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Bac Resultats jour J !!
Posté le 17/06/2013 à 14h19
Corrigés des sujets 1 et 2 bac L pour ceux qui veulent :
1er sujet : le langage n’est-il qu’un outil ?
Cette question s’interroge sur la question de l’être du langage. Quel est-il ? N’est-il comme les sophistes le soutenaient qu’un moyen ou bien porte-t-il en lui d’autres significations ? Y a-t-il plus en lui et si oui, qu’est ce que ce plus ?
Pour les Grecs c’est un même terme, celui de « logos » qui exprime à la fois la pensée et le langage. Le français distingue les deux. En effet, certains parlent souvent pour ne rien dire et on a souvent l’impression que tout n’est que moyen pour eux.
Cette distinction est-elle réelle ? La psychanalyse nous a montré qu’il fallait la revoir. Notre langue pense et ce même lorsque nous ne disons rien. Même l’idiot peut dire quelque chose d’essentiel. Le langage semble donc être plus qu’un outil. Il semble révéler parfois la nature même de notre être. Cependant cette thèse n’est pas sans poser problème car les affolés de la transparence aujourd’hui pensent qu’il faut prendre tout le monde au mot. Ils s’offusquent de la moindre faute d’ortographe. Pour eux, le langage est sacré. Ils le sacralisent. Alors quel est son statut ? Comment choisir entre ces options ? Tel est l’enjeu de cette question selon nous. Pour répondre, il faut sans doute revenir sur ce qui fait sans doute l’essentiel du langage dans une première partie.
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Le langage, nous le savons depuis que les linguistes, Saussure étant l’un des premiers d’entre eux, nous ont rappelé qu’il se divisait en signifiant et signifié. Un langage est un ensemble de signifiants qui renvoient vers une chose qu’il s’agit de désigner par son intermédiaire. Entendu en ce sens, le langage semble donc n’être qu’un moyen, un outil, utile, au sens ou l’outil est utile. Il permet de faire signe vers la chose mais il ne peut se réduire à la chose.
D’aucuns l’oublient trop souvent. Pour cette raison, ils pensent qu’il suffit d’écrire ou de parler pour dire quelque chose. Pourtant, il est aisé de parler, nous l’avons vu , pour ne rien dire. De plus, nous parlons souvent et nous ne sommes pas toujours entendus. Si le langage n’est qu’un outil. La connaissance ne peut se résumer au fait de bien savoir parler ou bien savoir écrire. La connaissance est plus que cela.
Augustin, nous rappelle ce point dans le Maitre (De Magistro). Devançant Saussure, il nous rappelle que le langage n’est là que pour faire signe. Enseigner – faire signe – c‘est donc bien parler mais cette parole n’est pas suffisante, elle ne peut faire signe qu’à celui qui sait déjà nous dit Augustin. Le langage n’est qu’un moyen pour révéler une vérité qui serait déjà cachée en nous.
En ce sens, il ne sert cependant pas à rien. Augustin ne le condamne pas contrairement à ce que certains pensent. Augustin nous dit que le langage n’est qu’une forme de révélateur. Le bon enseignant est donc celui qui sait trouver le mot juste, celui qui va permettre à l’élève de rentrer en lui afin de voir une vérité qu’il ne voulait pas toujours voir.
Chacun sait, en effet à quel point, il est difficile de voir ce qui est vrai. Cette vérité nous éblouit. Celui qui sait cependant nous parler à bon escient peut nous faire signe, il peut nous aider à voir ce que nous refusons de voir.
C’est en ce sens qu’Augustin s’oppose aux sophistes. Le Sophiste pense que tout est outil, que tout est utile. Augustin nous dit qu’il y a langage et langage : il y a celui qui égare et celui qui permet de découvrir la vérité. Puisque le langage est outil, il impose donc une connaissance de son usage qui s’appelle la rhétorique. Cependant puisqu’il est outil, il peut être mal utilisé.
