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Une petite histoire de chevaux.
Posté le 25/07/2014 à 13h35
Merci !
Bon, d'accord, la fin est peut-être évidente pour certains... Même si je pense que les chapitres que j'ai déjà publiés ici et ceux que je vais publier aujourd'hui ne suffisent pas à deviner la fin (parce qu'en le lisant, on risquerait de se croire dans hearthland, mais cette communion entre Hortense et Idole sera très provisoire, et fragile....)
voici donc le chapitre 4, dont je ne suis pas convaincue et que je vais sans doute modifier.
-Chapitre IV-
Depuis la visite du vétérinaire, qui lui avait annoncé qu'Heathcliff ne pourrait pas participer aux championnats d'Europe, Hortense était effondré, déprimée. Elle passait tout son temps libre à prendre soin de son cheval blessé, qui s'ennuyait déjà après seulement deux semaines de repos forcé. Elle lui parlait longuement, lui donnait des friandises. L'alezan appréciait beaucoup sa compagnie, et il attendait chaque jour la visite de sa propriétaire avec impatience. Hortense n'avait plus aucune motivation et ne montait quasiment plus à cheval, un comble pour cette passionnée qui, d'habitude, pouvait travailler jusqu'à cinq chevaux par jour ! Son père lui avait proposé de monter d'autres chevaux, mais la jeune fille préférait s'isoler, ravalant l'amère déception qui lui tordait l'estomac. Adélie, elle, venait presque tous les jours à La Désirade, mais la façon d'Hortense de se replier sur elle-même quand rien n'allait l'énervait au plus haut point.
Finalement, Hélène avait été contrainte de raconter à Sébastien la façon dont elle s'était retrouvé avec Idole sur les bras. Le père d'Hortense ne s'était pas offusqué et avait décrété que le cheval ne le dérangeait pas tant qu'Hélène payait une pension pour lui. Cependant, il avait refusé qu'elle l'installe dans l'écurie principale, pour ne pas qu'il effraie ou morde les clients.
Un mercredi après-midi, alors que, désœuvrée, Hortense comptait les grains de beauté de son bras droit, assise sur une botte de paille, Hélène s'était approchée d'elle. La monitrice ne l'agaçait même plus.
''-Euh... Hortense ? Commença la jeune femme.''
Comme tout le monde au centre-équestre, Hélène savait qu'en ce moment, l'adolescente était à prendre avec des pincettes.
''-Oui ? Dit Hortense sans quitter son bras droit des yeux.
-Tu peux m'aider à lâcher Idole ? Je préférerai qu'il utilise son énergie à galoper plutôt qu'à tourner en rond dans son boxe.
-Quoi ? Mais t'es folle ! Jamais de la vie, j'ai pas envie de me faire bousiller...''
Depuis l'arrivée de l'équidé, Jules, le palefrenier, n'avait même pas pu nettoyer son boxe. Les tentatives d'Hélène pour l'approcher s'étaient soldées par des échecs. L'animal était complètement fou. Il ne cessait jamais ses tics, ça en devenait totalement insupportable.
''-Si Idole ne peut pas lâcher son jus, c'est l'écurie qu'il va bousiller. On ne peut pas continuer comme ça, il va devenir cinglé.
-Il l'est déjà, grommela Hortense.''
Cette fois, Hélène commença à s'énerver à cause du manque de volonté d'Hortense.
''-Mais remue toi un peu, bon sang ! Cria t-elle. Tu ne vas pas passer ta vie à te tourmenter parce que tu ne peux pas faire les championnats ! Un cheval qui se blesse, ça arrive. Et tu devrais t'estimer heureuse qu'il ne se soit pas cassé les sésamoïdes !
-Bon, eh bien, fit Hortense, vexée et piquée au vif, si ça t'amuse, je vais t'aider à lâcher ce... ce truc immonde et dangereux. Va chercher un licol.
