Dans la vie faut savoir s'accomplir seul sans chercher la bénédiction dans le regard des autres parents y compris.
C'est ce vers quoi il faut tendre certes. Mais ceci dit quand des parents ont été profondément dysfonctionnant avec leurs enfants, l'un des symptomes de ces carences éducatives va précisément être de chercher l'approbation chez les autres et surtout chez ses parents, en espérant créer un lien de qualité. C'est profondément humain.
Et plus généralement, même chez des personnes dont les parents ont été suffisamment bons, le regard que les parents portent sur nous, d'autant plus quand nous devenons parents (transmission), est hyper important.
Perso autant je peux m'en foutre de l'opinion de Pierre Paul ou Jacques (à nuancer quand même), autant l'avis de mes parents m'importe. D'abord parce que j'estime leurs avis, ensuite parce qu'à 39 ans je reste leur enfant avec un besoin de reconnaissance tjs présent.
Je comprends totalement Lucie dans sa quête du regard de sa mère, même si c'est destructeur pour elle. Couper le contact pour le moment n'est pas une option et je le comprends. Elle le fera sans doute quand elle s'en sentira prête et peut être jamais. C'est tellement difficile cette décision.
Perso mes parents ont été à la fois géniaux, me et nous donnant accès à tellement de possibilités, qu'elles soient intellectuelles et matérielles. Je ne peux pas me plaindre à cet égard. Et mille fois mercis à eux.
Mais une fois qu'on a dit ça, ma mère a été une mère très compliquée, très invalidante pour moi et ma soeur, à tous égards, avec des propos d'une dureté peu commune. Je n'étais jamais assez jolie, jamais assez cultivée, jamais assez intelligente, jamais assez travailleuse, jamais assez mince, je n'avais jamais d'assez bonnes notes... etc.
Sur la question du physique, elle a été vraiment horrible. J'ai des souvenirs d'une brutalité inouïe quant à ses opinions sur mon physique, et ce très très tôt. Elle a pu me dire très ouvertement alors que j'avais moins de 8 ans et qu'elle me donnait une douche, que j'étais vraiment énorme et qu'elle en avait honte vis à vis des autres. Je revois des photos de moi de l'époque, je pense qu'on pouvait dire que j'étais rondouillette mais rien de plus, et encore à nuancer. Toute ma vie elle m'a poussé à maigrir, mincir, et toute sa vie elle a essayé de maigrir même quand elle faisait un peu 40. Elle a maltraité son corps, en passant par tous les régimes à la mode et même le médiator au début des années 80. Elle n'a donc fait que reporter sur moi ses propres angoisses. Ca n'excuse rien mais ça explique.
Je n'ai donc pas aujourd'hui une relation apaisée à mon physique alors que je fais un petit 42. Je me vois comme un énorme boudin moche 80% du temps. Et quand je revois des photos de moi à 25 ans, où je me détestais de ouf en pensant que j'étais énorme, bah je suis affligée parce que j'étais ravissante et mince.
Je n'ai jamais eu un rapport apaisé à mon corps et je le lui dois. Je rêve de ne pas transmettre ça à Jeanne. Je suis à la fois dans l'angoisse qu'elle ait des pb de poids et dans l'angoisse qu'elle ait un rapport dysfontionnant à son corps. Le truc un peu hystérique quoi. Et je n'ai pas encore trouvé de solution à ces angoisses et je ne sais pas du tout comment élever ma fille pour qu'elle s'aime.
Je fais très attention à ne jamais parler mal de mon corps devant elle. Je fais attention à ne jamais parler du fait que je fais attention à ce que je mange pour maigrir (oui parce que je suis 70% du temps au régime évidemment).
Ma mère était aussi d'une incohérence folle et hyper colérique. Elle pouvait partir en sucette au claquement de doigts, de manière inanticipable, et elle hurlait comme une psychopathe sur tout le monde, pendant des heures, en déversant son fiel avec des propos tous plus disqualifiant les uns que les autres.
Elle n'a jamais su reprendre des erreurs ou des bêtises de manière adaptée et nuancée. Ca partait forcément en couille et ça débordait forcément. On était tous tétanisé, on avait une peur bleue d'elle, quand elle rentrait le soir on était sur le qui vive, en hypervigilance. Quelle énergie ça nous demandait! Quelle énergie gâchée d'ailleurs.
Mais évidemment tout ça s'explique par son histoire de vie, pas simple. Ses relations à sa mère étaient vraiment pas cool, elle a perdu son père alors qu'elle n'était qu'adolescente. Elle a fait comme elle a pu avec une impossibilité d'interroger ses postures à notre égard, d'interroger sa violence. Elle a vécu sa vie en mode marche ou crève, zéro remise en question, juste une colère sourde et une insécurité de ouf qui l'ont conduit à faire comme elle a pu.
Le confort matériel et socio culturel que j'ai pu recevoir, fondamentalement je le lui dois ainsi qu'à mon père. Mais l'envers du décors n'a pas été chouettos. Et ça fait de moi un être humain fondamentalement insécurisé, mal dans ses pompes, à la recherche constante de l'approbation des autres.
Mais ça fait aussi de moi quelqu'un de sociable, de chaleureux, de généreux parce que ma mère est tout cela aussi. Si je suis cultivé, si j'ai pu faire des études, si j'ai pu voyager beaucoup, je leur dois tout cela aussi.
Ceci dit, désormais c'est une grand mère hyper généreuse avec ma fille, elle adore sa petite fille qu'elle investit beaucoup (et sans doute trop). Et c'est une maman toujours aussi généreuse, elle n'est plus colérique (elle a vieilli et nous sommes des adultes désormais), elle nous aime et elle a fait ce qu'elle a pu.