jujumasquee
Je vais essayer de t’apporter quelques informations éthologiques.
L’agressivité au moment de la distribution du repas est un comportement normal pour un cheval mais il se canalise avec l’éducation.
Pour les chevaux la prise de nourriture s’effectue pendant une quinzaine d’heure par jour approximativement, en créant des moments de « repas », sur le modèle humain, on interfère dans l’organisation naturelle des activités du cheval et cela provoque des troubles du comportements, soit par l’apparition de stéréotypies (tics) soir par l’exacerbation des comportements naturels. Cela entraine aussi chez certains sujets une tendance aux coliques et des ulcères. C’est le cas de l’agressivité exacerbée que tu décris pour ton cheval.
Comme cela a été évoqué par certains intervenants, la présence d’ulcères peut donc expliquer aussi ce comportement. La piste est à creuser sérieusement.
La compétition au niveau alimentaire est régulée lorsque le cheval est intégré dans un groupe social et en connait sa place hiérarchique. Les dominants se servent en premier. Le groupe est stabilise, tout le monde connait l’ordre. Lorsque le cheval ne peut vivre complétement cette organisation sociale, il va chercher à mettre en place cette ordre à chaque fois que la nourriture qu’il convoite arrive et tout au long de son repas. En temps normal, dans un pré par exemple, il mange au fil du temps et cela ne produit pas d’excitation mais juste une satisfaction continue. Il le vit bien. Au box, ou si la nourriture est rare dans le pré et qu’on y apporte un complément, le cheval vit plutôt une frustration latente concernant sa nourriture. La nourriture la plus appétante (s’il est sur paille) est condensée en un temps très court qui fait naître en lui un comportement extrême de compétitivité et d’excitation. Le principe de la distribution est anti-naturel dans le système alimentaire du cheval. C’est un non-sens

mais c'est une pratique tellement courante et difficilement contournable.
Grâce à l’habituation, à la présence de paille dans le box et à l’éducation, la majorité des chevaux s’adaptent et maitrisent leur comportement. Cela n’empêche pas forcément l’apparition de stéréotypies ou des pathologies déjà évoquées.
Maintenant d’un point de vue éducatif. J’ai relevé que tu as dit être capable d’autorité. Ce qui est une bonne qualité. La difficulté dans cette situation c’est de doser avec justesse l’autorité et la bienveillance pour apaiser les tensions. Car l’autorité peut être ressentie comme une déclaration de rivalité pour l’accès à cette nourriture tant convoitée, ce qui pousserait alors ton cheval à augmenter ses menaces jusqu’à l’agression pour s’approprier sa nourriture. Vois-tu ce que je veux dire ?
Il faut donc à la fois imposer un comportement respectueux mais aussi démontrer au cheval que tu ne t’inscrit pas en rival. C’est très clair et évident pour nous mais pour un cheval qui vit une frustration et à des comportements dérivatifs cohérents avec cette frustration, la situation n’est peut-être pas aussi claire et il n’arrive pas se maitriser. C'est la qu'il faut être bienveillant
N’as-tu pas la possibilité de le préparer en dehors de son box au moment de la distribution ?
Il est aussi important de le préparer attaché et sans lui agiter la nourriture sous le nez. Attaché pour le maintenir dans un contexte de travail clair et rester ainsi audible si on le réprimande ou lui demande quelque chose. Pour éviter qu’il tire au renard, il faut utiliser un lien cassant entre la longe et le point d’attache. Mais pour l'éduquer, c'est important de l'attacher dans cette phase.
Dans ton travail éducatif au sol (autrement appelé « équitation éthologique »), il faut renforcer les codes pour obtenir l’immobilité et le reculer.
Il faut que cette préparation au travail pendant qu'il est sensé mangé soit aussi satisfaisante pour lui, puisqu’il ne peut se nourrir, il faut qu’il ait une compensation qui le ramène vers toi et qui l’apaise. Utiliser des friandises, à bon escient mais en utiliser. Les morceaux de carottes, de pommes, sont plus attrayantes que le foin. En donner quelques uns me semblerait intéressant. A donner à des moments clés tout au long du pansage.
Bien sûr, il n’est jamais question de sévir avec brutalité lorsqu’un cheval montre un comportement inapproprié, en revanche, pour moi, il y a des limites qui méritent de se fâcher vraiment. Je punis rarement, je crie très rarement, j’élève peu la voix avec mes chevaux, je leur parle doucement, et gentiment, je les aborde toujours avec douceur, en les prévenant. Par contre, les rares fois où leur comportement représente un vrai risque pour moi, je peux te dire, que je crie tellement fort et sanctionne si promptement que ça les fige. Ils ne sont pas habitués à me voir comme ça. Ça dure 2 secondes, c’est instantané, aussitôt je reprends mon attitude habituelle. Mais c’est sans discussion et je peux te garantir que leurs égarements sont extrêmement rares.
Toutes les menaces de morsure ou coup de pied je les sanctionne, lorsqu’ils montrent leurs fesses avec les bananes en arrières, se lèvent... ect.. Interdit. Nourriture ou pas nourriture. Douleur ou pas douleur. Copain ou pas copains, peur ou jeu. En contrepartie, je m’impose de prendre en compte les situations, leur impatience, leur douleur, leur surplus d’énergie, leur frustration, tout ce qui peut altérer un comportement normal. Il faut s’adapter, revoir ses exigences, modifier ces demandes, son organisation, bref, faire un effort de son côté et être tolérant mais il y a des limites qui sont infranchissables, question de sécurité. C'est donnant donnant. De ton côté tu dois prendre en compte la particularité de la situation et son émotion bien légitime mais de son côté il doit prendre un peu sur lui et faire des efforts.
En résumé, si je peux de conseiller quelques choses :
Vérifies la pistes des ulcères. Vérifies l’équilibre entre autorité et bienveillance, n’oublie jamais de rester bienveillante même si c’est parfois difficile dans des situations comme celle ci. Reste ferme mais aménage la situation pour la rendre gérable pour toi et maitrisable pour ton cheval. Si possible, car c'est important, répare le hors du box et attaché ou dans le box mais aussi attaché, avec sa ration qui attend dehors. Donne lui des friandises judicieusement pour rester au centre de son intérêt tout au long de sa préparation. Dis toi qu’il s’agit d’une éducation à conduire sur plusieurs séances sans relâchement et avec patience pour obtenir un vrai résultat durable.