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Les futures mamans de C.A - TOME 1
Posté le 05/03/2018 à 23h01
bebe.toulouse : c'est pas faux ^^
Dimanche matin 5h30, après 4h de sommeil (le restau c’était quand même trooop cool !) les contractions rapprochées me réveillent (je pense que j'ai commencé au restaurant), je les chronomètre. 7' ...7' ....7'....7' .... Bon, j'attends une heure. 5' ... 5' ...5'... 7h30 du matin, je me dis "flûte si on doit partir rapidement il ne reste que 20kms dans la voiture, l'aller va être short.
- Pierre, ...
- Mmmh, Louise t'es relou, j'étais en train de me rendormir.
- Désolée de contracter depuis 2h toutes 7 et 5'
- Tu penses que c'est pour aujourd’hui ? On va à la mat ?
- .... Tu peux aller faire le plein d'essence, il n'y en a plus
- On va à la mat après?
- Non, j'ai pas trop mal, je pense que c’est le pré travail, mais ça peut arriver à tout moment.
Je l'entends descendre et prendre les valises pour les mettre dans la voiture.
8h30, toujours 5' mais ça ne gagne pas en intensité. 9h30 ça s'espace 7'. A 10h30 c’était toutes les 10' ... puis 13' .... Pour finir à 30'-40' de 13h30 à 19h. Entre 2 contractions je tente de faire des micros siestes parce qu'au fond je me dis que si c’est ça, les prochaines 24h vont être longues.
19h30, mes amies sage femmes, qui ont été extrêmement présentes sur la fin de ma grossesse et sans qui j’aurais bien stresser que ça (et vous me connaissez !) me conseillent quand même d'aller faire un petit tour juste pour voir si les contractions ont été "efficaces". Je n'y crois pas trop alors c’est sans trop de conviction que j'y vais.
Je prends quand même mon doudou (), une bouteille d'Ice Tea, des abricots secs.
En partant, j'ai atteint sur certaines contractions un seuil de 5/10 de douleur (je m'étais fixé un 7/10).
Arrivée à la mat, prise en charge par l'aux puer, petit bilan. La sf arrive, prise de sang (anémie en fer), pose du cathéter, du monitoring... et là surprise, les contractions deviennent directes régulières espacées de 5'.
Sf : " je vais quand même vous examiner pour voir où l'on en est, ce n'est peut-être pas une fausse alerte" ... 3cm. Début de travail, il est 20h30.
Petit électrochoc psychologique, je n'étais pas prête, je n'y croyais pas. J'allais rencontrer bientôt le petit être mais surtout, ça y est. J'allais savoir ce qu'étaient les douleurs de l'accouchement.
La sage-femme me montre ma chambre où je peux établir mes quartiers. Elle est grande et spacieuse, il y a un lit comme dans les hôpitaux, une douche, un vestiaire, et le détail qui fait un peu paniquer : le « bac en plastique » du futur petit être à naître.
On nous demande de mettre les habits de naissance que nous avons choisi de mettre quand petit d’homme sera là. Entre 2 contractions j’explique à Pierre qui essaye d’y mettre toute la bonne volonté du monde mais ne s’y prend pas bien. « Non Pierre, des chaussettes, là, dans la poche de droite, non ça ce sont des bavoirs, on s’en fout des bavoirs. On sent que tu m’as écoutée quand je t’ai expliqué comme j’ai fait la valise du petit ». Je me dis quand même que je ne lui parle pas super bien, que je devrais le ménager. Après tout, non, c’est à cause de lui aussi que l’on est dans cette situation. La fameuse méthode du retrait. Une vaste blague.
On me met à disposition un ballon que je peux utiliser dans la douche afin de m’assoir et laisser le jet d’eau chaude agir sur les reins pendant les contractions. J’y vais donc, je tente mais ça ne fonctionne pas trop. Je suis quand même mieux debout. La douleur atteint un 6/10 , je gère avec des respirations. Quelqu’un toque à la porte, pensant que c’est Pierre je réponds un « oui » un peu étouffé car je contracte. Une silhouette, certes grande et fine apparaît, mais il s’agit de la sage-femme. Il est 23h, j’ai laissé ma pudeur de côté pour le reste de la nuit.
Voyant que les douleurs s’intensifient, elle me propose d’utiliser la salle nature/physiologique où une baignoire est en accès pour s’immerger jusqu’en haut du gros bidon. Un lit circulaire y est aussi installé avec des « lianes » en tissu pour s’accrocher. J’accepte, je prends mon peignoir – qui n’a pas été conçu pour les baleineaux car il s’ouvre devant à cause de la grosseur du ventre. Je me mets dans ce bain qui est très chaud – presque trop – mais tout de suite cela apaise les reins. Dans ma tête je me mets un nota bene « annuler le rdv chez l’esthéticienne du lendemain, cela ne sert plus à rien ». Durant cette petite période, je perds un peu la notion du temps, je prends chaque contraction une à une, ne jamais penser à la suivante sinon on se fatigue mentalement et là, on sait qu’il reste du temps de travail.
