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Les futures mamans de c.a - TOME 2
Posté le 07/04/2020 à 21h22
C'est parti, attention pavé!
Il est minuit et demi, on vient de finir notre épisode de série dans le lit.
On éteint, on se glisse sous la couette et « Oh ! » je viens de perdre les eaux. On rallume aussitôt, je me lève pour aller aux toilettes, ça coule en continu. Peut être que la poche est juste fissurée ? Vu la quantité que je perd, je me dis que ça ne change pas grand chose.
Je n'ai pas encore de contractions, alors je mets une protection (puis une deuxième!), et on décide de dormir tant que c'est possible, avant le début du travail.
Jérôme somnole, (dort un peu même) moi aussi, mais je suis réveillée régulièrement par des contractions. Ce sont mes douleurs de règles habituelles, je ne suis pas inquiète, je sais que ça, je peux le gérer. Je me dis que la suite sera certainement plus difficile, mais j'essaie de ne pas y penser.
Vers 3h, je réveille Jérôme (enfin je le tire de sa somnolence), c'est parti je sens que ça s'intensifie, j'ai besoin de lui, de bouger, de la baignoire, de tout ce qu'on avait préparé pour le grand jour.
A partir de là, je perd toute notion de temps, toute notion de... tout. Au départ, j'encaisse les contractions avec appréhension pour la suite, je pense à toutes celles qui m'ont dit qu'elles n'auraient pas pu accoucher sans péridurale, je me dis que c'était peut être bien présomptueux de penser que moi, j'en serais capable. Et puis je me force à balayer ces pensées. C'est la présence de Jérôme de A à Z ou la péri, aucun choix possible. Ma maman, ma mamy, certaines amies l'ont fait, c'est possible !
Jérôme revient, il a installé la baignoire, m'a mis de la musique, ma veilleuse renard, disposé mon tapis de yoga près du banc au bout du lit, sur lequel de m'appuie, et des alèses aux endroits stratégiques. Parfois il gère l'eau du bain, parfois il est près de moi, m'appuie sur le bas du dos, m'encourage, m'embrasse. Mais je n'arrive pas à savoir quand, combien de temps...
Il me donne de l'homéopathie toutes les heures environ (peut être un peu plus), je me souviens m'être fait à chaque prise cette réflexion : « Déjà une heure ?! Ça passe vite »
J'ai l'impression que les contractions sont irrégulières, et toutes très différentes en intensité. Jérôme me dira qu'elles étaient régulières et rapprochées, mais qu'il était difficile de savoir le début et la fin car la douleur restait présente entre chaque.
Je le gère les unes après les autres, sans me soucier de la suivante, je ne pense à rien à part à mes phrases rassurantes préparées à l'avance, que je répète en boucle tout bas. « ça ne dure qu'une minute, une toute petite minute, une minute... » Maintenant que j'y pense ça devait être un sacré tableau, moi répétant des phrases 30 fois en boucle en me balançant ! Mais sur le coup ça ne me vient pas à l'idée.
J'alterne les positions, je « sens » comment chaque contraction doit être gérée. Ce qui me soulage pour une empire la douleur pour la suivante. Alors je bouge : je m'appuie sur le banc à genoux, sur le lit debout, je me suspend à la porte de la chambre avec une serviette, je me baigne, je me met en tailleur dans l'eau, je m'accroche à Jérôme, je me mets à genoux accrochée à la baignoire...
De temps en temps en plus des contractions, j'ai des spasmes/coliques. J’enchaîne les aller-retours aux toilettes en priant pour que ça s'arrête avant l'expulsion, pas par pudeur mais parce que je me dis que si je fais dans la baignoire, ça va être compliqué de rester dedans pour accueillir bébé dans des conditions d'hygiène décentes. Heureusement les choses se calment et je ne serais plus embêtée.
Vers 5h15, je demande à Jérôme si on peut appeler les sages-femmes. Il appelle dans une autre pièce, et c'est Sophie qui décroche, je le comprends et je suis contente : c'est la sage-femme que je connais le mieux ! Au téléphone, elle ne m'entend pas crier/gémir, et demande donc à Jérôme si elle doit venir ou attendre un peu. J'entends Jérôme lui dire qu'il va me demander, il s'approche avec le téléphone en haut-parleur et me pose la question. J'essaie d'articuler avec une toute petite voix que j'aimerais qu'elle vienne, que ça me rassurerait. Elle répond qu'elle arrive !