-De un, dit Hélène, il ne me laissera pas le lui mettre. Et de deux, il m'embarquerait.
-Alors, comment veux-tu le bouger ?
-J'y ait déjà réfléchi avec Jules. Et je pense avoir une idée. Je reviens.''
Hélène s'éloigna. Pendant ses quelques minutes d'absences, Hortense réfléchit à un moyen de sortir l'étalon sans risquer de se faire piétiner... A par l'attraper avec un lasso... C'était une idée un peu saugrenue ! Hortense fut très surprise en voyant Jules et Hélène revenir vers elle... chacun chargé d'une énorme brouette remplie de chandeliers d'obstacle et de cordes...
''-Qu'est-ce que c'est que tout ça ? Demanda Hortense.
-C'est très simple, dit Hélène. On dispose des chandeliers de part et d'autres du chemin que l'on veut faire emprunter à Idole depuis son boxe jusqu'au manège, et on les relie entre eux avec de la corde. Ensuite, on lâche la bête. Avec un peu de chance, il galopera jusqu'au manège.
-C'est une idée brillante, dit Hortense.''
Installer le parcours qu'emprunterait Idole leur prit au moins trois quart d'heure à eux trois. Il fallait veiller à ce que le cheval ne puisse pas sortir du chemin, sinon les conséquences pourraient être terribles... Hortense s'imagina un instant l'étalon gris, s'échapper et, ivre de liberté mêlée de terreur, s'engager sur une route et provoquer un accident. Ils avaient presque fini l'installation quand Sébastien et Uta revinrent d'une balade en forêt, juchés sur Volcanic Mambo et Stendhal.
''-Alors Hortense ? Dit Sébastien. Enfin sortie de ta torpeur ?''
Hortense ne répondit pas à la plaisanterie de son père. Elle se rendit aussi compte que pendant la demie-heure passée à installer le chemin pour Idole, elle n'avait absolument pas pensé au membre blessé d'Heathcliff et à l'annulation des championnats d'Europe.
''-Arrête, Seb, dit Uta en riant. Qu'est-ce que vous faites, tous les trois ?
-On voudrait lâcher Idole, dit Hélène. Vous savez, l'affreux réformé des courses que mon frère m'a refilé. Il est impossible à manipuler et Jules a eu l'idée de créer un chemin pour le conduire au manège pour qu'il puisse se défouler un peu. Il est resté si longtemps en boxe qu'il devient fou. Il est sans cesse agité de tics.
-Oui, Sébastien m'en a parlé, dit Uta. C'est une bonne idée, qu'en penses-tu ? Demanda t-elle en se tournant vers son mari.
-Hum ? Oui, très bonne idée, dit Sébastien, l'esprit préoccupé. Quand vous aurez fini, tu pourras venir me voir, dans mon bureau, Hortense ?''
La jeune fille acquiesça, se demandant ce que son père pouvait bien avoir à lui raconter. Ses parents s'éloignèrent vers l'écurie principale, pour y rentrer leurs chevaux. Hélène, Jules et Hortense vérifièrent les derniers nœuds et se rendirent à l'écurie des chevaux de club. Le chemin de corde se poursuivait jusque devant le boxe d'Idole. Les cavaliers restèrent sur le côté du chemin et Jules, tendant le bras, parvint à ouvrir la porte du boxe de l'étalon sans se mettre en travers de sa route.
A leur grand étonnement, l'animal ne partit pas au quart de tour sur le chemin. Idole arrêta soudain ses tics, s'avança vers le pas de la porte sans prêter attention aux humains qui l'observaient. La curiosité semblait prendre le pas sur l'agressivité. Cependant, le gris restait méfiant. Les oreilles couchées en arrière, il baissa prudemment la tête pour renifler le sol qui s'ouvrait à lui. Il hésitait. Les cavaliers l'observaient, silencieux, guettant le moindre signe d’agressivité chez le cheval.
