau attira enfin son attention. À l’intérieur, il trouva les clefs de la voiture de fonction qui avait fait partie de sa négociation à l’embauche. Le véhicule de fonction était systématique ou presque aux postes de direction générale. Était joint un numéro de place de parking, un badge permettant l’accès au dit emplacement et une pétrocarte . Une note précisait que ce véhicule était issu de la flotte , et qu’il devrait en choisir un neuf à sa convenance, dans la limite du prix fixé par le DAF du groupe.
Laissé là par l’assistante, qui avait refermé la porte, Gilles prit le temps d’observer ce qui serait pour quelques mois dans le meilleur des cas, son cadre de travail.
Une vaste bibliothèque courait le long du mur séparant son bureau de celui de ses collaborateurs. Ses rayons supportaient une collection imposante des cahiers techniques de l’ingénieur, ainsi que quelques ouvrages relatifs à la gestion des risques, ou l’analyse probabiliste. En face, sur la paroi opposée, non vitrée celle-ci, deux armoires dans le même ton de bois abritaient des dossiers.
Un canapé était disposé entre les deux, sur la troisième face du bureau. Griffé Cinna, il semblait très confortable. Devant lui, une table basse, en bois de santal, à en juger par l’odeur.
Gilles constata que la partie inférieure de la bibliothèque abritait un minibar, garni de bouteilles de Perrier, de jus d’orange et de pomme en cannettes, ainsi que du jus de tomate.
Retournant à son bureau, il entreprit d’allumer son ordinateur. Une fenêtre s’ouvrit, lui demandant de passer son index droit sur la petite fente située au-dessus du logo, en bas à droite du clavier. Puis il dut passer son index gauche. Enfin, il lui fallut saisir un mot de passe connu de lui seul, pour accéder à l’écran d’accueil, qui l’informa qu’il pouvait désormais s’identifier simplement par le passage de son index droit et, au cas où, par le gauche. Parvenu à l’écran sur son bureau, il rechercha l’icône menant à l’intranet, réseau de communication propre à l’entreprise et dont l’accès est normalement hautement sécurisé. Là, il put constater que les systèmes d’identification demandaient des codes complexes, mélange de chiffres, de majuscules, minuscules et signes de ponctuation. Il lui faudrait entrer en confiance avec les informaticiens, afin de juger de la réelle imperméabilité du système, et l’absence de passe-droit. L’une des premières brèches étant les systèmes informatiques.
Il vérifia qu’il ne pouvait accéder sans droits aux répertoires des services de R & D , RH, Finance et autres secteurs sensibles.
Par contre, il réussit assez aisément à obtenir l’organigramme, lequel présentait une photo et le nom des différents salariés du siège. Visiblement, La règle de sûreté qui veut que l’on ne fasse jamais apparaître simultanément la photo et le nom ou le numéro de téléphone, n’avait pas été respectée. Peut-être y avait-il un axe de recherche à cet endroit. Lançant une impression, il recueillit le tirage couleur au sortir de l’imprimante située dans le bloc tiroir factice à gauche de son bureau. Pliant le feuillet en quatre, il le glissa dans sa poche, en se levant : Il était temps d’aller déjeuner.
Au passage, il salua son équipe, et entreprit de trouver son chemin dans les couloirs. Il en profita pour regarder les personnes encore à leur poste à cette heure (Midi était passé d’une vingtaine de minutes). Il ne vit que des gens qui travaillaient, aucun n’ayant un comportement de conspirateur. Mais cela ne voulait rien dire : Un quidam semblant conspirer pouvait aussi bien être en train de surfer sur un site de jeux en ligne, ou regarder des films pornos… Alors que le traître pouvait avoir un air tout à fait angélique. Pour ce qui concernait le trafic internet, tout dépendait de protections mises en place par le service informatique.
Décidément, c’était parti pour ne pas être simple. Il n’avait aucune idée de la façon d’aborder le problème.
Perdu dans ses pensées, il arriva au sixième, en ascenseur, n’ayant aucun souvenir de l’avoir appelé, ou d’y être entré. Même la musique ne l’avait pas perturbé.
Frappant deux coups secs à la porte de Marie Michelena, il n’attendit pas la réponse, et poussa la porte.


Chapitre VI

- Ah ! Vous voilà enfin ! Je commençais à m’inquiéter : Perdre un directeur trois heures après son arrivée, voilà qui aurait pu nuire à ma carrière, et m’aurais privée du plaisir de travailler avec vous.
Gilles nota mentalement l’allusion. Visiblement, il n’aurait pas de difficultés s’il voulait la séduire. Mais quel intérêt pourrait-il y avoir ? Voilà qui était à déterminer. Souriant, il lui répondit.