Je sais qu'elle a 40 minutes de route, qu'on la tire du lit au milieu de la nuit, et qu'elle ne sera pas là tout de suite. Pas grave, je sais que j'ai encore le temps. Mais je ne veux pas que bébé naisse sans elle, j'ai besoin de son soutien, de la sécurité qu'elle apporte. J'ai besoin d'elle.
Je reprends un bain, Jérôme est toujours là. C'est difficile, j'ai mal, mais j'accepte. Je suis bien, je me sens en sécurité, sereine, tout se passe bien je le sais. Je sens bébé bouger entre les contractions, elle aussi va bien.
A un moment, Jérôme se lève et regarde derrière le store de la fenêtre, et je me rappelle qu'on attend Sophie. J'ai envie de lui demander si elle arrive bientôt, mais je n'arrive pas à parler. Je lève les yeux vers lui : il écrit un message sur son téléphone. Je me dis que c'est sûrement parce qu'elle arrive ! Quelques instants après, j'entends une voiture, Hibou aboie, Jérôme descend l'escalier : elle est là ! La musique se coupe, normal Jérôme est parti avec son téléphone et le bluetooth n'a qu'une faible portée. J'entends Sophie entrer, Hibou lui faire la fête, et je sourie : je crois qu'elle aime beaucoup les animaux !
Soulagement, mais tous ces éléments me sortent de ma bulle (surtout les aboiements), et les contractions sont bien plus difficiles à gérer !
Il est 6h15.
Bruits de pas dans l'escalier, je ne sais pas qui entre en premier dans la pièce. Je suis toujours dans l'eau, mais je commence à avoir froid. Je sors, je vais aux toilettes. J'ai a peine de temps de faire pipi que les contractions s'enchaînent, pas pratique quand on est assise sur les wc ! Sophie ouvre doucement la porte et s'accroupit près de moi. Ça me fait sourire intérieurement, parce que je gérais toute seule, mais elle ne pouvait pas savoir, et je ne suis pas pudique alors je m'en fiche.
Je me dirige vers la chambre, avec l'idée que comme ça, elle pourra m'examiner et me dire « où on en est », peut être écouter le cœur de bébé. Mais je n'arrive pas à lui demander, ni à m'asseoir ou à m'allonger sur le lit, j'ai trop mal ! Mon bassin est comme gonflé sur l'arrière, j'ai le dos en feu. Jérôme m'appuie sur le bas du dos, ça soulage tellement !
Toujours appuyée sur le lit,je dis à Sophie que j'ai peur, elle me demande de quoi j'ai peur : « J'ai peur qu'elle sorte ! » (oui oui... même moi sur le coup je me suis dis « c'est le principe ma p'tite dame !! »)
Je ne sais plus ce qu'elle m'a répondu, mais ça m'a rassurée: je peux le faire !
Entre deux Jérôme prépare un nouveau bain chaud, et au moment où je veux essayer de demander l'examen à Sophie, il m'annonce que c'est prêt. Entre un bain chaud et un toucher vaginal, le choix est vite fait !!
Les quatre mètres séparant mon lit de la baignoire de fortune dans la salle de bain se font en plusieurs étapes, au rythme des contractions, accrochée à Jérôme. Sophie reste près de nous, et je lui dis que je crois que ça pousse, mais je n'ai pas de certitude, je me dis que j'ai peut être encore envie d'aller aux toilettes ?
Elle me répond que ça veut dire que c'est bientôt la fin, je suis partagée entre la satisfaction que m'apporte sa réponse et la prudence qui me dit qu'elle m'a peut être dit ça pour me rassurer.
Mais une fois dans l'abreuvoir (quoi? Ai-je oublié de mentionner que ma baignoire est en fait l'abreuvoir de mes poneys, désinfecté et installé dans notre salle de bain pour l'occasion ? Non ? Maintenant vous savez, c'est la campagne et le système D ici, je vous rappelle que c'est la pandémie, impossible de louer une piscine d'accouchement spéciale!!) au bout d'un quart d'heure, c'est sûr, ça pousse !!
Je le dis à Sophie, elle me dit de pousser si j'en ai envie, toujours avec sa voix posée et confiante. C'est fou ce que ses paroles font du bien à chaque fois ! Elle est très discrète et en même temps indispensable, comme une clef qui déverrouillerait des portes avant qu'on panique de ne pas savoir les ouvrir.