Subitement, l'étalon releva la tête et partit dans un galop effréné. Plus aucun doute, ce cheval n'avait pas été monté depuis son arrêt des courses. Dans le tournant qui précédait la porte de l'écurie, Idole glissa et s'étala par terre. Hélène poussa un cri, mais sans attendre, le cheval se releva et poursuivit sa course à travers le chemin. Les humains le suivirent en courant dehors, observant sa folle progression. Il était déjà à mi-chemin de la porte du manège, qui n'attendait que lui.
Dehors, Sébastien, Uta, et quelques propriétaires qui passaient par là s'étaient arrêtés pour observer le spectacle. Finalement, après moins d'une minute de course, le borgne s'engouffra dans le manège, sans réfléchir. Hortense et Hélène, suivies par les autres cavaliers du centre, le laissèrent un instant sans surveillance pour monter dans les tribunes du manège, afin de l'observer avec plus de sécurité. Jules, lui, se dépêcha de refermer la porte du manège derrière Idole, avant de les rejoindre.
Le gris, surpris de se retrouver dans un lieu aussi vaste que le manège, s'arrêta un instant. Il regarda autour de lui, impressionné. On entendit une branche craquer au dehors, et Idole partit au triple galop. En l'observant, Hortense se dit qu'il devait plutôt avoir l'habitude des champs de course que des manèges, car il ne galopait jamais sur la piste. La brune avait aussi l'impression que l'étalon ne connaissait pas le trot...
''-Je n'aimerai pas être dessus, dit Uta alors que l'étalon venait d'enchaîner plusieurs ruades.''
Peu à peu, la tribune se vida. Les cavaliers retournèrent à leurs occupations habituelles, y compris Uta et Sébastien. Les parents d'Hortense avait toujours beaucoup de chevaux à monter, et donc, pas de temps à perdre. Jules, Hélène et Hortense restèrent encore une demie-heure à contempler Idole. Depuis tout se temps, l'étalon n'avait pas cessé sa course folle. Son œil borgne n'était pas un avantage dans cet environnement inconnu pour lui... A un moment, alors qu'Idole galopait à toute allure sur le petit côté du manège rectangulaire, l'animal ne vit pas la fin du côté, car son orbite vide était contre le mur. Il rentra dedans et tomba. En se relevant, il donna un coup de pied rageur dans la paroi, décrochant au passage une planche du parre-botte.
''-Super, je vais devoir réparer, grommela Hélène. Je ne vais pas pouvoir le garder. On ne peut rien en faire. Je ne peux pas non plus le vendre. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir en faire ?
-Parfois, commença Hortense, des propriétaires dépassés confient leurs chevaux à papa pour qu'il les ré-éduque. Souvent, ça marche. Mais il n'a jamais eu de chevaux réformés des courses. La plupart du temps, ce sont des chevaux de CSO avec de bonnes origines, dont les propriétaires ne peuvent pas se permettre de vendre au prix d'un cheval lambda.
-Je ne sais pas s'il serait d'accord pour travailler avec Idole, dit Hélène. Il n'a rien à voir avec les chevaux qu'il travaille d'habitude. De toutes façons, je ne pourrai pas garder Idole. J'ai déjà Minerve et je n'ai pas les moyens d'entretenir deux chevaux.''
Minerve était la jument d'Hélène. Parfois, elle et sa monture partaient plusieurs jours d'affilé en randonné dans la forêt, dormant à la belle étoile.
''-Je le trouve beau, quand même, ce cheval, dit Jules d'un ton rêveur.
-Tu rigoles ? Demanda Hortense. Il est immonde.
-Il est maigre, a le poil tout râpé, mais ça, ce n'est que du mauvais traitement. S'il reprenait du poil de la bête, je pense qu'il pourrait devenir un joli cheval.