Cette thèse cependant pose problème. En effet, l’outil ne pense pas. Or peut-on dire qu’il n’y aucune pensée, aucune raison dans le langage ? Nous ne le pensons pas et c’est cet aspect du langage qu’il faut à présent explorer pour montrer qu’il n’est pas qu’un moyen « idiot » et innocent. Le langage est plus qu’un outil au sens « utilitaire » du terme.
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Les mots nous parlent. Ils font signe parfois au-delà d’eux-mêmes. Le langage de notre corps aussi parle plus que nous ne le voulons. Le langage n’est pas un outil au sens « technique » du terme. En effet, le bon ouvrier fait ce qu’il veut de son outil. Or même le plus habile des beaux parleurs ne maitrise pas toujours ce qu’il dit. Parfois ce qu’il dit le dépasse. Freud l’a bien montré dans son introduction à la Psycahnalyse, notamment lorsqu’il rappelle l’existence du Lapsus.
Une personne est ennuyée par une conférence. Elle doit faire son ouverture mais au lieu de dire les débats sont ouverts, elle débute le colloque en indiquant que les débats sont « clos ». Ce lapsus révèle sa pensée. Ce grand orateur en parlant nous dit plus sur lui-même si nous prenons la peine de l’écouter. Le langage pense. Lacan a montré même qu’il pouvait nous permettre de saisir ce qui est caché. Celui qui dit j’ai mal à aux « genoux » , a mal au « je et au nous », il exprime un malaise dans la relation aux autres.
Cependant dans ce cas, le langage reste un outil mais un outil d’analyse et un outil de compréhension du caché. Cette thèse elle-même n’est pas sans poser problème. En effet si tout ce que nous disons avait une signification qui irait au-delà de ce que nous pensons, nous pourrions vite évoluer vers l’inquisition. Certains n’hésitent pas à aller dans ce sens. Ils se souviennent de la phrase du Cardinal de Retz, « donnez-moi quelques phrases de tout honnête homme j’en fais un assassin ». Le langage devient pour eux, outil, au sens d’arme du pouvoir.
Le langage est donc bien un outil car il peut être une arme.
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Celui qui prend son semblable au mot, celui qui traque la vérité derrière chaque mot peut vite devenir un terrible persécuteur. Les psychanalystes le savent et c’est la raison pour laquelle ils
s’abstiennent le plus souvent d’interpréter ce que le patient leur dit. Il est libre de son interprétation au contraire et aucune interprétation ne peut lui être imposée. En effet, comme Freud l’a rappelé
« avec des mots on peut tout autant tuer son semblable que le guérir ». Le langage peut donc être non seulement « outil » mais pire « engin » , engin de mort. Il peut aussi donner la vie. C’est son caractère performatif qu’Austin a bien rappelé dans son célèbre ouvrage qui s’intitule, Quand dire c’est faire. Il y a des mots qui créent et qui sont créateurs. Le langage est donc outil mais il est le premier de tous les outils et plus encore lorsqu’il est verbal. Il est celui qui peut donner la vie et qui peut aussi la reprendre.
Il faut donc apprendre à l’utiliser mais ne pas croire qu’il peut se maitriser.
En conclusion, le langage est bien un outil. Cependant c’est un outil vivant. C’est même l’outil du vivant par excellence. En conséquence, en tant que tel nul homme ne peut prétendre le maitriser tout à fait. Cependant si sa maîtrise n’est pas envisageable au moins impose-t-il un certain respect de soi et de l’autre et peut-être qu’entre celui qui se veut dur et celui qui est trop mou, il y a une douceur du langage ou dans l’usage du langage que nous devrions peut-être apprendre à retrouver.
2ème sujet : La science se limite-t-elle à constater des faits ?
Les scientifiques soutiennent que la science serait l’objectivité même. Celle-ci se contente nous dit- elle de « constater des faits », la science n’est porteuse en elle-même d’aucune valeur. Cette affirmation est-elle exacte ? La science objective existe-t-elle réellement ?
