J'ai volontairement laissé de côté dans ma réponse la question de la charge de la preuve car elle est assez technique, peut-être un peu trop pour des non-juristes si l'on veut rentrer dans toutes les subtilités du débat.
La question est liée à la qualification du contrat. Si le contrat est qualifié de dépôt, le professionnel devra démontrer, en principe, son absence de faute. A l'inverse, ii le contrat est qualifié de contrat d'entreprise, ce qui est le cas pour les activités d'entraînement, la preuve de la faute reposera sur le pensionnaire.
Même si la qualification en contrat de dépôt reste encore très répandue, il faut tout de même savoir que les juges du fond font de plus en plus preuve de souplesse et admettent de plus en plus facilement la preuve de l'absence de faute. Par exemple, si le professionnel démontre que les soins apportés sont raisonnables au regard des usages du milieu. Ceci résulte à la fois du bon sens des magistrats qui comprennent qu'un animal ne se garde pas aussi facilement qu'une chose inanimée et des critiques doctrinales adressées à la qualification du contrat de pension en contrat de dépôt.
Voici d'ailleurs un extrait d'une publication sur ce thème que vous pourrez retrouver in extenso avec son appareil scientifique dans l'ouvrage suivant
https://www.amazon.fr/Ranger-lanimal-Collectif/dp/2351132297
[i]L’analyse du contrat de mise en pension d’un animal moyennant rétribution en dépôt salarié est passablement constante, bien que parfois critiquée . Elle vaut tant à l’égard des équidés que des canidés . Elle présente au moins un avantage pour le professionnel, en ce sens qu’en application de l’article1948 du Code civil, le dépositaire peut retenir le bien déposé jusqu’à l’entier paiement de ce qui lui est dû .
Sur le terrain de la responsabilité, la qualification de la prise en pension en contrat de dépôt est, en revanche, particulièrement favorable au propriétaire car lorsque l'animal se blesse pendant la phase d'hébergement, il n'appartient pas au client d'établir une faute du dépositaire. Toute la question est alors de savoir si ce régime, qui fait peser une présomption de faute sur le dépositaire, est adapté lorsque l’objet du dépôt est un être vivant. Pour répondre à ces interrogations il convient tout d'abord d'examiner les textes applicables. Ils sont anciens, mais n'en donnent pas moins quelques précieuses indications.
« Selon l’article 1927 du Code civil, le dépositaire doit apporter dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins, qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent » . Toutefois la responsabilité de droit commun de l'article 1927 est aggravée dans le cas où il s'agit d'un dépôt salarié visé par l'article 1928. Or, un grand nombre de contrats de garde ou de pension sont des contrats à titre onéreux donnant lieu à une responsabilité alourdie.
Il n'est pas inutile d'observer que l'article 1933 dispose à son tour que le dépositaire n'est tenu de rendre la chose déposée que dans l'état où elle se trouve au moment de la restitution et que les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait sont à la charge du déposant. Le développement d’une maladie chez l’animal ou l’accident dû à un comportement anormal ou irrésistible de l’animal entre-t-il dans cette dernière catégorie ? Les fondements textuels ne donnent pas de solution déterminée ; ils constituent simplement un cocktail complexe à l’aune duquel il convient d’apprécier les obligations du dépositaire dans le cas très particulier où l'objet du dépôt est un être vivant.
Un rapide coup tour d’horizon de la jurisprudence en matière de pensions animalières révèle deux tendances . Un premier courant considère que le dépositaire salarié est tenu d'une obligation de moyens renforcés qui lui permet pour s'exonérer de sa responsabilité de prouver qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations. Cette faute, ou plus exactement cette absence de faute, s’appréciera par rapport au modèle du bon professionnel. Un deuxième courant prétorien, illustré notamment par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 24 mai 2007, considère que le dépositaire est tenu d'une véritable obligation de résultat et, en conséquence, n'autorise son exonération qu’en présence d'une cause étrangère . Ce deuxième courant fait l’objet de critiques au motif que l’aggravation de la responsabilité du dépositaire salarié ne doit pas conduire à faire peser sur le dépositaire une obligation de résultat au sens strict, celui-ci devant conserver la possibilité de s’exonérer en prouvant son absence de faute . Examinée dans une perspective animalière, la solution qui consiste à transformer l’obligation de garde du dépositaire en obligation de résultat se révèle en décalage avec la réalité du vivant. En effet, le bon sens commande de tenir compte pour déterminer l'étendue de l'obligation de garde de la nature de l’objet gardé ; comme l’observe le professeur G. Pignarre, on ne garde pas de la même manière un coffret de bijoux, des marchandises, un animal, des valeurs mobilières ou un cadavre . Pour en revenir à la prise en pension des équidés, deux exemples simples permettent de démontrer qu’un être vivant ne peut pas être conservé, surveillé, soigné de la même manière d’une chose inanimée. Le premier exemple est lié à sa réception initiale. Le second au contenu de l’obligation de garde et de surveillance.
