Quand j'avais 11 ans je me suis attachée à des chevaux qui étaient enchaînés dans des prés.
C'est les chevaux d'un forain,Jacques.
Ses poneys, c'était des bêtes de misères, des poneys de manège ; un espèce de marcheur où l'on attache 10 poneys et où ils tournent en rond pendant une journée entière et quand ils rentraient chez eux , c'était pour être attachés dans les terrains vague, attendant qu'on veuille bien leur donner à boire et les changer de place pour les nourrir .
Folles des poneys ma soeur et moi avons vite sympathisé avec le forain qui nous laissait mener les juments ( puisque c'était des juments pleines qui tournaient dans ce sordide manège) à l'abreuvoir, les brosser, des fois même les monter.
Mai arrive et je me suis attachée à une petite jument alezane nommée la " cabote" parce qu'elle ne se laisse pas monter et qu'elle botte tout le temps.
Sauf moi , alors bon je me sentais un peu " exceptionnelle".
Un jour en arrivant ,plus de cabote ,je n'ai pas pu lui dire au revoir , j'en ai chialé des jours et des jours de sa vente, tellement que je ne voulais même plus aller voir les autres ponettes.
Et puis quelques semaines plus tard , je me décide à repasser voir les poneys, juste après l'école .
Et la ma belle gitane ( que j'aimais aussi beaucoup) traine un espèce de colis emmêlé dans sa chaîne : un poulain venant de naître...
Le colis pie noir est à moitié mort , la jument folle tourne et tourne faisant encore plus de noeud ...
Je ne m'en sors pas et finis quitte à ce qu'elle se sauve par détacher Gitane et à aller chercher Jacques.
Le poulain pie noir est en fait une pouliche, pas franchement jolie mais je la nomme Coquette quand même.
6 mois se passent ;Coquette qui reste assez timide , elle est la seule à ne pas venir , sa mère la défendant en prime contre toute intrusion humaine à coup de charge;et les chevaux sont rentrés comme chaque hiver dans un hangar où ils ne sortiront que pour être remis sur les manèges ou vendus.
Coquette est dans ce cas et avec Indien quasiment identique à elle , le poulain de Jolie ( une grise que j'adorai aussi)un superbe Léopard, ils doivent partir pour u n cirque sur Paris.
Jacques nous demande de l'aider à charger les poulains.
On commence par la timide Coquette qui freine des quatre sabots.
Jacques finit par s'énerver et demande à Yvon ( un ouvrier) de nous remplacer à l'autre bout de la longe, se saisit d'une cravache et passe à tabac Coquette.
Elle ne montera jamais.
Alors ils la tirent , ils la trainent....
Et devant nos yeux effarés , je vois Coquette résister encore et encore , se débattre et finir par se coincer le sabot entre le pont d'embarquement et la caisse de la bétaillère.
Affolée , elle tire dessus et s'arrache littéralement le membre.
Le sang a giclé, dans mes souvenirs c'est encore horrible , il y en avait partout.
Je revois la panique chez les gitans , le sabot est vite décoincé mais le membre pend , désarticulé, sectionné quasi jusque l'os.
Seule ma soeur aura le réflexe de faire un garrot avec un vieux chiffon blanc.
Nous somme choquées, nous rentrons en pleurs chez nous.
3 jours se passent , la pouliche est attaché contre un mur du hangar , attendant que le forain la mène ( dans une cuve) à l'abattoir.
La douleur a dût être horrible pour cette bête.
Ma mère venait de divorcer , une histoire très difficile et sûrement qu'elle s'en voulait d'avoir donné un tel père à ses gosses mais après nous avoir entendu pleuré pendant ces trois jours, elle décide d'appeler Mr Cuisset, vétérinaire pour chien et chat mais véto au grand coeur quand même.
Il devait pas sortir souvent de son cabinet Mr Cuisset , mais ce jour là il a accepté , il est venu du matin , moi j'avais sport au collège je m'en souviens encore , attendant midi avec une impatience énorme pour recevoir le verdict .
" On peut tenter , qu'il a dit, mais au réveil elle risque de tout arracher et il faudra euthanasier..."
Reste à convaincre Jacques de la vendre au juste prix , il en veut 6000 franc , ma soeur et moi avons récolté 1200 pour Noel et nouvel an .
Cuisset parie donc une caisse de champagne à Jacques qu'à l'abattoir à part abattre la bête il n'en voudront pas ...