Les thèses multiples et parfois farouchement opposées s’expriment sur le sujet : certains contempteurs de la science s’indignent de sa prétendue objectivité. Ils reprochent à celle-ci de nous imposer une épistémé, un savoir imposé contre lequel il serait devenu impossible de se libérer tant ce savoir est arrogant. D’autres au contraire, opposent la science à la croyance. Pour eux, la croyance n’est que subjectivité alors que la science est la marque même du recul, du savoir, de la sagesse. Comment trancher entre ces points de vue et de quel côté nous faut-il nous ranger ?
Cette question est importante car le statut de la science est sacralisé par certains alors que d’autres rejettent son approche. Or notre civilisation repose entièrement sur la science. Celle-ci est devenue une forme de religion qui est au cœur de nos institutions même. Si la science n’est pas objective alors il faut penser que nos institutions ne le sont pas nécessairement. Toutefois l’objectivité est-elle toujours un mal ? De plus, qu’est ce que la science ? Ce sujet nous impose une réflexion sur ces conccepts fondamentaux. Pour traiter de la question, il importe sans doute de revenir sur ce beau mot qu’est celui de « science ».
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Science sans conscience n’est que ruine de l’âme nous disait Pascal dans ses Pensées. Mais faut-il nécessairement opposer la science et la conscience ? Lorsque Pascal s’exprime, il entend le mot science au sens où son époque et où Descartes l’entend. La science est essentiellement la science
physique, celle qui repose sur un savoir d’ordre mathématique. La science est même une discipline représentée par des professionnels qui s’appellent les « scientifiques ». Pourtant le mot science est plus ouvert que nous le pensons : la science c’est l’épistémé en grec, c’est-à-dire le « savoir ».
Le langage populaire ne s’y trompe d’ailleurs pas : on dit d’une personne qu’elle a la science d’une chose lorsqu’elle en posséde le savoir. Dans ce cas, et dans cette acception, la science ne se limite à rien. Au contraire, elle est un savoir qui nous permet de dépasser nos limites sans les transgresser. Celui qui sait ne se limite pas à constater des faits : il sait. Il a la connaissance. Il est capable de dire le vrai dans ce domaine qui est sien. C’est un expert. L’expert n’est pas celui qui se contente de constater. Il est celui qui sait déterminer le fait qui est important et celui qui ne l’est pas. Le bon médecin sait quel est le symptôme qui importe. Il connait le remède qui permettra de mettre un terme ou au moins de soulager cette maladie. Il sait également ce qu’il faut dire au patient. Il sait ce qu’il faut dire aux infirmiers et quel médicament s’impose.
Pourtant que dire lorsqu’il calque sur des faits, des valeurs qui sont siennes, que dire lorsque persuadé qu’une personne est malade, il finit par le rendre malade, dans ce cas, le grand connaisseur qu’il est est-il vraiment un scientifique ? Peut-on dire que l’on sait lorsque l’on pose et impose des préjugés aux faits sans accepter de les voir dans leur réalité même ?
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Nul ne peut se prétendre savant lorsqu’il est gouverné par les préjugés. Le préjugé c’est une croyance fausse. Celui qui se prétend juge, ne peut dire qu’il a la science de la justice lorsqu’il impose ses valeurs aux faits, lorsqu’il veut que la réalité ressemble à ce qu’il pense. De même, le politique qui s’aveugle sur la réalité et qui veut à tous prix qu’elle ressemble à ce qu’il pense ne peut se prétendre un « savant » ou un bon politique. Celui qui sait est donc bien celui qui se limite à constater des faits au sens où il ne surimpose pas sur ceux-ci sa propre démence, il sait regarder. Il sait écouter, il sait que dire. C’est la raison pour laquelle, Descartes, dans le Discours de la Méthode, rappelle l’importance du doute premier, fondateur qui doit permettre d’éviter que le préjugé ne l’emporte sur la constatation des faits.
