Cela faisait un petit moment déjà que je souhaitais faire un stage "d'éthologie" avec mon cheval. Mais où ? Chez qui ? Comment trouver un endroit sérieux, qui me corresponde, et m'apporte ce que je recherchais ?
Et il y a quelques mois de cela, Jean François Pignon fait son spectacle en camargue, je reçois une invitation via ce forum, et me dis "pourquoi pas". Et ni une ni deux, soyons fou, avec une amie, nous descendons pour le WE, 600km de route dans ma vieille AX brinquebalante, une nuit houleuse en camping, et un spectacle magnifique...
Nous repartons de camargue avec une seule idée en tête "je veux faire la même chose avec mon cheval !!"
Et ce WE, je suis allée faire un stage chez Marie Laure, sa soeur. Quoiqu'elle en dise, elle est pour moi autant femme de cheval que ses frères (il y aussi Frédérique dans la famille, très connu avec sa femme Magali). Et le WE me l'a prouvé.
J'arrive Samedi, à 13h, le stage devant débuter à 14h.
Après avoir mis Zizouille dans son pré du WE, elle m'emmène choisir mon cheval-maitre d'école parmi les siens... J'ai dut faire la moitié du tour de ses chevaux avant de choisir celui que je prendrais pour travailler... ce fut simple en fait, le seul qui leva la tête à mon approche, et me regarda. Les 7 autres avant lui avaient continués de brouter, sans prendre garde à mon approche, ni à mes caresses, lui m'ayant regardé, il fut choisi (le veinard^^).
Puis nous allâmes dans la carrière, et eûmes un seul ordre pour débuter "faites bouger vos chevaux, demandez leur ce que vous voulez, je vous regarde"...
Bon, soit^^
Marche, arrête, recule... Le cheval est réactif, il est assez facile d'obtenir son attention, et d'avoir des réponses rapides et quasi immédiates à mes demandes... J'augmente mes exigences, et lui demande de rester sur place au niveau des épaules, et de déplacer ses hanches sur un cercle autour des épaules, fixes... La réponse est un peu plus longue à venir, je modifie ma manière de demander, et la réponse vient, le cheval tourne sur lui même sans déplacer ses épaules !
Marie Laure observe toujours, et j'ai le droit à un "tu as fait un stage chez Jean François toi non ?"
Non, pas du tout, Céline m'a déjà appris beaucoup, et j'ai beaucoup lu, mais niveau pratique, c'est moyen, et si je connais quelques méthodes théoriques de quelques grands maitres, elles n'ont pas été vraiment probantes en ce qui concerne la relation avec mon cheval...
Elle commence alors à nous montrer à chacune un exercice particulier selon notre niveau... Je dois faire en sorte que mon cheval me cache ses flancs lorsque je lui tourne autour, et fasse en sorte de toujours me faire face, en pivotant cette fois ci sur ses hanches, donc hanches en place, et épaules en train de tourner en cercle autour... Exercice plus délicat... Le contraire de celui que je faisais précédemment, la technique ne m'est pas naturelle, je pêche un peu par manque de conviction... Mais finit par l'obtenir.
Une fois ceci obtenu avec mon maitre d'école, je suis invitée à aller chercher mon gros Zizouille !
Et à refaire les mêmes exercices avec lui... Et là, d'emblée, ça coince... Si j'ai tenu à faire mon stage AVEC mon propre cheval, c'est que nous avons quelques petits problèmes quand même... les exercices sont fait avec une badine, pour indiquer seulement, mais une badine quand même.
Et Zizouille et badine, c'est inconciliable...
Je m'approche, il m'arrache la longe des mains. Je pose la badine, il se calme. Je veux la reprendre, il m'est impossible de m'en approcher sans le lâcher, il refuse de s'en approcher... Marie Laure intervient, prend la badine, s'approche du gros, prend la longe, il se cabre avant qu'elle ait le temps de lui présenter la badine...
Il va se cabrer plusieurs fois dans les minutes qui vont suivre, se mettre à suer à s'en coller le poil alors qu'il fait à peine 5° dehors, trembler de tous ses membres... Bref, il a peur, il est terrorisé, et le montre...