Au final Jacques nous cède Coquette pour 1500 francs et le lendemain elle sera opérée.
De la paille par terre recouverte par une large bâche verte voilà Coquette couchée , opérée.
J'ai tellement eu peur au réveil , au moment fatidique du levé!
Mais ça a tenu et tout les jours , en pansant ses plaies , en remettant ses atèles je priais pour que ça tienne.
On lui a finalement choisi un nom, un nom à la lettre à la Jolie Coquette : Elle s'appellerait Darling et on avait enfin notre poney.
Elle ne serait jamais montable , si elle arrivait à galoper avait dit Cuisset ce sera déjà pas mal mais c'était sans compter sur le caractère guerrier de Darling !
Non seulement en 1 an elle s'est remise de ses blessures mais galoper , sauter elle adorait ça !
Quatre années se sont écoulées.
Darling m'est revenue , et ma mère a finit par acheter Rosita à ma soeur.
Jolie jument bai X tf , attelée montée , le cheval gentil par excellence.
La situation à la maison était catastrophique et on ne devait notre vie plus qu'à nos chevaux que ma mère refusait de vendre , par peur sans doute de tuer ses gosses.
Un matin en allant les voir en pâture stupeur .
Les clotures coupées , les chevaux disparus.
Ils avaient été volé.
L'enfer.
On a fait le tour de toute la commune et puis soulagement pour moi , Je retrouve ma battante ,saucissonnée de partout , des coups pleins les jambes , dans un terrain vague à quelques kilomètres... Son aventure de jeunesse lui aura sauvé la vie en la dégoûtant des transports.
Malgré les centaines de kilomètres parcouru nous ne retrouverons jamais Rosita, ma soeur n'a plus jamais retrouvé un cheval à sa mesure, elle a finit par abandonner l'équitation.
1998, un automne.
Ma mère a perdu sa société , on va affronté une nouvelle fois les vaches maigres.
J'ai grandi de mon côté et je ne veux plus jamais revivre la faim , la honte d'aller au resto du coeur et j'en passe.
Entre temps Darling m'a offert une belle pouliche, une pie noire , plus grande plus charpentée que sa maman .
Ma Kalie , je l'adore , c'est mon alter ego équin.
Mais je décide de vendre mes deux juments.
J'ai passé une annonce , un homme est interessé pour son club hippique.
Je les vends 15 000 francs , de quoi tenir deux mois.
Et la dernière image que j'ai , c'est ma kalie qui me regarde pleurer , je lui chuchote que je m'excuse et que je les aime.
Le van part emmenant mon petit cheval , ma guerrière et sa douce pouliche.
2007.
Je me demandais souvent où elle était , ce qu'elle était devenue mais depuis que la situation financière s'était largement redressé, que je m'étais embourgeoisé , que j'avais d'autres chevaux c'est vrai que j'avais pas eu ni chercher à prendre de nouvelles.
Darling à l'époque de sa vente n'avait eu qu'un carnet de vaccination , pas de puce , rien, impossible de savoir.
Je sais pas pourquoi ce jour là plus qu'un autre , j'ai attrapé le botin et ait machinalement cherché le " haras des saules" dans le pas de calais...
J'ai fini par tomber dessus , naturellement et j'ai composé le numéro.
"-Bonjour ....Euh.... Je suis l'ancienne propriétaire de Darling
- De qui ? M'a répondu une femme
-Darling une petite jument appaloo , je l'ai vendu à Monsieur X il y a presque 10 ans , avec sa fille une pie noire ,
- Aaaaaaaah Fidgi ! Oui elle est toujours ici ,mais elle est en vente , le club est en dépôt de bilan...
Et me voilà devant le club une petite semaine après.
Je rentre dans cette allée de boxe et je me retrouve devant ma Coquette , je fond en larme parce qu'elle a gardé la même odeur après toute ces années...
J'apprendrai par la suite que Kalie a été vendue à une autre club et qu'elle est morte foudroyée quelque temps après.
Quelque année après à un âge respectueux , Darling fautera avec mon entier et donnera naissance à Deexit , une jolie pie bai qui a un peu le même caractère que Darling...
Cette jument elle n'est pas très jolie mais elle a ce que peu de chevaux ont ; une histoire hors du commun.
C'est une guerrière, une battante qui s'est sorti de situation hallucinante.
Je pense réellement que c'est un cheval exceptionnel comme on en croise peu dans une vie.