Hortense observa Idole. L'étalon avait une jolie couleur. Les pomellures sur sa robe gris bleuté ressemblaient à des petites étoiles. Son corps était assez harmonieux, son galop élégant... Mais il gardera toujours cette infâme orbite vide, et cette cicatrice sur la figure, pensa Hortense. Peu à peu, Idole sembla se calmer. Après presque une demie-heure de course, il fatiguait.
''-Je pense qu'il est temps de le rentrer dans son boxe, dit Jules, ce que les autres filles approuvèrent.''
Tous ensemble, ils sortirent, et depuis l'extérieur, ouvrirent la porte du manège, qui donnait toujours sur le chemin de corde que le cheval devrait emprunter pour rentrer à l'écurie. Mais, à leur grande surprise, Idole ne sortit pas. Il s'approcha bien de l'ouverture, mais ne l'emprunta pas. Il était intelligent, et savait que ce chemin le conduirait vers son boxe étriqué et sombre au fond de l'écurie des chevaux de club. Hélène essaya de l'attirer dehors en disposant des carottes sur le chemin, mais l'étalon n'était pas dupe. A un moment, il esquissa quelques pas à l'extérieur, mais se ravisa vite et fit demi tour avant que quelqu'un ait pu refermer la porte du manège derrière lui.
Hortense, Jules et Hélène restèrent là une dizaine de minutes, à attendre que l'animal daigne sortir. Mais ce dernier ne semblait pas le désirer. D'ailleurs, il était retourné au fond du manège. A cours d'idée, Hortense alla finalement chercher un licol.
''-Tu ne vas quand même pas essayer d'aller le chercher avec ça ? Demanda Jules. Il a déjà été agressif quand tu avais pénétré dans son boxe, la dernière fois.''
Mais Hortense, au comble de l'imprudence, ne l'écouta pas et passa sous la corde du chemin, et entra dans le manège, à la rencontre d'Idole.
''-Hortense, Reviens !'' Cria Hélène, paniquée.
Si la fille du directeur du centre où elle travaillait se faisait renverser par Idole, elle serait renvoyée sans délai.
Hortense, qui avait déjà vu son père travailler des chevaux très énervé, se plaça à une dizaine de mètre d'Idole. Le gris, intrigué par la nouvelle arrivante, se tourna face à elle et pointa les oreilles en avant. Hélène avait eu raison : en se débarrassant du trop plein d'énergie qui pesait sur lui, l'étalon était devenu plus à l'écoute, moins agressif. En quelque sorte, il était redescendu sur terre. Cependant, il n'en demeurait pas moins une bête dangereuse, 500 kilos de muscles prêt à fondre sur Hortense au moindre geste brusque.
Soudain, la brune se rendit compte de ce qu'elle était en train de faire. Elle tentait d'approcher le cheval le plus imprévisible qu'elle n'ait jamais vu, de lui passer un licol et de le ramener sagement dans son boxe. La tâche paraissait presque impossible. De plus, l'adolescente n'avait aucun connaissance en éthologie, ni même en comportement équin. Elle essayait juste de s'inspirait de ce que faisait son père. Mais il était trop tard pour fuir. Sans un mot, ses camarades l'observaient depuis l'entrée du manège.
''-Salut Idole, dit Hortense d'une voix douce en faisant un pas vers l'animal. Tu t'es bien défoulé ? Maintenant, il va falloir rentrer à l'écurie, hein ?''
Inquiet, l'étalon coucha les oreilles en arrière. Mais il resta attentif et à l'écoute d'Hortense. A cet instant, plus rien n'existait pour l'un, que l'autre. Ils étaient seuls tous les deux, se fixant en silence. Hortense s'avança à nouveaux vers l'animal. Étrangement, Idole la laissa approcher. Elle continua de marcher, tout en lui parlant doucement. Finalement, elle arriva à moins d'un mère de lui. Idole, à son tour, fit un pas vers elle. Hortense tendit une main pour lui caresser l'encolure. Alors qu'elle avait à peine levé le bras pour l'atteindre, l'étalon recula subitement. Il se cabra et retomba sur ses antérieurs dans un bruit sourd.
