La visite d'achat
Posté le 14/02/2020 à 08h14
totox
Posté le 14/02/2020 à 08h14
Bonjour,
Depuis hier circule sur FB ce poste d'un éleveur de chevaux de CSO Belge bien connu.
J'aimerai avoir vos avis a ce sujet, malgré la longueur du document, car la visite d'achat est pour moi, éleveuse amateur, un vrai soucis!
Ma chère Virginie,
Il me semble que tu as fait un coup de sang (nos amis vétérinaires diraient une MYOGLOBINURIE) à propos de la fameuse visite vétérinaire d'achat.
Au lendemain de ta publication, les réactions ont été innombrables, elles allaient toutes dans ton sens et cela me paraît normal.
Au cours de ma longue carrière d'éleveur, cavalier, étalonnier et commerçant, j'ai vu arriver et progresser peu à peu ce qu'on appelle la " visite d'achat ", jusqu'à ce qu'elle est aujourd?hui.
Il y a 40 ans, les acheteurs nous ont demandé soudain des radios des naviculaires car les scientifiques
Avaient découvert l'importance de la netteté de cet os dans la longévité d'un cheval de sport. A cette époque, la visite d'achat comportait 4 clichés !
Quelques années plus tard sont arrivées les radios de jarrets qui nous faisaient découvrir les chips et les éparvins. Nous tremblions de plus en plus à l'annonce de la visite d'achat?.nous ne savions pas encore que nous n'en étions qu'à nos débuts ; en effet, dans les années qui suivirent, on ajouta les boulets, les grassets puis enfin la colonne vertébrale.
A cette époque, nous prenions tous les vétérinaires pour des dieux et nous pensions que leur science était immense ; Ces derniers nous donnaient des explications scientifiques étayées par des termes techniques qui nous éblouissaient. Nous ne comprenions rien à ces termes alambiqués?sans doute les vétérinaires non plus, mais ça leur donnait du vernis.
Cet éblouissement pour la science des vétérinaires a duré une bonne dizaine d'années jusqu'au moment où l'on a vu des chevaux qui avaient été refusés catégoriquement à la visite à 3,4 ou 5 ans et qui devenaient par la suite de grands cracks mondiaux qui glanaient des médailles olympiques, mondiales ou Européennes. On nous répondit que c'étaient de rares exceptions, nous l'acceptâmes.
Mais notre confiance aveugle ne dura que peu de temps puisque depuis 30 ans, on constate que la majorité des grands cracks mondiaux avaient été préalablement foudroyés à la visite vétérinaire lorsqu'ils étaient jeunes.
Ils avaient donc été vendus pour deux francs-six-sous et voilà qu'ils gagnaient des millions !
Parallèlement de nombreux chevaux qui revendiquaient une visite parfaite avaient des problèmes de boiterie toute leur vie et étaient incapable de faire carrière.
Il y a donc visiblement un problème d'efficacité avec cette fameuse visite d'achat telle qu'elle est aujourd'hui.
Je comprends bien qu'il a fallu un jour que des instances supérieures mettent au point un protocole qui permette aux vétérinaires les moins doués de quand même pouvoir réaliser une visite d'achat, mais lorsqu'on lâche dans la nature un vétérinaire peu doué équipé d'un appareil à rayon X , la destruction commence.
Dans cette problématique de la visite d'achat, il faut tenter de ne pas perdre sa sérénité et raison garder car l'équation n'est pas si facile et il serait trop facile d'accuser tous les vétérinaires.
Car nous les aimons, nos vétérinaires ; il nous arrive même de dire MON vétérinaire ; comme on dit ma femme ou mon mari.
Les vétérinaires sont souvent gentils, parfois ils sont mignons, parfois même les deux à la fois.
Mais redevenons sérieux, il faut prendre conscience qu'il y a aujourd'hui un fameux problème ?. Et le dire sans ranc?ur et sans méchanceté.
Dans la profession de vétérinaire, comme dans celle de boulanger, de boucher, ? il y a 5% de cracks et 95% de braves types qui font leur possible.
