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Préparation mentale
Posté le 11/09/2019 à 11h58
Bonjour,
J'ai eu recours à la prépa mentale l'an dernier suite à un grave accident qui avait induit un fort blocage de peur, sur un mental à la base déjà fragile en compétition.
Je remontais à cheval depuis quatre mois après mon accident (double fracture cheville avec pose de matériel qui reste en place dedans), mon objectif était de reprendre le concours et d'y débuter ma 6 ans (qui est à l'origine de l'accident, je suis dresseuse je précise), mais j'avais très peur de retravailler aux trois allures dans la grande carrière siège de mon accident, et siège du futur concours.
J'ai essayé dans un premier temps de traiter ça du point de vue physique: compléter ma pratique équestre par beaucoup de préparation physique pour me rendre plus apte à gérer ma jument en cas de débordement. C'est une excellente idée qui améliore le cavalier, mais ça n'a pas redressé mon mental.
Après plusieurs conversations avec des amies, j'ai décidé d'essayer la prépa mentale.
J'ai contacté qqun que je connaissais par ailleurs, via des discussions web (Johanna Hellborg, Plusformance, cavalière de dressage, sportive, formée au coaching mental et à l'hypnose).
Comme elle est loin nous avons opté pour des séances juste téléphoniques (elle peut aussi travailler via Skype ou en présentiel). Dans mon cas, cela suffit, je suis plutôt capable d'introspection, donc en mesure de reproduire et de développer ce dont on aura discuté.
Nous avons identifié une première cause à mon problème, fréquente chez les sportifs: l'appréhension de la blessure sur le sportif blessé auparavant. Cela m'a permis de rediscuter avec le chirurgien, de poser les bonnes questions et d'avoir une réponse claire sur le risque réel encouru en pratiquant mon sport avec du titane dans la cheville.
Ensuite, nous avons effectué un second entretien plutôt basé sur le mécanisme mental qui est le mien à cheval et en concours.
Mécanisme: construction d'images mentales négatives et focalisation sur les éléments potentiellement anxiogènes pour le cheval, et qui le sont en fait pour le cavalier.
C'est en fait un fonctionnement très répandu chez des cavaliers pas très casse-cou comme moi: on imagine ce que le cheval pourrait faire dans la carrière ajd car il y a du vent, oh lala il y a une pancarte, un parapluie, un chien, il pleut, il fait froid etc.
Nous avons discriminé quels éléments étaient contrôlables et quels éléments ne l'étaient pas. Ceci permet d'exploiter mon côté "control freak" pour préparer minutieusement ce sur quoi je peux avoir le contrôle: la préparation de mon cheval avant l'échéance, les horaires, la qualité du matériel, ma préparation physique...
en ce qui concerne ce qi n'est pas contrôlable, il s'agit de lâcher prise: je ne contrôle pas la météo, donc inutile de focaliser sur le site de météo France tout le mois précédant le concours. Je ne peux pas contrôler la présence de ce parapluie en bord de piste, par contre je peux contrôler mes trajectoires et l'attitude de mon cheval pour qu'il reste dans mes aides. Idem les autres chevaux, idem tout élément extérieur.
Concernant le tour, nous avons travaillé le grand classique de la visualisation mental. Mon cerveau en fait tout seul, mais lui il visualise toutes les catastrophes possible. Il m'a donc fallu une certaine gymnastique mentale forcée, où je m'asseois, je respire profondément et je me force à visualiser, depuis le moment où je selle, jusqu'au salut final, un tour de jeux olympiques, record du monde 90%. Et clairement ça marche. Il s'agit de visualiser de l'intérieur, ce qui inclut les aides que je vais utiliser à chaque foulée. C'est particulièrement aidant sur les entraînements: cela les rend bien plus techniques avant le jour J et permet de déterminer ce qu'il faut faire pour contourner une résistance.
Sur la base de ces deux entretiens j'ai continué toute seule jusqu'à ce fameux concours.
Au moment du concours j'avais en fait toujours peur de monter en carrière. Pourtant je l'ai fait. J'avais prévu à l'avance tous mes gestes. Ce jour là, le vent soufflait à 90 km/h et d'ailleurs des lices se sont envolées pendant le concours. Mais j'y suis allée quand même. Je n'étais pas super prête, ma jument pas tout à fait non plus et pourtant on a fini deuxièmes.
Après ce concours, j'ai constaté que j'avais encore des peurs et là c'est le coaching technique qui a terminé le travail: on est allé en carrière et on a repoussé les limites progressivement pendant l'hiver. Je ne laisse plus rien au hasard: si j'ai un doute que ma jument est chaude, les jours précédant la carrière; je la prépare, le jour J je la longe si nécessaire et je suis intransigeante sur la régularité du travail: flemme ou pas flemme, elle a cinq séances semaine et six si elle a besoin. Si j'ai un empêchement, mon instructrice la travaille pour moi. Cette régularité fait autant de bien à la jument qu'à la cavalière.
Je suis retournée en concours six mois plus tard. Cette fois il pleuvait. Ma jument avait peur du vent avant et elle déteste la pluie. On a managé ce concours de main de maître, frisé 70% et encore fini deuxième.
Ensuite je l'ai amené en concours à l'extérieur pour la première fois de sa vie, alors que je pensais la confier à un cavalier pour cette échéance. J'avais encore tout préparé ce qui était contrôlable. Sur place, elle a eu peur, elle ronflé, mais elle a été super focalisée sur moi. Et moi j'ai été très bien coachée. On l'a amenée au paddock tenue en longe à ma demande et ensuite on l'a lâchée, j'ai fait ma détente, j'ai écouté les conseils. En piste, ni elle ni moi n'avions plus peur de quoi que ce soit. On a fait des fautes mais c'était un vrai tour de travail et une vraie première sortie constructive.
Depuis, on a fait sauter un autre verrou: les balades où je n'allais plus depuis l'accident. Je n'y vais jamais seule, mais nous avons passé trois mois à en faire une par semaine, la jument derrière, devant, au milieu, surtout au pas, un peu au trot et un peu au galop. Elle a fusé quelques fois et je m'en suis très bien débrouillée.
Actuellement elle est chaude et si je ne vais pas en carrière pendant qq temps, le retour y est difficile, donc j'accepte que ça le soit et j'y retourne et j'y retourne, jusqu'à ce que ça se tempère. J'utilise les outils de la prépa mental pour me raisonner sur la distinction entre maîtrisable et non maîtrisable.
En résumé: la préparation mentale a débloqué plusieurs verrous majeurs que j'vais mis en place après cet accident, mais aussi avant, et que je n'avais jamais traités. C'est un complément au reste: prépa physique, coaching, régularité dans la préparation du cheval. Tout fonctionne ensemble, et rien n'est à lui seul la solution.
Il existe des livres mais rien ne remplace la discussion avec un professionnel. Bref, je recommande chaudement la préparation mentale, et Johanna qui a elle-même été confrontée dans sa pratique à ces écueils, dont elle parle avec beaucoup d'"humour.