Le monde des courses pour les nuls

Je te préviens, ça va être un pavé

J'ai monté quasi-quotidiennement à l'entrainement pendant 4 ans.
J'ai arrêté parce que je n'ai pas d'écurie à moins d'1h30 de chez moi, et que j'avais moins de motiv à me lever à 4h du mat' le samedi pour quelques lots. Je continue monter quand j'ai l'occasion, en vacances ou en déplacement, mais c'est rare.

J'ai fait une dizaine d'écuries un peu partout en France et en Angleterre, de 4 à 200 chevaux

Hébergement
Majoritairement, les chevaux sont au box h24.
Quelques écuries ont des paddocks, mais pas assez pour tous les chevaux.
J'en ai fait une où les chevaux sont au pré en troupeau et ne voient le box que les veilles de course mais c'est l'exception.
Dans l'écurie où j'ai passé le plus de temps, il y a une annexe à 15-20min en camion, avec des paddocks. L'entraîneur y met les chevaux parfois 2-3 semaines pour faire un break. Il y a une piste aussi donc ils peuvent être travailler légèrement.
L'idée c'est que les chevaux ne sont au centre d'entraînement que quand ils sont en phase de préparation sérieuse. Sinon, soit ils retournent chez leurs éleveurs ou leurs propriétaires, soit dans des centres de pré-entraînement, soit ils sont à l'annexe.

Alimentation
Ça dépend de chaque écurie.
En général c'est foin de crau en quantité (voire à volonté) et autour de 8L de granulés (les ulcères, faut pas chercher d'où ça vient...). Dans certaines écuries ils ont des mash, chacun a sa routine.

Débourrage
Un PS qui sort du débourrage, on attend de lui qu'il accepte un cavalier sur le dos au pas et au trot derrière un gentil cheval, et qu'il ait pigé comment freiner sans trop emboutir le copain de devant et vaguement tourner. En général, c'est une semaine en rond de longe (découvrir le filet, la selle, être longé, accepter un cavalier), et ensuite dehors progressivement. Certaines écuries débourrent elles-mêmes, d'autres récupèrent des poulains déjà plus avancés. Ça dépend du souhait de l'entraîneur et du propriétaire. Ceux qui sont avancés sont déjà allés galoper sur une piste derrière un copain. Les commandes sont rudimentaires mais les cavaliers sont formés et habitués. On n'attend pas d'un poulain qui a une semaine de taf de se comporter comme un gentil tonton routiné.

Nous au début les poulains font juste du rond de longe, puis ils sont emmenés montés, mais tenus en main, jusqu'à un rond sablé un peu plus grand (genre rond de présentation) pour quelques tours de trot à chaque main. Ils commencent à aller marcher derrière les "grands" qui reviennent du travail. Ensuite idem jusqu'à la vraie piste. Ils apprennent à trotter et galoper en file indienne, puis à-côté d'un autre, d'abord à distance, et petit à petit on fait un vrai botte-à-botte. La vitesse vient aussi progressivement. Les poulains doivent acquérir du souffle, se coordonner, trouver leur équilibre, leur amplitude et rester lucides / disponibles. C'est pas vent du cul dans la plaine, c'est un apprentissage à part entière. Selon le cavalier et l'entraîneur, les chevaux sont plus ou moins assouplis. On cherche des chevaux sagement posés sur le mors, s'ils sont ronds c'est mieux. Ça vient sur 4-6 mois.

L'essentiel de l'entraînement se fait à petite vitesse. Les chevaux de course marchent énormément.
Sur 1h dehors, on trotte 5min, on galope moins de 5min, et on marche 50min.
Chez les sauteurs c'est pire, les lots durent plutôt 1h30 car ils ont besoin de plus d'endurance, et c'est pas le galop qu'on allonge d'1/2h.

Concernant l'entraînement proprement dit, chaque entraîneur a ses marottes.
Chez certains, les chevaux courent souvent mais ne travaillent quasiment pas en dehors.
Chez d'autres on gratte un peu plus à l'entraînement, mais les courses sont plus espacées.
De manière générale, c'est rare que les chevaux soient poussés à l'entraînement.
Dans les 10 écuries que j'ai faite, on passe notre temps à freiner. On profite rarement de leur pointe de vitesse. Pour donner une idée, sur les entraînements sérieux qu'on faisait 2x / semaine, au mieux on faisait une pointe de 100m à 40-45km/h (et ça vaut le coup de se lever à 4h30 pour ces quelques foulées ).
En course plate, la vitesse moyenne est autour de 60km/h. Autant dire que même sur ce bout-vite, on est loin du compte.