Alors timidement, avec appréhension, je pousse une fois.
WOW.
Non non non, mais qu'est ce que c'est que ça ? J'ouvre de grands yeux étonnés « C'est trop bizarre !!! » Encore une fois elle me rassure, c'est vrai, c'est normal. Non, tu ne vas pas te déchirer de partout, c'est fait pour.
Deuxième fois : « Mais... on dirait une envie de VOMIR par les fesses !! » On rit « c'est exactement ça, et comme une envie de vomir, il ne faut pas essayer de se retenir ! » me répond Sophie.
Alors je recommence. Une fois, deux fois, trois fois... et c'est le calme. Et ça repart. Entre chaque phase de poussée, je me sens plutôt bien. A chaque poussée, je braille (je n'ai pas d'autre mot) comme jamais je n'ai crié de toute ma vie. Dès la première, j'ai envie de dire à Jérôme que ce n'est pas un cri de douleur, c'est.. comme une force intérieure, ça vient des entrailles, je ne peux pas plus retenir ce cri que la poussée en elle même. Mais je n'arrive pas à trouver mes mots. Je ne peux que me tourner vers lui, je vois qu'il est serein. Je lui expliquerai plus tard !
La tête arrive « ça brûle !!! » Sophie me dit que c'est normal, qu'elle arrive cette petite ! Alors je continue de pousser, doucement, à mon rythme, avec appréhension.
Pendant une accalmie, Jérôme me fait remarquer qu'on entend les oiseaux chanter dehors. « Tu veux que j'ouvre le store pour avoir la lumière naturelle ? » Je ne sais pas trop, peut être, alors il ouvre. La lumière du jour arrive, avec les chants des oiseaux : c'est la fin de cette nuit de lutte, je le sais. Ça me donne le dernier souffle de courage dont j'ai besoin.
La tête est là, Jérôme m'encourage, ça m'aide s'il savait ! Je me dis tant pis, si ça déchire ça déchire, elle arrive, on va enfin la rencontrer !!
La tête sort, « crac » ça me pique à peine, je sens que ce n'est rien. (Effectivement juste une éraillure).
Je pousse encore, tout le corps sort d'un coup d'un seul, comme un boulet de canon dans l'eau !
Je ne réalise pas ! C'était si rapide ! Je regarde au fond de l'abreuvoir, mon bébé !!
Je crois que je le répète en boucle « mon bébé, c'est mon bébé ! » et on l'attrape ensemble pour la poser sur ma poitrine. Elle est magnifique, si petite, avec ses yeux sombres grands ouverts qui me contemplent. Le moment est magique, hors du temps, hors de tout. Je crois que Sophie dit quelque chose mais je n'entends pas, je ne peux pas : je suis fixée sur Norah et Jérôme. On l'a fait !!!
Il est 7h19.
Ce petit être sur mes seins, dans l'eau, les mains de son papa sur nous, au lever du soleil sur fond du chant des oiseaux, dans notre maison rebâtie ensemble... Rien ne pourra jamais surpasser ça.
Quelques minutes plus tard, Sophie me dit que quand je le sens, je peux pousser encore pour expulser le placenta. Mais je n'arrive pas à me concentrer avec Norah dans les bras, je demande que son papa la prenne, alors elle clampe, et il coupe le cordon qui de toute façon ne bat plus.
Il enlève sont tee-shirt pour prendre notre fille en peau à peau, dans une serviette bain. Je pousse avec beaucoup de précautions, cette partie de mon corps est quand même un peu choquée ! Une partie sort, mais ça coince, alors j'attrape ce qui dépasse et je tire doucement en poussant : tout vient dans ma main et je montre à Sophie. C'est bon, il est intact ! Elle le place dans une bassine.
Je sors du bain, elle m'aide à me sécher et à enfiler une protection. Je lui demande de vérifier « l'ampleur des dégâts », il n'y a qu'une éraillure.
Jérôme arrive et me pose Norah dessus, Sophie descend remplir les papiers habituels, et quand elle remonte, elle tète vigoureusement, à une heure de vie !
L'ambiance est joyeuse et détendue, quelle aventure ! Nous profitons du peau à peau, des conseils de Sophie, nous faisons avec elle l'empreinte placentaire, et c'est ainsi que commence notre nouvelle vie !
Bienvenue au monde petite Norah, tu auras été très attendue, et quelle entrée en scène !