Les contractions restent espacées de 5’ mais gagnent en intensité, je monte vite à 7/10, limite que je m’étais fixée à la maison. Je change alors de méthode pour accompagner la douleur qui n’est vraiment plus aussi légère qu’avant. Je siffle, comme le vent qui me pousserait sur une piste de ski. D’ailleurs, ça y est, une autre contraction, je suis sur une piste bleue, contraction = ligne horizontale = sifflement long et avec un peu d’air. Dès qu’elle cesse, je suis dans ce virage avec ravito. J’ouvre les yeux, Pierre est là, il me propose un abricot sec que je peine à manger. Je n’ai vraiment pas faim mais soif, je bois 3 verres d’Ice Tea pour me redonner un peu de sucre et de liquide. Un coup de labello et je reprends ma descente tranquillement. Je me perds encore dans le temps. La sage-femme revient, me propose de m’examiner pour voir si le travail est efficace, il est minuit et demi. 5cm….. 5 tous petits centimètres. Je suis encore loin des 10cm – dilatation complète – alors elle me demande si je veux qu’elle rompe la poche des eaux.
De suite la sonnette d’alarme retentit dans ma tête « fais attention, il y a les contractions avant et celle après »… Je refuse de prime abord car je ne suis pas prête à affronter la douleur, j’ai extrêmement peur et je me sens capable de continuer comme ceci encore au moins 2h. Je retourne alors dans le bain mais la sf me demande de réfléchir.
Durant ces 45minutes de réflexion je monte encore en intensité , je suis à 8/10 et là franchement je commence à avoir vraiment mal. J’ai du mal à réfléchir, à me concentrer, durant une ou deux contractions je ne gère pas du tout, j’essaye de me ressaisir, il est 1h30 et la sf revient. Mes propos sont incohérents, je ne me sens pas du tout bien, Pierre et la sf me sortent du bain pour aller sur le lit circulaire, la sf rompt la poche des eaux sur une contraction. Je hurle. J’ai hurlé. Un vrai cri strident digne du plus beau Hitchcock , je ne savais pas que j’en étais capable. J’ai du réveiller tout l’hôpital mais sur le moment je n’y pense pas vraiment. La 2e contraction post rupture arrive, je sais d’ores et déjà que je ne tiendrai pas jusqu’à la fin, la douleur est tellement intense, on n’est plus à 10/10 , on en est à 8000, je n’y arrive pas. Je ne gère pas du tout, je vais contre la douleur et non avec. La remontée mécanique à l’envers, la piste noire à reculons en ski de fond. J’essaye de me mettre dans des positions plus confortables – si on peut encore utiliser ce mot à ce stade là – je me retrouve à 4 pattes avec Pierre en tailleur devant moi. Ca y est, encore une contraction qui revient, celles là sont rapprochées, 3’ entre chaque. Je répète « il faut que je dorme » assez souvent mais les contractions ne me laissent aucun répit. Dans un élan totalement instinctif et animal je mords ce qu’il y a en face de moi…pas de chance, c’est la cuisse de Pierre que je relâche aussitôt.
20 minutes plus tard, je sors la phrase « magique » à Pierre, notre code pour dire que je ne tiendrai pas mon pari de « sans péri » : « Pierre je t’en supplie, la péri ». Coup d’œil à la sage-femme de Pierre, ç’en est fini du travail physiologique, je suis à 7cm, la décision est prise.
Il faut encore aller à la salle d’accouchement. Je n’arrive pas à me lever du lit, une violente contraction me reprend, celle là je ne la gère pas non plus, je hurle une 2ème fois, et tombe dans les bras de l’auxiliaire puéricultrice qui est arrivée et que je n’avais pas remarquée. Je m’agrippe à elle dans ses bras, la tête contre sa poitrine et je me mets à pleurer. De rage ? de douleur ? d’épuisement moral ou physique ? Je ne sais pas mais je pleure et ne m’arrête pas.
Sur tout le trajet je répète sans cesse « j’ai raté …. J’ai raté … je n’ai pas réussi ». L’auxiliaire tente tant bien que mal de m’emmener à la salle d’accouchement entre 2 contractions qui me font plier en deux. La 1ere salle est gelée, elle m’emmène dans la 3e un peu plus loin.