''-Hortense ! Cria Hélène. Fais attention !''
Hortense attendit. Soudain, l'étalon fit un nouveau pas dans sa direction. La brune avança à son tour vers lui, et il se retrouvèrent à nouveau face à face. Elle tenta à nouveau de le toucher, cette fois en ayant un geste plus doux. Elle leva très doucement la main. L'étalon frémit lorsqu'il sentit la paume d'Hortense contre son encolure. Elle était ruisselante de sueur.
''-C'est bien, mon beau, dit Hortense.''
Elle continua de caresser l'étalon, qui ne broncha pas. Puis elle se retourna et fit quelques pas vers la sortie, guettant une réaction de l'animal. Elle s'arrêta au bout de deux mètres, et attendit. Elle n'avait plus peur, à présent, ressentant surtout une grande excitation. Soudain, elle sentit dans son cou le souffle chaud d'Idole. Le gris l'avait suivie. L'adolescente se retourna lentement et caressa à nouveau l'étalon. Tout doucement, elle sortit de sa poche un morceau de sucre qu'elle lui tendit. L'animal le sait du bout des dents. Elle tenta ensuite de lui passer le licol mais, comme elle s'y attendait, Idole recula violemment. Le charme était brisé. Elle dut recommencer toute son approche. Caresse, sucre. Finalement, elle comprit qu'il serait impossible de passer le licol à Idole aujourd'hui. Elle décrocha la longe du licol et posa se dernier sur le sol. Elle avança à pas feutré pour se placer à la hauteur des épaules de l'étalon, du côté où il voyait, tout en continuant de lui parler et de le caresser. Délicatement, elle passa la longe autour de son encolure et la noua, lui fabriquant ainsi une espèce de collier. Idole ne s'était aperçu de rien.
''-Allez, lui dit-elle, suis-moi maintenant.''
Tout doucement, elle tira un peu sur la longe en faisant un pas en avant. Le cheval la suivit. Elle parvint à atteindre l'entrée du manège. Hortense en sortit et se plaça sur le seuil du manège, devant l'animal qui lui était resté à l'intérieur et qui l'observait d'un air inquiet. Hortense lui tendit un nouveau morceau de sucre en reculant d'un pas. Pour l'attraper, Idole serait obliger de faire un pas en avant. Et, à la surprise d'Hélène et de Jules, le gris posa un sabot dehors, puis un autre, puis un autre. Alors qu'Hortense le récompensait, Jules passa derrière l'étalon et referma la porte à toute vitesse. Hortense, elle aussi, se jeta sous la corde et rejoint ses amis.
''-Bravo, lui dit Jules.
-Tu es folle ! J'ai cru que tu allais y rester, lui avoua Hélène.''
Coincé sur le chemin, Idole n'eut d'autre choix que de regagner l'écurie, au pas cette fois. Il était épuisé mais un peu moins entouré par ce qui l'entourait. Hortense l'observait d'un autre œil, à présent.
Sur le chemin de l'écurie, Le groupe rencontra Sébastien.
''-Ah ! Dit-il. Tu es là, Hortense ! Je me demandais où tu étais. Tu veux bien venir avec moi, s'il-te plaît ?
-Mais je dois encore aider Jules et Hélène à rentrer Idole, et à ranger les chandeliers et les cordes.
-Vas-y, lui dit gentiment Hélène. On se débrouillera avec Jules. Vous savez, ajouta t-elle en se tournant vers Sébastien, Hortense a été géniale ! Idole ne voulait plus sortir du manège, et elle a réussi à l'approcher. C'était très impressionnant !
-Ah bon ? Fit Sébastien, sceptique. Comment s'y est-t-elle prise ?
-Je me suis approchée de lui tout doucement, et je lui ai parlé. Au bout d'un moment, il m'a suivie, raconta Hortense, fière d'être complimentée devant son père.