Lorsque j'étais gamin, j'accompagnais un vétérinaire généraliste de mon village qui jouissait d'une réputation redoutable dans la région. Lors de notre première rencontre, il me dit :
" Savez-vous, jeune homme ce qu'est le plus important dans notre profession ? "
" Non Monsieur "
" Que lorsqu ?on quitte l'animal qu'on est venu soigner, ce dernier ne soit pas plus malade que quand nous sommes arrivés "
J'ai souri à ce que je pensais une boutade et il me répondit sévèrement " Ce n'est pas une plaisanterie, Jeune Homme ! "
Il m'arrive souvent de penser à ce vétérinaire qui s'appelait Henri Raviart lorsque je vois les méfaits de certains vétérinaires
Restons dans l'anecdote : un très grand marchand mondial me disait il y a 40 ans : " Les vétérinaires ne servent à rien, Quand ton cheval n'a rien, ils lui trouvent plein de choses et quand il a vraiment un problème, ils ne trouvent rien ou sont complètement à côté de la plaque "
A l'époque j'étais jeune et je pensais que c'était une boutade.
Mais redevenons sérieux et essayons de cerner la problématique de la visite d'achat.
Le commanditaire est le client qui achète le cheval ; il n'est souvent pas connaisseur (même s'il pense évidemment le contraire) pas sûr de lui et il veut des garanties.
Son premier garant est le vétérinaire en qui il a une totale confiance (Mon Vétérinaire !). Devant les tremblements du client, le vétérinaire commence lui aussi à trembler.
Les appareils à rayon X actuels sont très performants et il y a toujours un détail à trouver.
La conclusion la plus courante de nos jours dans la bouche d'un vétérinaire quand le client lui dit : " C'est grave Docteur ? " est : " Non cela n'a aucune incidence pour le sport mais c'est gênant pour le commerce "
A tous les coups le client se dégonfle.
Cette phrase est la plus imbécile qui puisse exister et je n'arrive pas à comprendre que la plupart des vétérinaires la ressortent tous les jours.
Réfléchissez un peu à l'ineptie de cette phrase :
" Cette petite remarque ne handicapera jamais le cheval dans sa carrière, mais elle est très gênante pour la revente " !
Ma conclusion est que la visite vétérinaire d'achat d'un cheval de sport est un métier de super spécialiste. Ce vétérinaire spécialiste doit être un parfait homme de cheval qui connaît le sport moderne comme sa poche.
Si ce n'est pas le cas, on tombe dans " Martine fait une visite d'achat "
On ne m'enlèvera pas de l'esprit que la seule personne capable d'évaluer sûrement la santé d'un cheval est celle qui le monte ou le manipule tous les jours.
Faire une évaluation de la santé en 1 heure est une fantaisie.
Le protocole de la visite d'achat actuelle ne représente que 20% de la santé d'un cheval.
Les réflexions que nous faisions ici sur la visite d'achat sont également valables dans le domaine de la gynécologie : lorsqu'on lâche dans la nature un(e) incompétent(e) avec un échographe, les dégâts commencent surtout lorsqu'on insémine " en profonde " avec une seule paillette de semence congelée à des prix élevés.
A tous les coups, si la jument n'est pas pleine, la faute incombera à l'étalon qui ne fournit pas de bonne semence.
En conclusion, que l'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit ; la visite d'achat ne doit peut-être pas disparaître mais il est grand temps de la dépoussiérer et il faut cesser de jouer la comédie actuelle.
Il semblerait d'ailleurs que de plus en plus de bons clients commencent à fermer les yeux sur ce qu'on appelle des anomalies radiographiques et achètent quand même cher des chevaux ayant des remarques " acceptables "
C'est une embellie.
Les éleveurs sont des moutons, c'est bien connu ; ils acceptent depuis des décennies des conclusions qui sont en définitive très peu scientifiques.
Si le monde vétérinaire veut conserver cette manne économique qui tombe du ciel sous forme de visites d'achat, il est grand temps qu'il prenne conscience de l'urgence des aménagements de cet examen qui s'imposent impérativement aujourd'hui.
Alors que les plus grands vétérinaires , qui soignent les chevaux de haut niveau nous disent tous les jours que ces détails radiographiques n'ont que peu d'importance et qu'aujourd?hui tout se soigne, les autres nous disent que c'est très grave et qu'une carrière est inenvisageable.
Il est grand temps que tout le monde se mette d'accord et surtout que de nombreux praticiens se mettent à ETUDIER plutôt que répéter ce qu'ils ont lu dans un livre ou sur internet.
Un grand sympodium entre les bons éleveurs, les grands marchands Européens, les facultés vétérinaires, les praticiens et les vétérinaires du Top mondial s'impose aujourd'hui si l'on veut sortir d'une situation malsaine où toutes les corporations sont mal à l'aise.
Daniel Boudrenghien