Pour les journées de course, tu te lèves tôt, et tu marches
Il y a quelques formalités administratives quand tu arrives sur place. Les puces, livrets, et vaccins sont vérifiées. Même quand les courses ont lieu dans le centre d'entraînement, les chevaux doivent être dans les boxs de l'hippodrome au moins 2h avant. Ils ne peuvent pas patienter dans leur écurie habituelle.
L'entraîneur ou le garçon de voyage dépose la casaque du propriétaire au vestiaire pour le jockey.
En général tu commences à marcher le cheval 3/4h avant sa course pour l'échauffer.
Quand il peut, le jockey se pèse avec sa selle équipée, la casaque du propriétaire, les tapis de plomb éventuels, son gilet... (puisqu'il y a le poids à respecter +/- 500g). Soit il va seller lui-même (s'il a le temps), soit il file le matos au garçon de voyage.
On selle le cheval, on recommence à le marcher.
Dès que les chevaux de la course précédente reviennent et sortent du rond, on y emmène le cheval.
Les chevaux sont marchés devant le public.
Les jockeys sont mis en selle, et sont lâchés sur la piste. On galope jusqu'au départ (normalement pas trop vite, après... ). Les chevaux sont rentrés dans les stalles. Ils courent.
Le meneur récupère son cheval à la sortie de la piste et le ramène au rond. Les jockeys descendent, dessellent et vont se peser avec le même matos qu'avant la course (obligatoire, sinon le cheval est distancé).
Certains chevaux sont envoyés au contrôle, le meneur reçoit un brassard fluo (souvent c'est le premier, et un autre "au pif" dans les 5-7 premiers). Si contrôle, le cheval peut boire et marcher un peu mais ensuite direction le salivarium, qui récolte tout sauf la salive C'est une prise de sang et une analyse d'urine.
Selon l'empressement du cheval à pisser, c'est plus ou moins long.

Dans tous les cas, le cheval est douché, et marché pendant 25min environ.
Ensuite retour au box, et retour à l'écurie.
Edit : penser à récupérer la casaque du propriétaire au vestiaire avant de partir !

Dans la plupart des écuries, les 2j qui suivent la course, les chevaux sont sortis en main et/ou au marcheur.
Ceux qui ont des paddocks en profitent.

Concernant la routine quotidienne, dans les écuries que j'ai faite ça ressemble à ça :
On embauche entre 4h30 et 6h selon la saison.
Les chevaux reçoivent leur ration de grain, ils ont généralement encore du foin dispo.
Selon les écuries, soit il y a un / des palefreniers qui font les boxs, soit chaque cavalier fait celui de ses chevaux avant de les monter, soit un mélange des deux (tous les cavaliers font 2 boxs en arrivant, les palefreniers font le reste).
Les boxs sont curés et paillés tous les matins, sauf le dimanche.

Le premier lot, on le sort de nuit.
Avant de monter chaque cheval, tu repasses un coup à son box (ou tu le cures), tu nettoies mangeoire et abreuvoir, et tu mets le foin.
On sort tous ensemble, et on rentre tous ensemble.
Il faut suivre le rythme.
A la fin de la matinée, on remet un coup de brosse aux chevaux qu'on a monté, on change les couvertures éventuellement, on enlève à nouveau les crottins.
Les chevaux ont une deuxième ration de grain.
Sieste pour tout le monde
En fin d'après-midi, une partie de l'équipe revient pour re-nettoyer les boxs (c'est une obsession), remettre du foin, faire des soins, vérifier les tendons, et donner le grain.
Ensuite, rideau jusqu'au lendemain.

Il y a des choses avec lesquelles je suis en désaccord profond (âge du débourrage, intensité des efforts, vie au box), mais j'y ai appris une rigueur dans les soins que j'ai rarement vu ailleurs.

Fin du pavé

shiho super intéressant !

shiho super intéressant, merci beaucoup ! Pour l’écurie où les chevaux vivaient au pré en troupeau, est ce que tu as constaté des différences notables sur le comportement des chevaux ? Notamment (pas taper pour l’idée reçue), est-ce qu’ils sont tout aussi performants en course ?

En tout cas, en dehors des choses que tu as citées qui vont effectivement à contre courant de l’évolution de l’équitation « traditionnelle », ça a l’air hyper intéressant comme boulot !