Au final, sans rien faire d'exceptionnel pour un visuel d'humain, Marie Laure finit par pouvoir lui glisser la badine sur tout le corps sans autres réactions que les tremblements, plus de tentatives de fuite... Nous sommes plusieurs à avoir tenté auparavant... Elle est la seule à avoir réussi, et en... quoi... 10mn... Des positionnements efficaces du corps, des intonations légères et douces au bout moment, une étude et une compréhension géniale du cheval et de son comportement, et voilà le résultat !
Je continue l'exercice, mais ne poussons pas le bouchon trop loin quand même, sans la badine.
Zizouille répond bien, mais n'est pas à 100%. Les arrêts nickels, les démarrages un peu lent, le pas... toujours aussi lent et lourdaud... Mais dans l'ensemble, il est de bonne volonté, sans être pour autant très présent... mais cela, c'est toujours notre problème, l'échange entre nous deux, il n'y en a pas, pas de présence réelle pendant les échanges, pas vraiment d'attention de sa part, un déni de ma présence, de mon existence même à certains moment...
Marie Laure estime que cela suffit pour le moment à pied, et nous passons à cheval... A cru, en licol. Nous avons une corde autour de l'encolure de nos chevaux, et nous servons d'elle pour les diriger, et rien que d'elle. Zizouille et moi même nous débrouillons plutôt bien. Je cafouille pas mal dans mes jambes, je ne sais de toute façon pas les utiliser habituellement, et l'utilisation du poids du corps n'est pas optimale, mais j'ai la chance d'avoir un cheval appliqué, fin et sensible...
La corde s'utilise en rêne d'appui, les jambes et le corps complètent les indications (en attendant de pouvoir être seuls, sans la corde), à charge pour nous, avec ces 3 aides, de nous faire comprendre de nos montures et de les diriger là ou nous voulons... Slalom, cercle, demi volte, arrêt... Mon cheval est un dieu ! Au pas, au trot, je n'ose pas encore le galop, parce que mon assiette à cru n'est pas top, mais jamais je n'aurais cru qu'en 3h à peine de travail, je puisse obtenir ce résultat ci de sa part, de notre part...
Il est attentif, m'écoute, prend en compte mes demandes. Nous sommes tous les deux détendus, ce qui n'est pas fréquent.
Fin de la première journée.
Le lendemain, nous partons en balade de 2h30 le matin.
Ce qui me permet de découvrir mon cheval à l'exterieur dans un lieu inconnu, avec des compagnons de route inconnus... Les relations dominants et soumis se mettent en place malgré les cavaliers, juste à des regards qu'ils se lancent entre eux, des positionnement d'oreilles, des fouaillements de queues... Zizouille se méfie de Titou, n'ose pas s'en approcher, alors qu'il cherche très clairement à dominer Rajac, ce qui lui vaut un rappel aux ordres de ma part, il a le levé de postérieur facile quand il s'y met...
J'ai pour ma part droit à une leçon de tenue en selle... Ma position initiale n'est pas bonne, mes pieds trop en avant, pas assez en contact... Dur dur de changer une position que l'on a depuis des années !!!
Mais dans l'ensemble, je suis détendue, sereine, et ai donc un cheval calme et posé, ce qui n'est pas toujours le cas, selon mon humeur...
L'après midi, nous recommençons les exercices de la veille. A pied. Puis à cheval.
Mais avant, nous longeons Zizouille pour la première fois de sa vie. Encore une fois, il faut une chambrière, encore une fois, il se cabre, fuit, prend peur... Et encore une fois, en moins de 5 mn cette fois, Marie Laure le calme.
Puis elle le met sur un cercle. Il prend le trot d'emblée. L'arrêt n'est pas évident. Nous avons nos codes, elle a les siens, il ne comprend pas ses demandes d'arrêts, la voix ne module pas assez, il hésite, mais finit par piger que c'est bien l'arrêt qu'elle demande. Elle l'appelle à elle, il vient, hésitant, ce n'est pas un cheval qui vient à toi en temps normal. Il reste dans ses habitudes.
Elle lance à l'autre main. Pas de bol, il est à main droite, il est gaucher... Il cherche à dérober, à fuir le cercle, cabre (décidément, je l'aurais rarement vu autant debout que ce WE^^), puis vient sur le cercle et se met en place. Au milieu, Marie Laure est restée calme, maitresse de ses moindres gestes, attentive, rassurante, ferme et directive.