Descartes dans ce texte nous explique comment il a pu trouver ce qu’il voulait trouver. Il entend ici lutter indirectement contre ceux qui ont condamné Galilée en prétextant qu’ils savaient et qui ont refusé de voir le monde tel qu’il était. Descartes ne s’est pas contenté d’écouter ce que ses maîtres lui avaient appris. Il a décidé de voir le monde, d’écouter ceux qui savaient parce qu’ils avaient connaissance de ce qu’ils avaient vécus. Ensuite, ses Méditations Métaphysiques nous rappellent qu’il a pratiqué le doute radical en remettant tout en cause jusqu’à son existence même et celle de l’autre.
Il a fait tout ceci pour montrer le pouvoir de l’illusion et l’effet déformant des préjugés. Nous pouvons tout inventer. Celui qui est savant doit savoir précisément que nous pouvons fantasmer et que nous pouvons imposer nos valeurs à la réalité et ainsi refuser de la voir. Savoir c’est donc bien souvent limiter sa pensée, la brider afin d’éviter qu’elle nous aveugle et qu’elle nous interdise de voir les faits dans leur réalité même.
Seulement dans ce cas, je ne me contente pas de « constater des faits », je vais plus loin, je vais plus haut. En conséquence, en aucune manière la science ne peut être limite.
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La propagande n’est pas l’histoire. La propagande invente le passé alors que l’histoire au sens où les Anciens nous l’ont appris ne dit que la vérité et traque même cette vérité. Les sociologues nous ont montré que l’objectivité absolue était chose rare. Certaines de nos valeurs imprègnent nos jugement cependant il ne faut pas pour autant soutenir que la science n’est pas l’objectivité et qu’elle est toujours subjective. Etre dans la science c’est tendre vers une certaine objectivité. Toutefois ce n’est pas non plus se limiter à constater des faits c’est faire plus que cela. Qu’est ce que ce plus ? Ce n’est pas préjuger, nous rappelle Descartes comme nous l’avons vu et ce n’est pas non plus refuser de voir les faits tels qu’ils sont. En cela, cette objectivité est rare mais elle ne dit pas ce qu’est l’acte scientifique.
L’acte scientifique est l’acte et il est en acte. Il est celui de l’homme qui sait ce qui est bien et qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour le faire. La véritable science, comme Aristote nous le rappelle dans l’Ethique à Nicomaque n’est autre que la sagesse, qui est « sophia ». Cette sagesse est toujours en acte, elle n’est pas virtuelle.
Le vrai savant n’est pas celui cherche nous dit Aristote c’est celui qui a déjà trouvé, c’est celui qui sait. Il ne se limite pas à constater. Au contraire, il regarde et regarde même les limites. Il sait quand il faut les dépasser et quand il faut les ignorer. En revanche, il sait aussi qu’il ne faut pas les transgresser mais il ne désespère jamais d’elles car il sait qu’en chacune, il est des ouvertures, il est paliers qui permettent de ne pas se laisser enfermer, de se laisser cloisonner. La véritable science est donc celle qui ne se laisser pas enfermer par les limites mais qui sait quand elles s’imposent et quand elles doivent être ignorées. Il ne se limite donc que si cela en vaut la peine.
En conclusion, entre ceux qui soutiennent que la science est toujours subjective et ceux qui soutiennent qu’elle peut être objective il y a peut-être place pour ceux qui avant de répondre à cette question se demandent ce qu’est la science. La science c’est le savoir et le premier des savoirs est celui qui sait regarder les limites, qui les connait et qui sait quand il importe de les dépasser sans jamais les transgresser. L’ignorant est à son opposé. Il croit qu’il peut ignorer les limites à tout moment ou alors il pense qu’il faut se limiter à constater. Il tient la position du dogmatique. Il n’a pas le savoir de cette intelligence dont Bergson disait à juste titre qu’elle est adaptation au réel. La véritable science est donc celle qui , plus que s’adapter au réel, le connait tout simplement.