tam89 a écrit le 26/06/2020 à 17h34:
Alors oui il y a des choses chiantes comme dans tous les boulots mais ça va hein y'a pire, et les avantages oui ils sont là.
Pire, très certainement. Le top, faut pas exagérer non plus.
Révélateur : dans votre réponse, vous ne relevez que les assertions relatives aux copies à corriger et aux vacances... Alors que je ne parle pas vraiment de cela. A vous lire, l'EN, c'est la bonne planque. En fait, si on a ce métier à coeur, c'est, au contraire, l'enfer.
Ce ne sont pas les copies qui me tuent. C'est de voir l'école dézinguée, bradée pour des logiques mercantiles d'économies de bout de chandelle, ne jouant plus son rôle d'ascenseur social.
35 élèves par classe, 5 ou 6 classes (5 pour moi cette année, 6 l'année prochaine puisque les volumes horaires baissent dans toutes les disciplines, pour arriver au quota d'heures légales, on a de plus en plus de classes et d'élèves) : c'est beaucoup de temps sur les copies. Le côté que vous qualifiez de chiant. Oui, c'est chiant, mais cela fait partie du métier.
En revanche, le vrai truc vraiment chiant, c'est que dans des disciplines comme la mienne, quand on doit faire les programmes de fou (en terme de notions et de complexité de celles-ci) avec un volume horaire à la con (3h par semaine en 1ère et en terminale), il faut que les gosses ingurgitent quelques connaissances pour faire des devoirs... S'ils font 3 vrais devoirs dans le trimestre, c'est le maximum. Et comme on a beaucoup de classes, on ne peut pas en caser davantage (et les merdouilles de QCM et autres mini interros ponctuelles pour rattraper la moyenne, je ne les compte même pas dans les copies).
On brade la connaissance, la réflexion, l'esprit critique, la curiosité intellectuelle pour les gaver, les enfermer dans un bachotage permanent avec des épreuves qui débutent en janvier de première pour s'achever en juin de l'année de terminale. Et, moi, cela me fait gerber.
On leur sert du caca en barres en leur faisant croire le contraire (bien qu'ils ne soient pas dupes, contrairement à ce que l'on croit en hauts lieux...).
On ne veut que la réussite de nos élèves. Et nos conditions de travail, au sens très large, nous obligent à laisser un paquet de mômes au bord de la route.
Des mômes largués, qui ne comprennent rien, qui s'agitent en conséquence et désespèrent d'eux-mêmes. Franchement, si on est un minimum investi dans son métier, on ne peut pas trouver ça top.
J'ai plein de copines qui sont instits (et j'ai deux filles qui sont passées entre des mains de nombreux instits). Elles ne trouvent pas top non plus de devoir faire de la pseudo pédagogie différenciée (pas la vraie... elles en ont conscience et c'est bien ce qui les rend dingues, celle où on envoie les mômes qui savent lire aux vacances de la Toussaint dans le coin bibliothèque pendant qu'on essaie d'apprendre aux autres qui ont besoin de plus de temps) parce que 28 mômes de CP à qui il faut apprendre à lire, c'est juste de la folie.
Quand vous avez un IPR qui lâche en réunion "le temps de la réforme est un temps politique, pas pédagogique, ça, cela n'intéresse pas grand monde", on ne peut pas se dire qu'on fait un métier quand même super cool et vivement les vacances. Sauf si on n'a aucune conscience professionnelle. Et oui, il y en a quelques uns.
Quand ces mêmes IPR se fendent d'une lettre ouverte au ministre pour essayer de lui faire comprendre que l'école est en train de perdre le sens de ses valeurs et de ses missions, il y a de quoi s'inquiéter. Ces gens-là sont rarement des gros rebelles à l'autorité...
Enfin, bref...
Mais, si vous pensez que les privilèges l'emportent sur les désagréments, vous pouvez faire ce boulot. Entre les démissions, les suicides (hé oui... quelques uns quand même... Dont les médias ne parlent pas !) et la crise des vocations, cela recrute à tour de bras dans l'EN et l'enseignement privé sous contrat. Là, ma locataire qui est "prof de religion" (selon ses propres mots) passe un entretien la semaine prochaine pour occuper un poste de prof de lettres dans un collège. Elle sera prise. 2 ans d'expérience de catéchisme, 10 minutes d'entretien et elle aura des classes à la rentrée. Bon, elle sera virée au bout de 200 heures et ne sera pas payé pendant les vacances (ouille le mois de février), mais il y aura un adulte devant les mômes.