- Non, je ne vous en priverais pas. J’ai pris le temps de consulter quelques documents, avant de monter.

- Bien, je vous propose de nous rendre à la cantine ! Je plaisante. Il s’agit en fait d’un restaurant interentreprises, auquel nous nous sommes rattachés. Cette formule est plus simple à gérer que les tickets restaurant. Cela dit, dans les usines, les salariés préfèrent l’autre formule. Il faut noter qu’ils sont nombreux à apporter leur « gamelle » comme ils disent. Ils conservent leurs tickets pour aller au restaurant avec leurs familles, ou les donnent à leurs enfants… Bref, ils en font bon usage. Bon. Votre badge vous sert aussi de porte-monnaie interne : Il vous suffit de le réapprovisionner avec votre carte bleue à la borne située à l’entrée du restaurant. Ensuite, vous choisissez ce que vous voulez manger. Il existe plusieurs stands : grill, poisson, plats diététiques, entrées préparées, buffet d’entrées, pizzeria et pâtes, pâtisseries, desserts, boissons. Je vous laisse choisir, nous nous retrouvons à la caisse numéro un, sur la gauche. À tout de suite.

- Merci, Marie, à tout de suite.

Il choisit une salade toute simple, et un filet de flétan accompagné de petites pommes de terre rissolées. Une crème brûlée vint en dessert, avec une bouteille d’eau d’Évian. On était loin de son régime habituel, mais il voulait coller à son nouveau personnage : Les dirigeants d’entreprise ont généralement un niveau physique d’athlète, nécessaire pour mieux gérer le stress, plus rare, mais plus important à ces postes.
Ayant rejoint la DRH pour le passage en caisse, il la suivit à travers les salles ; Le restaurant offrait un grand open space ou les tables étaient groupées par huit convives, avec des séparations d’environs un mètre cinquante, et sept salles plus petites, portant des noms de français réputés : Lavoisier, Becquerel, Curie, Mariotte, Roussel, Henry, Eiffel.
De grandes baies vitrées donnaient sur un patio au milieu duquel avait été aménagé un lac miniature. Quelques gros poissons rouges apportaient une couleur vive au milieu de cet écrin de verdure liliputien. Continuant à suivre Marie, il en profita pour regarder le mouvement de ses hanches. Boyan se surprit à imaginer qu’il posait ses mains sur ses fesses nues… Et percuta un homme qui, heureusement, portait un plateau vide en direction du tapis convoyeur. S’excusant, il reprit sa poursuite, en riant intérieurement du commentaire qu’Éléonore aurait pu faire si elle avait été là.
Enfin, ils entrèrent dans la salle Joseph Roussel .
Trois hommes et deux femmes se levèrent à leur arrivée.

