Est-ce que je peux partager ici mon auto-satisfaction de garder ma "chasseuse" en longe ?
Hier soir... Balade en forêt, à la tombée du jour. Coin connu, habituellement sans trop de gibier, alors que les lieux se prêtent parfaitement à une faune très riche. On marchait lentement, en quête d'insectes à observer.
Au détour d'une clairière, Toune se tend. Un chevreuil broutant paisiblement. Il ne nous voit pas. La brise ne lui transmet pas notre odeur. Toujours dans l'optique de déranger le moins possible les animaux sauvages, j'émets la possibilité de prendre un autre chemin pour qu'il n'ait pas à bouger. Mais il a l'air si calme et tranquille qu'on prend le parti de longer cette clairière le plus discrètement possible.
Il n'a pas fait le moindre mouvement de fuite. Tant mieux.
Un peu plus loin, une autre prairie... 2 chevreuils, de bonnes statures. Cette fois, pas le choix que de passer près d'eux. Toune toujours attachée et qui salive d'envie de les "saluer", à sa manière. On la garde près de nous, félicitant les quelques moments de relâchement. Ces deux-là auront été dérangés par notre passage.
On aura vu leurs culs blancs se sauver et se poser à l'orée du bois, nous observant, silencieusement, puis en aboyant.
Plus tard, une combe... Alors qu'on descendait rejoindre le ruisseau en son creux, un chevreuil à notre gauche, à quelques mètres à peine. Il détale en aboyant pour se positionner un peu plus loin. De surprise, je m’emmêle dans la longe, que mon conjoint peine à récupérer. On notera le calme de la Louloute qui aurait eu mille fois la possibilité de décoller comme une fusée, profitant de notre maladresse, mais qui n'a pas bronché.
Et là, on se pose et on attend. Le chevreuil de gauche continuait d'aboyer. Un autre, à droite, lui répondait. Sur notre chemin, on était entre les deux. La possibilité que l'un rejoigne l'autre étant élevée, j'ai refusé que l'on avance, leur laissant le temps de décider de la marche à suivre, nous comportant comme pacifiques et non agressifs. Intrusifs, on l'avait déjà été. Toune s'est assise et on a écouté...
Cet échange... Puissant, vibrant, prenant. Sauvage.
Jamais je n'avais entendu cela, aussi résonnant et clair. Petits hommes sur les terres de ceux que l'on côtoie, souvent de loin, ou dans la lunette d'un fusil. Au mieux, dans le viseur d'un appareil photo.
Qui sommes-nous pour ne serait-ce qu'oser accepter que nos chiens les poursuivent, les traquent pour leur simple plaisir, et en le reconnaissant ou non, le nôtre ?
A côté de quoi passons-nous en agissant ainsi ? Que détruisons-nous ? Un simple moment de recharge de batterie pour eux, mais peut-être tellement plus.
Hier soir, je me suis félicitée que ma chienne ne les impacte pas plus que l'on ne l'avait déjà fait. Ils étaient là, aux aguets, se prévenant. Humblement, on les a respecté, autant que possible, sans non plus s'excuser d'être là.
Ainsi exprimé, on pourrait croire que Louloute n'est pas si dingue que ça de la poursuite. Elle l'est, pourtant. Malheureusement, hier, elle était touchée par ses troubles neurologiques et, juste, il lui arrive aussi parfois de savoir conserver un semblant de calme. C'est rare.
Quelques jours plus tôt, même balade. Dans une clairière, on était accroupis, face à face, à la recherche de petites bêtes. Toune qui nous tournait autour, en longe, s'arrête. Je lève les yeux... Un chevreuil.
Je me rapproche de ma chienne pour la remercier de ne pas être partie en nous arrachant la longe et pour l'attraper au harnais. On a pas bougé. Le jeune brocard, téméraire, à intervalles réguliers, en sans nous lâcher du regard, lui, se rapprochait... Curieux de voir de plus près qui étaient ces intrus dans son garde-manger.
40m, puis 30, 20, 10... Il était maintenant très proche, trop à mon goût et à celui de ma pauvre Loute qui peinait de plus en plus à contenir sa frustration. Elle en tremblait et chouinait d'excitation. Me refusant de lui imposer ça plus longtemps, j'ai mis un terme à ce qui aurait pu être un moment encore plus exceptionnel. Toujours accroupie, je me suis grandie et ai hélé l'intrépide : "
Sauve toi ou je lâche le chien !"
Encore 1m ou 2 et il a enfin daigné retrouver sa coulée et repartir, nonchalamment, dans la forêt. Satanée bestiole, pas si sauvage que ça.
On a laissé la Toune sentir à volonté, mais toujours attachée, la piste que le brocard avait suivi. On lui devait bien ça.