Et en plus ce sont des sensations juste "wahou", j'ai monté qq chevaux de course en entrainement, et j'ai monté des réformés (qui avait vraiment couru et même eu des gains) sur des courses ACCAF et c'est vraiment des sensations à part, j'ai adoré.

girly61 : objectivement, je n’ai pas vu de différence de perf entre les chevaux qui allaient au paddock (voire vivaient au pré) et les autres.

Les courses sont très traditionnelles, c’est compliqué à faire bouger.
A côté de ça, les boxs sont paillés jusqu’à la taille, les chevaux sont suivis et choyés, certaines écuries ont un masseur salarié.
Du coup ils prennent mal les accusations de maltraitance qui sont assez récurrentes, et souvent plus issues de préjugés que justifiées.
On verra comment ça évolue.

Dans l’écurie où j’étais, il n’y avait pas de paddock mais un grand rond de longe, avec une lice en bois de 2m. Ils ont tenté une fois d’y mettre une juju en liberté. En 5min elle avait défoncé les 4 planches de la porte et il a fallu courir derrière. Autant dire que l’expérience n’a pas été reconduite.

girly61 : C’est effectivement hyper-intéressant.

Déjà d’un point de vue équestre, ce sont des jeunes chevaux joyeux en groupe… j’ai acquis une bien meilleure assiette.
L’équilibre du cheval est aussi important qu’en dressage ou en cso, c’est juste pas le même.
Devoir se passer des jambes et avoir les rênes comme accélérateur et comme frein, ça demande un peu de pratique.
La vitesse Quand on passe les chevaux aux boites de départ pour les habituer, tu fais 0 - 40km/h en 3 foulées, ça dépote !
Mais j’aime beaucoup les petits canters aussi, surtout sur plus long. Les chevaux sont sur un rythme de croisière, à peu près à 40km/h. Quand ils sont posés, c’est un régal. Ils ne forcent pas, c’est fluide, on a l’impression qu’on peut aller au bout du monde comme ça Quand tu passes 2km à te faire arracher les bras pour ne pas marcher sur le précédent, c’est moins fun

Et puis ce sont des chevaux très attachants : sensibles, gentils, souvent proches de l’homme C’est surtout ça qui m’a fait continuer.

shiho merci pour ton témoignage extrêmement riche et intéressant !

J'avoue le préjugé que j'ai surtout sur les courses, c'est la fin de carrière de ces chevaux (voire les mauvais éléments mis de côté avant l'entrainement).

Tu as vu un peu ce que devenaient les chevaux que tu as eu à l'entrainement ? On voit bien beaucoup de propriétaire de réformés mais est ce qu'il y a plus de chevaux réformés que de personnes disposées à les reprendre ? Ou c'est bien l'équilibre et le destin à la boucherie est une idée reçue ?

sayo : Ils ne sont pas vendus directement à l’abattoir, ça passe souvent par des marchands. Ce qui se passe après… ça peut
aussi bien être du club, du particulier que l’abattoir.
Quand t’as une tondeuse de 3 ans, pas forcément facile, faut trouver à la placer… (pas taper, le mien restera quoi qu’il arrive, mais objectivement, je n’aurais pas récupéré un cheval accidenté )

Depuis quelques années, un circuit de reconversion est organisé et financé en France via l’association Au Delà des Pistes.
Elle vise à la fois à payer la convalescence des chevaux qui sortent blessés et à accréditer des structures de reconversion. L’idée étant de rendre les chevaux pratiques pour des cavaliers amateurs plus ou moins aguerris (et d’éviter la valorisation boucherie).
Ça ne couvre pas 100% des chevaux reconvertis évidemment.
Ça existe en Angleterre depuis un bail.

Quand les propriétaires n’ont pas de terrain et ne sont pas cavaliers, il faut généralement que le cheval parte vite. Ils sont plus ou moins regardants sur l’acheteur.
Ceux qui ont du terrain, c’est moins pressé. Ils peuvent héberger le cheval plusieurs mois, voire le reconvertir eux-mêmes.

Les cavaliers d’entraînement récupèrent parfois leurs chouchous mais ils ne peuvent pas tous les prendre.
L’entraîneur chez qui j’étais a gardé plusieurs de ses ex-pensionnaires. Il en est devenu propriétaire à leur retraite. Il les place au pair histoire qu’ils soient un peu stimulés, mais il surveille et finance. C’est une goutte d’eau parmi les chevaux qu’il a entraîné, ceux auxquels il s’est vraiment attaché.

Effectivement dès que le cheval est entre les mains d'un marchand, on net sait jamais vraiment et la destination de l'abattoir est possible mais comme tu dis, ce n'est pas propre au monde des courses.