-J'aurai bien aimé voir ça, dit Sébastien. Bon, tu viens ? Je pense que tu seras contente.''
A contre cœur, Hortense quitta Hélène, Jules et Idole, se demandant bien ce que son père pouvait bien avoir à lui raconter. Il ne l'emmena pas à son bureau, mais à l'écurie principale.
''-Voilà, dit-il en s'accoudant à un boxe. J'ai pensé que le temps de la guérison d'Heathcliff, il faudrait te trouver un nouveau cheval de concours. Et j'ai pensé à te faire monter Briton.
-Quoi ? S'exclama Hortense. Briton ? Mais c'est un de tes chevaux préférés !''
Briton était un grand cheval bai brûlé avec lequel son père avait remporté de nombreuses compétitions. Il était issu d'une excellente lignée de chevaux, et avait déjà participé aux Championnats du Monde.
''-Oui, dit Sébastien, mais je pense qu'à présent, tu as le niveau pour le monter. Et puis... Tu ne resteras pas en épreuves junior toute ta vie, et tu devras forcément changer de monture un jour ou l'autre.''
Hortense hocha la tête. Son père avait raison. Bien que ce fut un grand honneur, monter Briton était aussi un défi. L'étalon avait de la force, et il fallait beaucoup de maîtrise pour le monter. La jeune fille voyait à peu près comment il fonctionnait, car elle avait déjà vu son père le monter de nombreuses fois, aussi bien en concours qu'à la maison. Mais le discours de son père signifiait aussi que Hortense grandissait, que son niveau changeait et qu'Heathcliff finirait par ne plus pouvoir l'accompagner sur tous les concours, une fois qu'elle serait sortie du circuit junior.
''-Et puis, reprit son père, tu ne dois pas te laisser aller à cause de la blessure d'Heathcliff. Il s'en remettra, ne t'inquiète pas. Tu t'occupes très bien de lui. Je sais que tu es déçue de ne pas pouvoir faire les championnats d'Europe avec lui, mais peut-être que si tu t'entend avec Briton, tu pourrais tenter le coup avec, qu'en penses-tu ?''
La proposition de son père n'enchantait guère Hortense. Heathcliff était son cheval de concours depuis un bon moment, c'était elle qui l'avait amené au niveau auquel il était aujourd'hui et les championnats auraient été une sorte d'accomplissement pour elle et sa monture.
''-Je ne sais pas, répondit l'adolescente... J'aurai un peu l'impression de trahir Heathcliff en montant un autre cheval en concours, alors que lui est cloîtré dans son boxe.
-Tu crois qu'Heathcliff préfère te voir triste ? Lui dit son père doucement. Écoute ma chérie, je ne te forcerai pas pour les championnats si tu ne veux pas y aller avec Briton, mais j'aimerai au moins que tu l'essaie, s'il-te plaît. Je suis sûre qu'il te plaira.
-D'accord... Quand ?
-Pas plus tard que tout de suite, lui dit son père avec un sourire. Je t'attend dans dix minutes dans le manège.''
Dans un état second, Hortense alla chercher les affaires de Briton et se rendit dans son boxe pour le préparer. Malgré ses états d'âme, elle se réjouissait de monter un aussi bon cheval. Son père devait vraiment lui faire confiance, pour la laisser le monter ! Le bai était très gentil, il se laissa harnacher gentiment et suivi docilement sa nouvelle cavalière jusqu'au manège. Dans la coure du centre-équestre, Hortense vit Jules et Hélène qui s'affairait à ranger le matériel qui avait servi à faire le chemin d'Idole dans les grandes brouettes.
''-Ça va ? Leur demanda t-elle.
-Oui, dit Hélène. On a presque fini... Mais... Tu montes Briton ? La chance !
-Oui, papa dit qu'il faut que je me trouve d'autres chevaux à monter pendant la convalescence d'Heathcliff.