Elle m'explique les réactions de mon cheval, la réponse à apporter, ce qu'il faut regarder, ce qu'il faut ignorer...
C'est à mon tour. Je prend longe et chambrière, et c'est l'instant de vérité. Va t'il accepter la chambrière avec moi ? Je m'approche. Je la lui montre, il recule, tremble, roule les yeux, je rassure, de ma voix, mais aussi de mon corps que j'apprends doucement à utiliser. Il se calme. Je peux approcher la chambrière de son dos, je le flatte avec, la fait descendre sur sa croupe, la remonte sur son encolure, la glisse sous son ventre...
La chambrière est acceptée. Je me met enposition, et le lance sur son cercle. Il marche. prend le trot sur mon ordre. Accélère sur mon ordre. Je vois ses oreilles braquées sur moi, pour la première fois de nos 6 ans de route commune, mon cheval est focalisé sur moi, son attention est uniquement portée moi, et personne, rien d'autre. Pour la première fois, il semble se rendre compte que j'existe, et que j'ai peut être quelque chose à lui dire.
Et le miracle...
Depuis 6 ans que je le connais, mon cheval ne s'est JAMAIS relâché avec personne. Battu poulain, avant ses 1 an, il n'a jamais sut faire confiance à l'homme, s'est toujours méfié de lui, et même calme, ne s'est jamais permis de se relacher complètement au point d'apprécier un moment avec moi, une caresse, une gratouille... combien de fois ai je tenté de communiquer, de l'atteindre... combien d'heure j'ai passé à lui gratter les oreilles, l'encolure, la crinière, à attendre un signe de bien être de sa part, un tout petit signe de rien du tout qui me dise qu'il était bien avec moi. Et rien, jamais.
Mon cheval était jusqu'à aujourd'hui une statut de marbre inexpressive et froide.
Et le miracle !
Sur son cercle, au trot, je l'ai vu baisser la tête, j'ai vu ses muscles se relâcher sur l'encolure, et il a mâchouiller !!!
Il a mâchouillé !!! Signe de détente, de confiance, d'abandon !!! Zizouille me disait qu'il me faisait confiance, qu'il me prenait en compte, qu'il me considérait comme quelque chose de positif dans sa vie. Et qu'il se soumettait à mes désirs.
Et là, franchement, j'en ai versé ma petite larme de joie...
Je lui demandais l'arrêt, je l'obtenais 2m plus loin. L'ai rappelé vers moi. Il a fallu que je demande chaque pas dans ma direction, il hésitait encore. Puis nous avons refait un tour de trot à l'autre main. L'arrêt fut immédiat, juste vocal. Et l'appel vers moi fut... fulgurant. Zizouille vint sans hésitation aucune, franc, décidé, et posa sa tête dans mes mains.
Pour la première fois de notre vie, Zizouille a fait attention à moi, il m'a montré des signes de confiance, d'intérêt, d'attention.
Et ça, ça a bien plus d'importance que remporter une course ou enchainer un parcours de 130cm...
Je me fiche de savoir que mon cheval ne fera jamais les JO, ne sautera jamais 150cm, ne courra jamais 160km...
Mon cheval fait attention à moi, il me fait confiance, et ça, ça a de la valeur !
Nous avons finit la journée par la séance en main de la veille. Et j'avais un partenaire, un vrai. Réactif à la seconde, précédent mes demandes, et vif !
Le cheval lourd et pataud était transformé, il était devenu réactif, immédiat, éveillé, vivant !
J'ai posé la longe sur son encolure, et nous avons continué les exercices. Il a continué à me suivre sans longe, sans être tenu, il marchait, trottait derrière moi, s'arrêtait quand je m'arrêtais, redémarrait quand je redémarrais... Et lorsque je suis monté sur son dos, avec juste la cordelette autour du cou, j'ai eu l'impression de ne faire qu'un avec lui. Si la veille il m'avait semblé plutôt bien réussir à me faire comprendre, le lendemain, j'ai eu cette sensation rare et précieuse d'être un seul être.
Voilà mon WE de stage chez Marie Laure Pignon !
Je lui ai promis, et je le ferais, de revenir au printemps prochain, et souvent encore.
Ce séjour a transformé notre relation, il a ouvert les portes d'une compréhension, d'une symbiose possible et vraie !
J'aime mon cheval ! Et il me le rend bien !!!