1°) La réception
Le dépositaire étant tenu de démontrer que la détérioration de la chose ne lui est pas imputable, la doctrine considère qu'il doit avoir la prudence, au moment de sa remise initiale, de vérifier l'état de celle-ci et, si nécessaire, d’en conserver une preuve, par exemple par un constat contradictoire . La pratique démontre que cela n'est pas toujours aisé en matière d’animaux. L’arrivée d’un équidé dans une écurie peut se faire de nuit, en l’absence du propriétaire. L’exploitant peut-il refuser l’équidé manifestement boiteux ? Celui-ci n’est pas une marchandise ordinaire. Il serait incorrect, peu compatissant, et contraire aux usages de faire recharger l’équidé blessé, sachant en outre qu’il peut faire partie d’un transport groupé destiné à poursuivre sa route sur plusieurs centaines de kilomètres. La situation est plus délicate encore lorsque celui-ci arrive de nuit et que le transporteur ne maîtrise par la langue française. Plus généralement, il n’est pas dans les usages lorsqu’un équidé arrive dans une écurie d’exiger une visite vétérinaire, ni même simplement de le faire fonctionner aux trois allures avant de le mettre dans un box ou dans un paddock. Plus précisément, lorsque le cheval est remis au dépositaire dans le cadre d’une pension simple, celui-ci doit se borner à le mettre dans son box après une inspection sommaire et, éventuellement, si cela entre dans la convention des parties, à le faire paddocker. En conséquence, une éventuelle boiterie ou irrégularité dans les allures vives permettant d’établir un problème de locomotion antérieur à l’arrivée dans l’écurie ne sera pas révélée avant la mise au travail du de l'équidé par son cavalier, laquelle peut intervenir que le lendemain, voir le surlendemain. Tout cela pour indiquer que la précaution élémentaire d’un examen de l’état de la chose au moment de sa remise initiale, si elle n’est pas à écarter en matière d’animaux, n’en demeure pas moins beaucoup plus difficile à mettre en œuvre que pour les choses ordinaires.
2°) La nature de la responsabilité du dépositaire salarié
Parallèlement, peut-on, à moins de basculer vers une responsabilité de plein droit du dépositaire, ignorer qu’un être vivant peut développer une maladie sans que celle-ci soit automatiquement imputable aux conditions de sa garde ? Viendrait-il à l’idée des juges de déclarer un internat responsable lorsqu’un pensionnaire est atteint d’une maladie. Tout au plus, pourrait-on en cas d’épidémie lui reprocher de ne pas avoir pris les mesures sanitaires pour entraver la propagation de celle-ci ? Pourquoi en serait-il autrement à l’égard des animaux ? Pour rester dans la même analogie, il en va de même lorsqu’un cheval se blesse seul dans un box ou un paddock. Nul n’ignore qu’un enfant peut se faire mal dans la cour de récréation la plus sécurisée. Comme l’école, le professionnel doit avoir la possibilité de démontrer que ses installations et les soins apportés sont d’une qualité telle qu’aucune faute ne peut lui être imputée. Le fait que le dépôt soit salarié implique simplement plus de rigueur de la part du professionnel que de l’ami qui héberge un animal à titre gratuit. Il ne s’agit pas d’aller au-delà, jusqu’à lui imposer une obligation de résultat, inadaptée aux êtres vivants et dont le coût en terme d’assurance mortalité, accident, invalidité, conduirait à une augmentation non négligeable du coût des pensions. Le risque du « vivant » doit reposer sur le propriétaire, libre à lui d’assurer son animal ou non, le professionnel chargé d’une mission de surveillance doit conserver la possibilité de dégager sa responsabilité en démontrant qu’il s’est comporté en « bon professionnel ». Son comportement, lié au degré de sécurité des installations ou de sérieux des soins doit, en outre, être apprécié en fonction des usages liés à la race, à l’utilisation et à l’environnement des animaux pris en pension. Il serait, par exemple, aberrant de reprocher à un club utilisant des chevaux réputés pour leur rusticité de ne pas les faire vivre en box individuels.[/i]