-Il a bien raison ! Dit la monitrice avec un grand sourire. Bonne séance !
-Merci !''
Finalement, Hortense trouvait Hélène plutôt agréable. Elle s'éloigna, mais la monitrice la rappela.
''-Eh ! Hortense ! Tu pourras dire à ton père que je réparerai la planche du manège qu'a cassé Idole ? Histoire qu'il ne se fâche pas...
-Pas de souci...''
Les deux filles éclatèrent de rire, puis Hortense, suivie de Briton, pénétra dans le manège, où son père l'attendait pour cette séance d'essai.
Quand elle entra dans le manège, le père d'Hortense était accroupi près de la planche cassée.
''-C'est Idole qui a fait ça, expliqua tout de suite Hortense. Hélène a dit qu'elle réparerait dès qu'elle aurait un moment.
-Oui, dit son père, pensif. Dis donc, il a de la force, ce cheval. Elles sont solides, mes planches, et je n'avais jamais vu un cheval arriver à bout de l'une d'entre elles. Comment s'y est-il pris ?
-Son œil borgne était côté mur, lui apprit Hortense. il n'a pas vu arriver le coin et il a foncé dedans. En se relevant, il a donné un coup de pied.
-Ah... Et, au fait, qu'est-ce qui t'a pris d'aller le chercher seule ? Tu aurais pu y passer !
-J'ai approché tout doucement. A la fin, il s'est laissé faire. Il avait juste besoin de se défouler.''
Hortense était étonnée que son père lui pose tant de questions sur Idole. Finalement, elle se hissa sur le dos de Briton – elle n'avait jamais monté d'aussi grand cheval -, et se mit au pas sur la piste. L'allure du bai était souple, régulière mais énergique. Après dix minutes de pas, Hortense demanda à l'étalon de prendre le trot, ce qu'il fit avec joie. La brune enchaîna les figures du manège pour mettre Briton sur la main, mais la tâche n'était pas si aisée.
''-Fermes tes doigts et avances, lui conseilla son père. Et dès qu'il cède, avances tes mains.''
Il fallut un certain temps à Hortense pour comprendre le fonctionnement du cheval. Il était très différent d'Heathcliff. Au galop, Briton s'avéra être très confortable. Sébastien installa un petit croisillon suivi d'un vertical, que sa fille devrait franchir en deux sauts rapprochés. L'exercice était facile, et Briton s'envola au-dessus des barres comme ci de rien n'était. Sébastien fit enchaîner à sa fille des sauts de plus en plus haut, jusqu'à un mètre quinze. Hortense réussissait les exercices, mais elle ne se sentait pas vraiment à sa place sur Briton. L'étalon n'était pas son type de cheval. En effet, il était lourd, plein de force, alors que la brune préférait les chevaux plus fins et légers.
''-Alors, qu'en penses-tu ? Lui demanda sa père alors qu'elle s'arrêtait après un enchaînement de sauts relativement hauts.
-Je ne sais pas, avoua Hortense. C'est pas trop mon genre.
-Mais tu as super bien sauté ! Lui dit son père sans parvenir à cacher sa déception.
-Oui, mais je crois que je préfère les chevaux plus légers.
-Ah, c'est sûr que Briton est un gros morceau, dit Sébastien. Tu t'y habitueras. Allez, rentre-le à l'écurie.''
Hortense mit pied à terre et ramena Briton dans son boxe. L'animal avait beaucoup transpiré, et la cavalière dut le bouchonner longuement avant que les traces de la selle et de la sangle ne disparaissent complètement. Ensuite, elle prit congé de l'étalon pour aller aider Hélène à réparer la planche du manège et à faire quelques corvées d'écurie. Et quand le soir, elle alla se coucher, épuisée, Hortense se souvint que le lendemain, elle avait un devoir surveillé d'espagnol, et qu'elle avait totalement oublié de réviser. Tant pis.