Tout de suite j’entends la sage-femme prendre son téléphone et appeler l’anesthésiste qui arrive jovialement, je perçois un accent africain mais il m’est impossible d’ouvrir les yeux, je me concentre sur les dernières contractions que j’ai. Je sais que dans une 20aine de minutes je ne sentirai plus cette douleur. Je mets toute mon énergie dessus car il ne faut pas bouger sinon la péri sera mal ou pas posée. Je suis une statue, je me sens révulser mes yeux, je suis sur le côté du lit, je n’ai pas le droit de mettre mes mains derrière mon dos pour me tenir. La sage-femme me les prend, me penche la tête sur son thorax, je me pose dessus et je me mets dans un état second. On me dit « attention, l’aiguille va peut-être faire un peu mal » … j’ai presque eu un rictus, mal … une aiguille. Je suis en train de vivre l’apocalypse depuis 40mins et on me parle d’une aiguille d’un diamètre de 2 mm ? La situation aurait pu paraître très comique dans un autre contexte.
Plus que 2 contractions me dit l’anesthésiste avant que ça ne fasse effet. Il me reste 6minutes de douleur. 3 minutes …. Ça y est, la péri commence à fonctionne. Je sens mes jambes un peu lourdes, engourdis mais je le sens. C’est chaud. D’ailleurs j’ai chaud, sensation de bien-être. Je jette un coup d’œil à l’heure : 2h45 : fin de la torture 1er épisode. La sf me met quand même quelques draps sur moi car je vais vite me refroidir. Elle me met sur le côté pour que la descente de bébé se passe mieux et me dit de me reposer, qu’elle reviendrait dans 1 ou 2h pour faire le point. Pierre va se coucher, je m’assoupis dans les 30s après son départ. Enfin, je dors il est 3h du matin plus que quelques heures avant la venue de bébé. Je suis très angoissée à l’idée de pousser et de le rencontrer mais je n’arrive plus à réfléchir, je suis loin … très loin.
J’ai du dormir quelques temps car en ouvrant les yeux, il est déjà 3h30 du matin, j’ai froid, …. Super froid et je grelotte. J’appelle l’auxiliaire qui me rapporte quelques couvertures en plus . La sage-femme vient vérifier si le travail avait continué d’avancer. Examen…. Je suis dans le coltard total, on m’annonce un 10cm, dilatation totale mais bébé ne descend pas beaucoup. Elle me met sur le côté pour favoriser la descente de bébé et me dit de me reposer encore un peu, bébé ne devrait plus tarder. Dans ma tête c’est un gros chamboulement car tout devient plus concret. Je ne sens toujours pas les douleurs des contractions mais je les sens agir. C’est par phase de 15mins que je dors et me réveille. Je ne sais pas ce que je ressens. De l’excitation ? de l’angoisse ? du stress ? Encore une fois, tout est mélangé. Vers 4h30 la sage-femme revient, vérification…. Bébé ne descend pas beaucoup. Un petit coup d’ocytocine de synthèse pour aider les contractions mais bébé est lent … un peu lent au goût de la sage-femme. On essaye toutes les positions, sur le côté, à quatre pattes pour essayer de l’aider dans la descente mais rien n’y fait. On me remet sur le côté et on attend encore, il est 5h15. Je sens que bébé doit venir mais que ça va être compliqué. On ne saura qu’à la naissance que c’est un cordon un peu court qui a ralenti bébé (fort heureusement, assez long pour sortir par voie basse et ne pas vivre une césarienne d’urgence). La sage-femme me sonde quand même la vessie car cela peut ralentir le travail et elle avait raison, avec la péridural, on ne ressent pas l’envie de faire pipi. Une fois vide, le travail peut recommencer.