En tout cas, c'est top de voir des entraineurs qui pensent tout de même à la prochaine vie et bien sûr j'avais entendu parler de cette asso ou des écuries de reconversion.

Mais je me demande toujours pour le nombre qu'on amène à l'équitation classique, combien n'ont pas cette chance... mais bon c'est pour tout finalement, pas que les courses ! Et comme tu dis, je comprends qu'on ne veuille pas d'une tondeuse à 3 ans mais peut être aussi se demander pourquoi un cheval est une tondeuse à 3 ans ? Mais tu l'as écrit dans un des postes, tu n'adhères pas les débourrages trop tôt.

Hello,
J'ai régulièrement des "débourreurs" ou gars travaillant dans les écuries de courses qui passent sur le ranch pour apprendre l'équitation à leurs enfants. Je suis dans l'Orne (grosse terre d'élevage) et c'est assez courant qu'on me vante le débourrage en 3 jours (enfin, de débourrage, c'est juste accepter la selle et pas éjecter le cavalier). Je ne sais pas si c'est partout ainsi, mais vu le peu de réaction à mes sourcils arqués et la fierté de me dire ça (et pas qu'une fois), je suppose un peu que oui.

sayo : les tondeuses à 3 ans, pour certains ce sont des fragilités « de naissance » comme peuvent en avoir tous les chevaux (mon prof de CCE fait des radios des 3 ans qu’il achète même non débourrés). Pour d’autres ce sont bien des séquelles des courses : accidents, tendinites, efforts soutenus sur des squelettes loin d’être finis.

C’est une question de morale et d’éthique qui se pose quand le cheval devient non montable, quel que soit son âge.

Je rajoute juste que dans la région dont je suis originaire, l'Oise (terre d'entraînement et avec un papa jockey, ce n'est pas un hasard non plus que je sois née là-bas : Chantilly, Lamorlaye, Gouvieux, Coye la Forêt, etc), nous sommes limitrophe région parisienne -95- et en plein dans la forêt.
Les terrains ne sont pas légion... et d'ailleurs même les pensions et centres équestres n'ont pas forcément énormément de paddocks.
Et, comme à Maison Laffite, la plupart des écuries sont dans la ville ou vraiment quasiment. D'ailleurs, les chevaux passent dans les rues pour aller sur les pistes d'entraînement (dans la forêt donc) et les riverains sont habitués et plutôt respectueux en voiture.


Pour ma part, pour avoir bossé un petit peu dans un haras de pur-sang (donc côté élevage), ils sont là aussi très chouchoutés, ils le sont à chaque étape de leur vie, mais bien différemment de nos critères "loisir" : box paillé jusqu'aux genoux (c'est limite une marche à monter pour rentrer dedans), pas mal de concentrés certes mais foin à volonté et journées entières dans les pâtures de 4ha minimum (sauf paddocks les premières semaines après naissance) donc jamais de coliques, vie en groupe, du véto pour le moindre bobo...

On avait même des vieilles retraitées qu'on a gardé jusqu'à la fin et 1 handicapée de naissance (bouleté) avec elles. Et même 3 hongres, un qui avait bien gagné sa vie et sa retraite, mais les deux autres un peu moins et un avait un sale caractère, on se faisait même chier avec pour les parages, vaccins, vermifuges lol (ça c'est pour répondre aussi à la partie "reclassement" des chevaux )


Disons que chez le pur-sang, le cadre est strict et "militaire" mais les conditions de vie y sont, rien n'est laissé au hasard. D'ailleurs, en sortant du milieu course, ils n'ont parfois plus de cadre d'un coup et prennent vite de mauvaises manières...
Après, il y a de bons entraîneurs respectueux et ceux qui cherche à rentrer dans leurs sous tout de suite, comme partout... d'où le fait que les chevaux sortent pétés à 3 ans voir même avant. Un entraînement bien mené et progressif n'évitera pas tout mais déjà bon nombre de blessure, c'est mon avis en tout cas.

Merci beaucoup pour ces partages, c?est très intéressant ! siho je suis sur insta une écurie qui travaille avec Au delà des pistes, justement dans l’optique potentielle d’aller les voir le jour où je voudrais me lancer dans l’aventure. Ils ont l’air de faire un bon boulot. Ca n’a pas l’air très répandu j’ai l’impression. J’habite dans le nord, il y a pléthore d’écuries mais je n’en connais aucune qui fait de la reconversion. Ca existe peut-être mais ils ne font pas de pub ?

shiho

Merci pour ton retour

Je vais prendre le temps de te relire et de te poser d autres questions si tu veux bien