elvira a écrit le 07/10/2015 à 21h44:
Quelque chose qui m'a marqué c'est qu'elle ait été diagnostiquée à l'âge adulte, comment est-ce possible ? Comment on peut grandir, évoluer, devenir adulte puis se rendre compte que l'on est "atteint" de quelque chose d'aussi important que l'autisme, je n'arrive pas à me le représenter.
C'est comme si tu disais à une personne non-voyante "mais ça te fait quoi de ne pas voir?"
La personne te répondra "je ne sais pas, je n'ai jamais vus, etc..."
L'autisme c'est exactement pareil. Sauf qu'on fait ce qu'on peut pour ne pas se balader avec "autiste" au milieu du front. On essaye d'être discret et de ne jamais se faire remarquer, y compris par sa propre famille, parcque pendant des années et des années on ne sais pas ce qu'on as ( Asperger c'est reconnu en France depuis a peine 10 ans, avant on nous ranger dans d'autres catégories)
Je ne ressent pas directement la plupart des sentiments et des émotions humaines. C'est comme si elles étaient perçut au travers d'un voile qui les amortie. En fait je dois conceptualiser la plupart des émotions, parce que spontanément, je ne les ressent pas.
C'est un vrai handicap. Ce n'est pas rain-man ni toute ces séries de télé de merde, on as pas des prix nobel, on as quasiment aucun amis, aucune relation, on fait rire les gens 5 minutes ça oui, mais après c'est toujours le gros malaise.
Ce voile s'explique ( au moins partiellement ) par une perception sensorielle à la fois extrêmement dévelloppé et différente des neurotypiques.
J'ai commencé à parler à 5 ans, pendant toute mon enfance et mon adolescence, je ne supportai aucun bruit ( c'etait systématiquement perçu comme une agression) même pas celui de ma propre respiration parfois. Je ne supportai aucune lumière violente, et je ne supportai aucun contact physique avec qui que ce soit.
Maintenant j'ai 36 ans, je peut conduire, j'ai une vie de famille, je sais dire tout ce qu'il faut pour être poli, j'ai juste encore une énorme sensibilité au son qui reste handicapante, mais ça vas.
Il faut comprendre que l'autisme, quel que soit le degré, ça reste surtout très handicapante socialement. Parce que même si les gens ne savent pas trop ce qu'on as, ( Perso je ne le dit que depuis quelques mois, avant je ne le disai jamais) ils finissent systématiquement par nous exclure.
Je n'ai aucun tact, pas spontanément en tout cas. Et si vous devez réfléchir pendant
plusieurs mois pour faire preuve de tact, ça ne fonctionne pas, parcque ça fait " hey au fait... suite a notre conversation de-il-y-a-six-mois..." j'ai passé presque 30 ans de ma vie en étant comme ça, et ça me semblai tout à fait normal.
J'ai un seul regret c'est de ne pas avoir appris a jouer d'un instrument de musique, j'aurai aimé faire du violon, ou du Theremin, les sons me procurent des plaisirs indescriptibles, je pense qu'aucun neurotypique ne peut vivre ça.
C'est comme quant les gens regardent ou touchent leur animaux ça leur donne des émotions. Moi ça me laisse froid mais un "simple" son me retourne complétement, pour le meilleur comme pour le pire si c'est perçu comme un bruit.
L'autisme typiquement, à mon avis le gros symptome qui engendre le reste du handicap, c'est d'abord être submergé par sa perception sensorielle. Quant on est enfant c'est tellement violent que ça nous bloque énormément, et du coup on ne dévellope pas le reste. Avec les années, l'age, petit à petit ça vas mieux, en tout cas pour moi ça as était ça.
Mais moi j'aurai vraiment beaucoup aimé ne pas avoir une scolarité "normal" quant j'était enfant, j'aurai aimé avoir plus de temps pour moi, on as besoin d'être seul la plupart du temps. Aujourd'hui quant je ne m'occupe pas de ma fille je recherche constamment la solitude. Ne pas être seul c'est comme une contrainte, ou c'est lié à une tache, un but précis.
Pour le silence déjà, la solitude aide. Et c'est très difficile de savoir quoi dire aux gens, très difficile de savoir quant commencer une conversation et quant la terminer, très difficile de faire preuve de compassion pour ses interlocuteurs alors qu'on ne ressent pas "directement" ce sentiment.
J'ai jamais ressenti la honte, ni la fierté. Je ressent la peur uniquement en cas de danger immédiat avéré. C'est comme si je n'avais aucune spontanéité. Et ça met les gens mal à l'aise, quasiment tous, mais on doit vivre avec.
Je pense que les autiste de Kanner sont exactement dans le même cas que nous asperger, mais ils ont vraiment cette sorte de voile opaque... ben encore plus opaque. Pour les enfants je pense qu'au lieu de les sociabiliser à tout prix, de vouloir leur donner une vie "normale" comme ça se fait maintenant, il faudrai au contraire leur laisser davantage de temps pour eux, leur laisser énormément de temps pour eux.
Entre 6 et 9 ans j'ai lus l'intégralité de la bibliothèque de mes parents et une partie de celle de mon village ( internet n'existait pas encore), il y avais de tout, et au moins j'ai pus appréhender le monde ( le putain de monde sociale) en silence, sans devoir supporter tout ça.
J'en vois parfois, dans les écoles ( ma femme est enseignante) des autiste de Kanner, au milieu du bruit et de l'agitation des autres gamins qui court et qui hurlent dans tout les sens, et ça me fait vraiment mal pour eux parce que je sais à quel point c'est violent à vivre.
Les gens ne se rendent pas compte à quel point c'est difficile pour nous de vivre dans leur monde, auquel on ne trouve quasiment jamais aucune logique, aucun sens.
La logique neurotypique est un putain de mystère obscur, parce qu'on ne perçois rien de la même manière que vous, mais nous, au moins on essaye.