@couagga
comme bien souvent je partage ton avis.
Ceci dit ... comme dit précédemment il est des expériences vécues par un cheval en particulier, qui sont ancrées en lui comme une sorte de réponse systématique ... j'essaie de faire en sorte, peut être à tort, à ce que le mien comprenne que la fuite n'est pas la seule réponse possible. Evidemment l'instinct naturel d'une proie est de fuir le danger donc il faut parvenir à faire comprendre au cheval que cet instinct naturel n'est pas "nécessaire" devant un stick tout en lui indiquant qu'il faut tout de même le respecter.
Je peux difficilement expliquer point par point comment je procède sur un forum mais ce que je constate c'est que travaillant souvent en liberté, mon cheval n'est pas dans une attitude de résignation, sinon, il ne reviendrait pas spontanément à moi, le stick en main. J'en conclus que j'ai partiellement réussi à lui faire passer sa peur du stick et surtout à lui faire comprendre qu'entre mes mains cet objet n'est pas un danger pour lui. J'avoue en revanche que si je commence à agiter le stick comme une cinglée, le cheval va certainement devenir totalement hystérique....
Je suis toujours prête à apprendre et à me remettre en question mais j'aimerais sincèrement voir comment on procède en pratique sans aucun moyen contraignant à faire accepter l'inacceptable à un cheval ...
je comprends ta démarche avec un poulain parce qu'il n'est pas encore traumatisé par les mauvaises actions des hommes qui l'entourent
mais s'agissant de rééducation, comment procéder autrement ?
Je veux bien sortir du système binaire confort/inconfort mais il est quand même à la base de l'équitation classique. Qu'est-ce qui provoque le mouvement en avant chez le cheval ? une pression de jambe. S'il répond par le mouvement en avant, la pression s'arrête. Cette pression est non violente, non invasive, mais elle est quand même un principe coercitif. La seule solution pour le cheval c'est d'aller en avant. Qui utilise d'autres moyens pour faire avancer le cheval que ce système de confort/inconfort ?
Une de mes jument est loin d'être un poulain et je peux te dire, que les crises de panique, les hyper réactions et la rétivité dûes à un tempérament émotif doublé de l'expérience de la brutalité humaine, je connais.
Je comprends qu'il est très dur d'exposer tous ça par écrit. Moi-même en te répondant, j'aurais tant de choses à dire, je ne sais pas par où commencer...Il faudrait écrire un livre !
oui nous usons de pression, parfois mais on peut souvent s'en passer et en tout cas ne pas être désagréable, ne pas faire ressentir la contrainte comme une coercition. Pour moi, l'équitation et l'éducation sont surtout une affaire de séduction du cheval. ce mot "pression" véhicule déjà du "trop" dans l'action du cavalier

ON doit chuchoter avec nos aides. Tout doit être un murmure, pour juste capter l'attention, puis guetter un sens de réponse adéquate qu'il faut immédiatement valider. on encourage la recherche du cheval et on joue à "chaud/froid".
Je suis issue d'un enseignement classique un peu ancien, j'ai eu la chance d'être encadré par des cavaliers, hommes de chevaux, remarquables par leur qualité, leur rigueur et leur amour infini du cheval, leur humilité. Du coup, j'ai du mal avec ces "nouvelles" méthodes, cette équitation "éthologique" qui me semble à moi réinventer l'eau tiède en moins bien. C'est un peu un ersatz de l'enseignement que j'ai reçu il y a plus de 30 ans... Confort/inconfort, c'est tellement réducteur, ça manque tellement de sentiments équestres... Les chevaux ont tellement plus de ressources, de finesses, de perméabilité...Mêmes les plus traumatisés d'entre eux... Seulement avec ces derniers, c'est encore plus délicat, en patience, en finesse, en humilité, en justesse...
En même temps, pour avoir connu la dégringolade du niveau d'enseignement, je mesure aussi combien ces méthodes ont pu aussi sauver les meubles et réïntroduire des notions essentielles. Donc pourquoi pas.
Non l'équitation classique n'est pas un conditionnement primaire usant de coercition.
J'ai participé à quelques débourrage dans ma vie. Pas besoin de presser les jambes. Un léger mouvement de l'assiette suffit si on n'a pas matraqué le poulain dans les apprentissages qui ont précédés.
Jean-Claude BARREY a pas mal travaillé sur la notion d'isopraxie (mise en cohérence des mouvements cavalier/cheval). Il a formalisé des notions intuitivement pratiquées par pas mal d'écuyer anciens. Cette façon de faire est plus naturelle, mieux reçu, moins inquiétante. ET même si on doit serrer les jambes, encore une fois est-il vraiment besoin d'enserrer le poulain excessivement
Les anciens parlaient d'un juste dosage des aides. Le seul nécessaire. Si le seul nécessaire est un touché de la valeur du poids d'un mouche pourquoi faire plus ? Et alors, où est la pression ?
Pour les chevaux qui ont subit des outrages, de ce que j'ai appris, de ce que j'ai expérimenté, il convient d'abord de les apaiser, de les calmer, de les flatter, de les rassurer, de ne pas se laisser berner par leur excès qui ne sont que l'expression de la peur et non de l'agressivité ou du vice. Même si parfois ils font peur
"Etre juste" est aussi un ordre donné par les anciens. Ne pas se laisser brutaliser, se faire respecter mais ne pas aller au delà que le stricte nécessaire pour obtenir la sécurité. Le respect se gagnera plus tard, avec la confiance. Avant il faut apporter la preuve qu'on est différent de ceux qui ont précédés, qu'on usera jamais des mêmes voies de communication ou de domination.
Oliveira disait : "faites en un ami". Et bien c'est le premier travail à faire avec ces chevaux là. Les convaincre que nous sommes un ami, un vrai. Il faut apprivoiser ces chevaux en tout premier lieu. Et puis ensuite, pour ce qui est de l'équitation, qui doit intervenir bien après ce travail relationnel de longue haleine, alors on procède comme avec un poulain avec en plus, le souci de ne jamais passer par les voies empruntés par ses bourreaux.
Il faut réinventer les procédures d'apprentissage pour chaque cas. Et toujours guetter dans les attitudes, postures, expressions, regards, respirations du cheval si les propositions que nous lui faisons lui convienne pour nous assurer qu'aucun fantôme ne se manifeste.
Ma jument la première fois où j'ai essayé le passer les rênes par dessus sa tête, un peu naturellement, elle a été prise de panique, ses yeux lui sortaient de la tête. La chambrière, le stick...pfff. Elle avait 10 ans. Et je ne te parle pas du reste... Sa pauvre bouche par exemple. Aujourd'hui, elle répond à ces outils, elle les comprend, ne les craint pas et en écoute les informations. Que je montre, touche, fasse siffler dans les airs, elle n'a plus peur. Et je peux te dire qu'elle a gardé toute sa sensibilité, son émotivité, sa personnalité expressive.
On ne leur fais pas assez confiance. Pourtant ils sont capables d'une résilience étonnante.
Connais-tu le travail de Danièle GOSSIN ? Sur l'usage de la voix ? C'est un outil merveilleux

Surtout avec les âmes blessées.