Après avoir réessayé le 4 pattes, la sage-femme me met en position gynéco car là, bébé va commencer à fatiguer. Il est bien bas mais peine à se caler pour sortir. Il est 5h30, on me demande si je sens l’envie de pousser. Pas vraiment. Je sens que j’aurais envie mais ce n’est pas assez clair dans mon cerveau. Je suis à 24h de travail, je suis vraiment exténuée. Les effets secondaires de la péridurale n’aident pas non plus. En effet, il y a un lapse de temps entre l’information du cerveau qui va vers les muscles et le retour se fait difficilement. Je sens donc les contractions mais elles ne sont pas coordonnées avec l’envie de pousser. Aussi …. « Pousser madame » c’est dans les films, qu’on se le dise, personne n’a jamais appris à pousser et ce n’est pas naturel. On oublie tout de suite « le petit chien », les gouttes de sueurs … bon après les hurlements, je vous l’accorde, ça sort facilement. Ce n’est que vers 6h30 que les informations passent mieux dans mon cerveau, on arrive sur la fin de la péridurale. Ou du moins, je la sens moins agir dans mon corps. Je sens que je fatigue encore … toujours … de plus en plus. A un moment donné, je suis sur le point de m’endormir et pourtant j’avais mal, le bébé était là. Je jette un dernier coup d’œil à l’heure, 7h15, je suis en phase de désespérance, en me disant qu’il ne sortira jamais et que je vais rester là, dans la salle d’accouchement, heure d’arrêt du travail 7h15, Louise, morte pour la France. La sage-femme prend alors les devants, me gronde un bon coup, Pierre aussi, ils me disent de se concentrer sur leur voix et d’essayer de pousser en même temps… cela fait 100 fois que je redemande comment pousser, je n’arrive toujours pas à imprimer dans mon cerveau. Puis j’entends la phrase qui change tout « dans 10 poussées, je vous promets que le bébé sera là, mais il faut réussir à mettre toute votre énergie dedans ». Rassemblant alors tout ce que j’ai comme force, je me concentre comme jamais et je suis les recommandations de la sage-femme…. Et je compte dans ma tête … 1…2…3…4…5…6…7 « la tête commence à sortir, il va rester les épaules, c’est ça, vous y êtes !!! », dans un grognement interne je continue mon décompte « 8….9….et ….diiiiiiiiiiix ». Je sens alors le bébé qui sort, je me penche directement pour aller le récupérer en bas, j’ai les yeux fermés mais je sais où il est, je le sens, il est à peine sorti qu’il hurle tout ce qu’il peut. J’ai un bébé vivant et en bonne santé que je vais pouvoir prendre tout de suite avec moi. Il est 7h33, Théophane est né.
Dans mon élan la sage-femme m’arrête immédiatement « le cordon est trop court, vous ne pouvez pas le remonter », encore quelques minutes d’attente avant que le cœur n’arrête de battre dans le cordon. Pierre le coupe, fièrement j’ose imaginer. J’ai toujours les yeux fermés, je ne les ouvre que lorsque la sage-femme me présente le bébé. Il est tout bronzé, je vois directement les yeux de Pierre sur son visage, un petit chinois, et il vient se mettre sur moi, en peau à peau. Moi qui trouvait cela immonde et répugnant… mon bébé sent bon, il est contre moi et est tout calme. Ce n’est qu’à ce moment-là que je regarde Pierre, il a les larmes aux yeux, moi aussi. Nous sommes devenus parents et la sage-femme nous félicite.
Ce que l’on nous dit rarement c’est qu’après la naissance… Il y a la délivrance. Je me suis toujours demandée pourquoi un tel mot. Vers 7h50, le placenta ne sort toujours pas, Théophane se refroidit, je le donne donc à l’auxiliaire et Pierre part avec. C’est alors que les 10 prochaines minutes me paraissent interminables. Je sens qu’il y a quelque chose en trop et que mon corps veut le rejeter rapidement. La sage-femme continue de me masser le ventre. Normalement on le sort en poussant mais je pense que le choix de me masser était plus judicieux, j’étais extenuée et pousser n’aurait pas été efficace. 8h03, le placenta sort… la délivrance. Dans ma tête la chanson de la Reine des Neiges résonne… libérééééée, délivréééée. Une sensation que je n’avais jamais éprouvée. Autant quand le bébé sort, on est heureux, autant quand le placenta sort, on est délivré, il n’y a plus de douleurs, le ventre semble reprendre une forme normale et je me sens légère, presque en train de flotter. Il y a quand même une vérification de caillots de sang, tout est nickel. Les 45 minutes d’après sont réservées à la couture, je peux enfin discuter normalement avec la sage-femme à qui je dis que « mais je vous jure, quand je n’ai pas mal, je peux avoir de l’humour ». Ce n’est que 10points dans le vagin (aucune douleur depuis, je ne sens rien, ce sont des fibres et ce n’est pas musculaire) et 2 points pour éraillure des petites lèvres (on avait dit sans tabou ce récit !) plus tard que je peux enfin retourner dans ma chambre en chaise roulante (avec la péridurale, il m’est impossible de marcher correctement). Je récupère le bébé dans les bras et je ne lâche plus. Petit selfie des jeunes parents pour envoyer à tout le monde, et on prévient la planète entière que le bébé est enfin là.
9h30, je suis enfin seule, je peux me reposer, Théophane dort dans les bras de son papa. Je ne demande pas mon reste, je pars dans mes rêves bien que je sois en admiration totale devant les 2 hommes de ma vie (désolée Gordon, tu as été relégué en place n°3 !).
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