Il était une fois Arthur et il était une fois Raphaël. Impossible de vous parler de la naissance de l'un sans évoquer les souvenirs de celle du premier.
Raphaël, notre premier petit bonhomme, le premier amour de notre vie, a pointé le bout de son nez le 25 janvier 2018, au terme dépassé d'une grossesse très éprouvante. Mon projet d'accouchement physiologique me tient énormément à coeur, et je gère plutôt très bien, jusqu'au bout, sans péridurale. Arrivée à la maternité à 7, rapidement à 9, le dernier centimètre de col se fait désirer de longues heures mais vient finalement le moment de pousser. Pousser. Pousser... Pousser encore. Mais bébé est bien coincé, visage à l'envers, et tout mes efforts sont absolument inefficaces. Après 45mn de tentatives et 2 échecs de forceps très douloureux, le coeur de notre petit trésor n'apprécie plus du tout l'aventure. Code rouge. Les lumières clignottent, le médecin crie, les sages femmes courent avec le brancard. On nous explique qu'on me césarise en grande urgence. Trou noir. Long, très long trou noir. Plusieurs heures après, une voix me tire de très loin, je peine à ouvrir les yeux, le plafond blanc tourne un peu. Petit à petit l'image devient plus nette. Je suis dans une salle, et je ne suis plus enceinte. On m'explique que j'ai eu une anesthésie générale car l'urgence était bien trop grande pour prendre le temps de faire agir autre chose. Je demande mon bébé. Quelques minutes plus tard mon amoureux entre en poussant un petit berceau, et me présente un bébé. Tout propre, tout habillé, avec un gros bonnet. Je ne vois que ses yeux et je comprend qu'il est né sans moi. Mon seul souvenir de cette naissance sera constitué des 14 agraffes dans mon ventre et du coup de poignard dans mon coeur. Je n'ai rien vu, rien entendu, rien senti et je suis devenue maman.
Le 7 mai 2020, la grande aventure recommence. Raphaël a maintenant 2 ans et 3 mois, mais mon chagrin est encore si frais... A 13h ma sage femme a décollé le peu de membranes qui l'étaient encore. Il est 15h et ça contracte. Plus régulièrement que d'habitude. Je prend un bain puis on part se promener. Il est 18h et je commence à avoir mal. Nous sommes rentrés chez nous depuis quelques jours. Ma maman arrive pour s'occuper de notre grand. Il est 19h et j'ai vraiment mal. La première fois j'étais à 7 pour cette douleur. On décide de partir. Je rentre seule en salle de travail, le papa n'est accepté qu'à partir de la salle d'accouchement. Tout de suite je dis que j'ai peur de revivre le même cauchemar, et que je veux une péridurale le plus tôt possible pour être certaine de ne pas avoir d'anesthésie générale. Monito et premier contrôle à 19h30 : à peine 3, avec des contractions très intenses toutes les 2 à 4mn. Douche froide. J'ai mal, heureusement je peux bouger comme je veux. 20h30, 3 bien large mais encore de la longueur, je rejoins le papa dehors pour aller marcher un moment. L'air frais me fait du bien. 21h45, je remonte en salle de travail et mon amoureux rentre manger. Mon col est toujours à 3, mais tout effacé et bien centré. J'ai droit à la pose de la péridurale, je respire enfin, j'ai envie d'embrasser la sage femme. 22h30, la péridurale est posée. Et divinement bien. Je ressens tout, je peux bouger comme je le souhaite, changer de position, utiliser le ballon. Mais je n'ai plus mal. Je passe en salle d'accouchement et mon homme me rejoint. La nuit s'annonce longue...
Il est 1h15, je suis seulement à 5 donc on me perce la poche des eaux pour accélérer les choses. Ça fonctionne bien. À 3h15 je suis à 7, à 4h30 je suis à 9. La péridurale commence à faiblir ou plutôt le travail à devenir intense. Je retrouve un peu de douleur, parfois plus franche sur les grosses contractions. Ça pousse fort sur le col et contre mes fesses. À 5h30 je suis à dilatation complète et déjà si fatiguée... Je tente un jus de fruit que je vomis aussitôt. Arthur aussi commence à fatiguer mais le chemin est encore long et il faut maintenant qu'il s'engage. Pendant 2h j'alterne 4 pattes et allongements sur les côtés.
Il est 7h35 et je dois pousser. J'ai très peur, je tremble, et j'ai un peu mal. On me dit que j'ai 30minutes. Alors je pousse, de toute mon âme, de toutes mes forces, et de toute ma souffrance passée. Il est 8h. Arthur n'est pas sorti. On me donne 5 minutes avant d'appeler le médecin. Je pleure et je sens le sol s'ouvrir sous moi. Je ne vais pas y arriver. J'ai si mal, je sens mon corps s'ouvrir si fort, je me donne si intensément, pourquoi mon fils ne vient pas ? Je pleure ma colère, je pleure ma douleur, je pleure ma peur, et toujours je pousse au milieu des larmes. Il est 8h10, mon corps s'ecartèle et la tête passe, puis les épaules. Je l'attrape et je tire pour le poser contre moi.
Je pleure encore plus. C'est terminé. J'ai réussi. J'ai pris ma revanche et gagné ma plus belle bataille. Je vois la fierté et la reconnaissance dans le regard de mon homme. Et je pleure toujours plus, je suis heureuse, je suis fière de moi, je n'ai plus peur. Je le contemple et il est parfait. Je m'emerveille, c'est magique, c'est unique, c'est le miracle de la vie. C'est tout ce qu'on m'a volé la première fois.
Arthur est arrivé parmi nous à 8h11, il pesait 3kg270, pour un terme de 38+1. Il a guéri nos coeurs de parents.
