J’ai retrouvé en rangeant des papiers hier, une interview télévisée d’Alvaro Domecq que j’avais retranscrite mot à mot.
J’avais envie de partager avec vous ce moment rare que j’avais vécu il y a quelques années. Ce fut pour moi une éclaircie dans un moment pas marrant.
Super les magnétoscopes !!! Quand en "bidouillant" sur le téléviseur, je suis "tombée" sur cette interview et j’avais bien sûr sous la main des papiers et crayons… et ce fut un de ces instants où j’ai oublié ce qui se passait ! …
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Avec l'âge, la notion du temps
INTERVIEW D’UN GRAND MAÎTRE : ALVARO DOMECQ
La Doma Vaquera est la base de toute équitation. Les hommes ont dressé les chevaux pour le travail avant tout. Cette façon de monter si particulière est devenue un loisir, une fête quand les férias ont vu le jour, quand les premiers vaqueros ont défilé dans les rues de Séville, Jerez et d’ailleurs. Alors, les hommes ont codifié ces mouvements appris dans le campo pour inventer un art équestre qui prend toute sa grandeur dans les arènes.
Depuis de nombreux siècles, les hommes dressent les chevaux mais rares sont les cavaliers qui réussissent à faire danser l’animal aux airs de Haute Ecole, à esquiver les cornes du taureau dans une chorégraphie parfaite, à sublimer la noblesse du cheval par une sélection draconienne.
Les pures races espagnoles nous offrent un rare privilège : contempler émerveillés un spectacle fait de la matière des rêves, la danse des chevaux andalous.
Comme tous les grands éleveurs, Alvaro Domecq passe des heures à observer, juger, radiographier ses poulains. Son œil décèle en un instant le petit défaut qu’il faudra dépasser par le travail. Il juge l’amplitude et la puissance d’une foulée qui destine le poulain à la Haute Ecole. Il reconnaît le geste élégant, acquis d’un géniteur prestigieux, nécessaire pour triompher dans les arènes.
A l’opposé des éleveurs américains adeptes de l’imprégnation humaine dès la naissance des poulains, Alvaro n’intervient qu’à l’âge de trois ans dans la société grégaire des jeunes équidés. L’écuyer en chef considère que le cheval doit affirmer son caractère avant d’accepter l’homme.
Alvaro : « J’élève tous mes poulains et avant même qu’ils naissent, je suis en train de rêver aux jours à venir, parce que je connais les origines du côté de leur mère et de leur père. Comme je monte toujours mes étalons, je sais exactement quelles qualités ils transmettent : une intelligence, une amplitude dans l’allure et s’ils sont toreros, donc leurs aptitudes. Par exemple, j’ai toréé avec les fils, les petits-fils et les arrières petits-fils de ma jument et tous ont je ne sais quoi de plus quand tu les mets devant le taureau, un mouvement inné qui leur permet d’éviter une corne de taureau. Dans ma vie, j’ai eu des chevaux que je pensais fantastiques et qui se sont avérés plus tard pas très bons. Pourtant, je les avais travaillés énormément mais jamais ils n’ont pu affronter le taureau. Je me souviens d’un cheval en particulier Universo dont j’ai aujourd’hui des poulains. Avec lui, je me suis battu pour en faire un bon cheval mais en vain. J’étais même sur le point de le vendre quand l’acheteur me fit défaut au dernier moment. Alors, je me suis acharné. J’ai tout essayé pour l’amener devant le taureau (des embouchures différentes, des enrênements complexes…), jusqu’au jour où enfin il a accepté le taureau. Je crois que par la suite, il a été l’un des meilleurs chevaux que je n’ai jamais eu. La qualité d’un grand cheval est l’expression, qu’il soit expressif, la possession du mental, la volonté de bien faire, l’attention et la docilité. »
L’équitation est un art éphémère. Il faut 6 à 7 ans pour amener un cheval à la Haute Ecole, puis 5 années de plénitude et enfin le lent déclin jusqu’à la retraite au pré. A l’apogée de sa carrière, le cheval donne le meilleur de lui-même dans la sérénité, la noblesse et l’élégance du pur sang ibérique.
Spectaculaire et courageux, le cheval faisait oublier qu’un homme le montait et Alvaro devenait centaure, une communion indescriptible à la Mecque du cheval. Inlassablement, il faut répéter les mêmes gestes, les mêmes figures jusqu’à obtenir l’entente parfaite de l’homme et du cheval.
Alvaro se moque de la performance, du sensationnel. Héritier des grands maîtres de l’équitation, il cherche la rectitude, le placer et la noblesse du cheval.
Alvaro : « Être écuyer, c’est un don de Dieu comme d’autres jouent au football ou excellent dans différents sports. Quand les jeunes écuyers arrivent ici pour apprendre, bien sûr ils ne savent pas monter à cheval mais on voit rapidement si tel ou tel autre possède l’essentiel qui est l’assiette. Cette position s’acquière aussi par l’entraînement mais il faut qu’ils aient ce que nous appelons le tact équestre. Le tact équestre est cette aptitude à ressentir le cheval sous la ceinture, parce qu’il n’y a rien de plus laid qu’un cavalier qui regarde les jambes de son cheval pour voir ce qui se passe. Je crois qu’un écuyer doit toujours être élégant, droit sur sa monture et sentir le cheval sous lui. »