- Gilles, j’ai le plaisir de vous présenter une partie des membres du CODIR de Tanthale.
Mesdames, Messieurs, merci d’accueillir Gilles Maillol, notre nouveau Directeur Risques Groupe.
Tout d’abord, Nils Vandegroot, notre vice-président Opérations. Alain Lefranc, VP stratégies, recherche et développement, Béatrice De Franchon, VP du service commercial ; Norbert Paol Des Meaux, VP affaires financières. Enfin, Sonia Bonneuil, VP en charge de la qualité. Notre Vice-président achats est en déplacement aux États-Unis, dont il est originaire. Il s’appelle Aldebert Simpson-Johnes.
Ayant serré la main de ses nouveaux confrères, Gilles fut invité à se présenter. Il expliqua qui il était, d’où il venait. Cet exercice lui permit de vérifier qu’il avait bien assimilé son personnage, et le roda une fois encore, si besoin était.
Le tour de table se poursuivit, informel.
Gilles mâchait sa salade, s’appliquant à ne pas l’engouffrer comme il en avait l’habitude.
Nils Vandegroot avait pris la parole, expliquant comment il était passé d’un lycée d’altitude dans les Hautes Alpes à ce poste de direction, via l’École Normale Supérieure. C’était un grand bonhomme, très maigre, aux bras et jambes semblant ne pas finir. Il donnait l’impression de s’être égaré en ce siècle, ses manières étant pour le moins surannées. Toutefois, son approche industrielle était particulièrement synthétique et pertinente.
La moitié de la salade était consommée lorsqu’Alain Lefranc prit le relais. Issu d’une famille de capitaines d’industrie du bassin lorrain, il avait vu s’effilocher le tissu industriel de sa région natale ; Suivant l’exemple paternel et par-delà, grand paternel, il intégra l’École Polytechnique, promotion Jône 1991. Mais à sa sortie de l’X, il n’y avait plus d’entreprise familiale. Bien qu’aisé, il était hors de question qu’il restât inactif. C’est via ses connaissances de l’AX qu’il intégra le groupe Tanthale. De taille moyenne, il portait des lunettes de vue à monture en titane, pour corriger une presbytie naissante. Naissait aussi sur son crâne une calvitie un peu trop précoce à son goût.
Fin de la salade.
Béatrice de Franchon, de son vrai nom « De Franchon De Lionelle » était grande, arborait une crinière fauve et des yeux verts. Son tailleur vert d’eau lui allait à merveille, s’accordant – fait exprès – avec ses yeux. Issue de HEC , elle avait dû se battre avec la dernière énergie pour atteindre et maintenir sa position en tête des élèves de la prestigieuse école. La concurrence était rude, et le fait d’être une femme donnait un coefficient multiplicateur non négligeable à l’échelle de difficulté. Elle ne s’en laissait pas compter, et sa réputation de redoutable professionnelle avait depuis longtemps passé les murs de Tanthale. Elle ne vivait que pour son travail, et, si on lui avait prêté une liaison avec le grand patron, on savait surtout qu’elle n’avait qu’un chat angora pour l’attendre dans son luxueux appartement.
Le flétan de Gilles avait passablement diminué dans l’assiette, et seules restaient quatre petites pommes rissolées.
Norbert Paol Des Meaux, quarante-cinq ans, avait une chevelure fournie et bouclée, d’un brun profond. Gilles se demanda s’il n’y avait pas de l’artiste capillaire sous cette tignasse. Les épaules larges, le front haut, le nez busqué faisait penser à des origines basques. Mais ce nom de famille ? Toujours est-il qu’il avait commencé sa carrière comme expert comptable, avait monté son cabinet, puis, las de se battre avec l’Urssaf et les impôts, avait conclu que le pire ennemi de l’entreprise en France était manifestement l’État. Le salariat lui semblant préférable, il avait rejoint le Groupe, grâce aussi au fait que le Président avait été son client à titre privé.
La petite cuillère entama la couche de sucre caramélisé à la flamme, faisant entendre un craquement, assourdi par la crème sous jacente.
Sonia Bonneuil était ravissante, sa chevelure châtain clair tombant sur ses épaules, ses yeux noisette avaient des reflets dorés. De jolies pommettes, un nez délicat, une bouche aux lèvres bien dessinées, et une voix surprenante, basse, presque rauque qui contrastait avec la douceur de ses traits, mais rendait son rire irrésistible.
Elle était devenue qualiticienne par inadvertance, comme elle se plaisait à le dire. Formée au départ à la physique, ce n’était que plus tard qu’elle avait découvert les systèmes qualité. Passionnée par le sujet, qui lui donnait l’impression d’avoir enfin un outil de maîtrise sur son travail – et, quelque part, sur sa vie – elle s’était jetée à corps perdu dans les études, et pouvait s’enorgueillir d’être l’unique docteur en physique des milieux ionisés, sortie avec la mention « Très Honorable », et devenue directrice qualité d’un groupe de taille internationale.
Finissant son café, Gilles pensa que cette équipe de direction était bardée de diplômes, et que c’était typique des entreprises françaises. Pour avoir « travaillé » au sein d’une société américaine implantée en France, il savait que les dirigeants états-uniens n’hésitaient pas à prendre des gens non diplômés mais ayant une expérience acquise sur le terrain, et à leur donner leur chance de faire leurs preuves. Restait à voir si ses éminents collègues étaient réellement performants et si la fuite pouvait provenir de leur service, ou d’eux-mêmes.
Quatorze heures approchantes, il quitta l’assemblée pour sa rencontre avec le numéro un.



Bon. le post talonne... Si vous voulez la suite, dites le moi...

Edité par erikrod le 25-09-2012 à 13h42



Garrigue02

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La quarantaine et plus, mais 10 ans d'âge mental !
Posté le 25/09/2012 à 19h21

Bon, je me lance, j'y vais de mon petit point de vue ... J'ai pataugé style un peu trop chargé pour me rendre accro

On va dire que c'est pas trop mon style de lecture, désolée, Rik
J'aime mieux la nouvelle qui parlait du trou ... ( et les autres ) Seulement, l'histoire ne dit pas ( ou plutôt si, que les choses inanimées ) que si on collait les cons dans le coma, y'a des chances pour qu'ils rejoignent Bob ?

Toujours pour ma part, la lecture doit être instructive ou délassante ... Sorry
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