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Enfant en précocité intellectuelle
Posté le 07/01/2017 à 01h34
Je suis diagnostiqué tardivement, mes parents n'ayant jamais accordé d'importance aux capacités intellectuelles de leurs enfants. Ils sont tous deux entrés tôt dans le travail et, même s'ils ont occupé des postes à responsabilités dans les 20-25 dernières années de leurs carrières, ils ont gardé un esprit très ouvrier. Alors, les trucs de psys, de QI et compagnie, bah c'était bien pour les bobos, pas pour eux/nous. Par ailleurs, je m'ennuyais en classe, je foutais le brun, j'avais de mauvaises notes... alors, sous l'influence certaine d'un instituteur, ils se sont persuadés que j'étais juste bon à aller curer le cul des vaches. Et c'est plus ou moins dans cette voie qu'ils m'ont envoyé...
Finalement, je dois ce que je suis à ma grand-mère maternelle et à mon demi-frère, qui ont toujours été persuadés que j'étais moins con que je n'en avais l'air. Je suis entré dans l'enseignement professionnel comme mes parents l'avaient prévu mais, sous l'impulsion de mon frangin et avec l'aide de Mamie, j'ai réussi à bifurquer vers l'enseignement technologique, puis vers des études que d'autant qualifieront de "plus intellectuelles", mais qui correspondaient tout simplement à ce que j'ai toujours voulu faire.
C'est mon épouse qui m'a incité à faire tous les tests, "per avere il cuore netto", comme elle disait. Le résultat ne m'a pas beaucoup surpris, même si je m'en fous, parce que ce n'est pas ce qui m'a permis d'avancer. Ça m'a juste permis de claquer quelques clapets.
J'en veux beaucoup à mes parents d'avoir loupé le coche.
Ceci étant, ils ont écouté mon frère et ma grand-mère pour ce qui a concerné ma sœur. Elle aussi était précoce et elle a pu faire une belle scolarité. Au moins une sur les trois... et au fond, mon frère et moi avons toujours préféré que ce soit elle qui ait eu cette chance. Sa réussite m'a permis de ne pas nourrir trop de rancœur envers mes vieux.
A vrai dire, je regrette surtout que la notion de précocité intellectuelle ne survive pas à l'enfance, qu'elle n'ait aucun prolongement sérieux une fois passé dans l'âge adulte. Je n'ai jamais ressenti le besoin d'être accompagné pour ce que je suis, dans mon boulot, ma vie de famille, etc. Peut-être parce que je n'avais pas conscience de ce que je suis lorsque j'étais gosse, que j'ai construit mes projets tard... Je ne sais pas et au fond, c'est sans importance.
Cependant, cette expérience m'a fait garder un profond mépris pour certaines "catégories" d'individus, à commencer par les geignards, les arrivistes, les mini-despotes et les faux-culs. Inversement, je nourris beaucoup de respect envers les personnes qui mettent leurs qualités humaines au service de ceux qui en ont besoin.
Je suis d'accord que l'on ne naît pas "surdoué" et, d'ailleurs, je n'aime pas ce mot. Les prédispositions intellectuelles sont induites par les parents dans la prim'enfance. Un enfant avec lequel on parle bien (donc pas en langage "areuh areuh") et à qui l'on fait découvrir ce qui l'entoure "et plus encore" sera forcément vif et curieux d'esprit. La différence se joue ensuite sur le prolongement de cette découverte, notamment la valorisation des premiers savoirs et l'ouverture sur de nouvelles connaissances.
Par contre, je suis persuadé que les enfants ne naissent pas avec une intelligence vierge. J'ai déjà entendu cela et je pense que c'est du nivellement par le bas, un art très franco-français. Les bébés ont une forme d'intelligence puisqu'ils peuvent, dès leurs premières heures de vie, reconnaître leurs parents en se basant sur une infinité de paramètres, allant bien au-delà du son et de l'intonation de la voix ; puis aussi qu'ils réagissent aux stimulus extérieurs, au travers de postures traduisant sans équivoque ce qu'ils ressentent : confort/inconfort, joie/tristesse, etc. Une feuille blanche n'a pas ces aptitudes.
Mes parents m'ont quand même ouvert quelques portes sur la découverte mais, ce sont surtout mes grands-parents et mon frère qui m'ont permis d'accéder à la connaissance et me passionner pour des sujets très variés. Mon grand-père était un passionné de nature, mon frère aimait la technologie et les trois aimaient les sciences de l'univers, la lecture, l'histoire... Au fond, ils n'ont fait que partager.
J'ai fais tester mes filles.
C'est un fait : les chiens ne font pas de chats.
J'ai pris soin de ne pas reproduire les erreurs de mes parents. D'abord, en leur ouvrant à mon tour les portes du savoir, par des visites, des jeux, des livres. Ensuite, en m'intéressant à elles et à leurs actes, leurs paroles. Plus largement, en leur parlant comme à des êtres humains normaux, sans prendre de détours et surtout, sans utiliser des mots bébés. Un cheval n'est pas un dada, une voiture n'est pas une vroum-vroum, etc.
A côté de ça, nous n'avons pas non plus succombé à l'euhipé-mania qui consiste à vouloir faire sauter une multitude de classes à ces gamins, en les entraînant comme des machines de guerre et en finissant par les enfermer dans des collèges et lycées, où personne ne les voit/subit. Nous avons été d'accord dès le départ que, si nos filles devaient avoir des prédispositions intellectuelles, nous ferions en sorte de conserver un équilibre entre leurs facultés et leurs statut d'enfant/ado.
Je pense que nous avons plutôt bien réussi ça.