Je suis passée d'un IMC >40 (obésité morbide) à un IMC < 18,5 (insuffisance pondérale) en 18 mois. C'est une expérience socialement... déroutante.
Je trouve que quand on est gros, la teneur des regards et des jugements est globalement dans une forme de mépris : le gros est vu comme quelqu'un qui se laisse aller, qui n'a pas de volonté, qui pourrait faire un effort. Je trouve super que le bodypositivisme ait donné plus de visibilité à des personnes grosses et bien dans leur peau, mais il faut bien reconnaître que l'impact social est encore faible. J'ai été grosse un paquet d'année, je pense que j'étais plutôt bien dans ma peau, et pourtant j'ai réalisé a posteriori à quel point je m'étais auto-censurée (ne pas s'exposer en photo, ne pas rentrer dans certains magasins, ne pas participer à certaines activités) pour éviter les regards/remarques. Le souci c'est que c'est tellement intégré qu'on ne s'en rend même plus compte.
Je ne suis pas restée "mince" assez longtemps pour expérimenter le fait d'être dans la norme, du coup je ne sais même pas si ce statut existe, s'il y a une corpulence où on te fout la paix sur ton physique.
Depuis plusieurs mois je suis plutôt dans la catégorie des maigres (ce n'est pas volontaire, c'est lié à un souci de santé qui fait que ma perte de poids m'a échappé) : et là, j'ai découvert un nouveau type de jugement. Les gros, on les méprises, les maigres, on les plaint et on les infantilise
on se permet de te donner des conseils pour mieux manger (à presque 50 ans), pour être en meilleure santé, on te traite comme si tu étais une petite chose fragile (dans mon cas en plus, je suis petite (1m53) donc je pense que ça accentue encore ce côté silhouette enfantine)
Tout ça m'a aidé à prendre conscience que quoi que tu sois, tu n'échappes pas aux regards critiques : tu ne peut pas changer le fonctionnement de la société (enfin si, tu peux militer pour ça, mais ça ne va pas se faire du jour au lendemain donc en attendant...)
La seule chose que tu peux changer là maintenant tout de suite, c'est la façon dont tu te vois et dont tu te vis: apprendre à aimer le corps qu'on a l'instant T, parce que c'est le notre, qu'il est unique, que c'est une machine extraordinaire et qu'il nous offre tellement de possibilité...
Avoir un regard bienveillant sur soi-même conditionne quand même beaucoup le regard des autres sur nous.