frison78
Tu sais, je suis complétement d’accord avec ton analyse de la situation actuelle et des cas que tu évoques.
Je ne crois pas être aveuglement contre, au contraire, je sais exactement pourquoi c’est une grosse bêtise d’utiliser ces outils justement dans les conditions que tu décris très bien. Y voir plus loin que le bout de son nez, pour moi, ça veut dire rompre ce cercle infernal de l’ignorance. Arrêter de coller des rustines partout et tenter d’inverser la tendance. Les personnes qui sont contres et qui sont intervenues ont d’ailleurs argumenté techniquement leur opposition. Ce n’est donc pas toujours une posture du « tout naturel » mais bien la recherche d’un juste milieu entre des outils simples, compris et un travail équestre classique rigoureux et patient.
Bon après je trouve ça un peu caricaturale lorsque tu dis que le choix s’opère entre la boucherie ou le petit enrênnement éducatif,

c’est la passion qui t’emporte,

je le conçois très bien, dans cette discussion intéressante on semble tous très passionnés et j’apprécie la teneur argumenté et respectueuse de l’échange sur un sujet périlleux. Merci pour cela.
Pour ma part, je préfère adopter la posture de croire naïvement au nivellement par le haut en continuant à faire la guerre aux dérives de l’équitation de consommation. A force de trouver des excuses et des solutions de facilité à ceux qui font n’importe quoi, il n’y a jamais rien pour inverser la machine.
Je ne crois pas traiter les gens utilisateurs d’enrênement de tortionnaires ou d’irrespectueux. Par contre je les pense pour beaucoup victimes de désinformation ou en tout cas manquant de connaissances précises sur le sujet. J’essaye juste de faire comprendre l’aberration de ce choix, les arguments abusifs et erronés pour leur vendre le produit (ça soulage le cheval, c’est éducatif, ça le préserve des maladresses du cavaliers) et tenter de les convaincre qu’il vaut mieux continuer simplement son propre apprentissage de cavalier et arrêter de se prendre inutilement la tête avec cette histoire de placement apparent des chevaux. La plus grande majorité des chevaux enrênés le sont pour de mauvaises raisons et ça leur fait plus de mal que de bien. Le petit nombre de chevaux qui auraient réellement « besoin » d’un enrênement ponctuel, devraient être entre les mains de cavaliers maitres du sujet.
Tout le monde focalise sur la tête et la bouche des chevaux et ça devient obsessionnel.

Rien que ça, déjà, ça montre combien la compréhension de base d’un cheval bien mis ou même du sens de la bonne gymnastique d’un cheval est absente. je ne blâme pas les cavaliers, ils font confiance à leurs enseignants, qui sont souvent eux-mêmes formés de façon discutable.
Qu’il soit jeune, réformé, vieux, compliqué, mal dressé à la base, traumatisé… Peu importe : il ne faut pas répondre aux problèmes de tête et de bouche avec des enrênements et des mors. C’est incohérent.
On fait croire aux gens que c’est facile et ludique de monter à cheval. On leur fait croire qu’on peut être propriétaire d’un cheval aussi facilement qu’on fait du vélo. On leur fait croire que c’est juste un loisir comme un autre. C’est faux et honteux. Monter à cheval est dangereux, difficile, long à apprendre et s’occuper ou posséder un cheval engendre de grosses responsabilités et des devoirs.
Au risque de choquer, j’estime qu’être propriétaire quand on est débutant ou enfant, c’est une bêtise sans nom. Et un galop 7 jamais sorti de son équitation de club c’est juste un débutant. 15 ans d’équitation uniquement en reprise de club, c’est pareil, au regard de la qualité de l’enseignement actuel. Même si tout cela peut/doit être une source immense de bonheur, monter à cheval et/ou posséder un cheval c’est un gros investissement personnel en terme d’apprentissage, de finances, de temps, de responsabilité. Et tout le fonctionnement actuel tente de faire croire le contraire. Cette façon de tout régler avec des bidouillages, des trucs, des astuces, des gadgets, des outils, vite et pas cher, c’est juste entretenir l’idée que c’est facile. Tout cela est au détriment des chevaux.
Littlevenus,
Oui je suis d’accord, c’est dur de dire à un pro « non, je ne ferais pas ça ». Et pourtant… il arrive un moment où on peut tout à fait le dire… Parfois, le contexte le permet, le choix des mots est important. Si un pro demande à quelqu’un de mettre une raclée à un cavalier peut-il refuser ? Doit-il refuser ? Pareil pour l’emploi des éperons ou d’une bride ou d’un enrênement...
C’est compliqué, pas toujours possible, mais dans le principe oui, on peut le faire. Je l’ai déjà fait, je connais autour de moi aussi des gens qui l’ont fait. Ça fait du bien d’être en accord avec ses principes.

Pas forcément parce qu’on est contre quelque chose mais parfois juste parce qu’on ne se sent pas de le faire et on en a le droit.
Un bon professionnel peut tout à fait entrer en discussion intelligemment sur le choix d’un outil. On doit pouvoir expliquer, argumenter et se faire comprendre. Si le pro ne sait pas réagir autrement que par une crise et une obligation d’obéissance c’est qu’il y a un problème. Un gars qui fait les choses intelligemment déjà, il ne propose pas un cheval enrêné à quelqu’un qui n’a pas la connaissance suffisante.
Le cavalier est là pour apprendre, comprendre, progresser. Il doit donc pouvoir, dans la mesure de sa maturité, exprimer ses doutes, ses questions et faire entendre ses réticences. Filer des chevaux mal mis, trop jeunes ou cassés entre les pattes de débutants et leur coller des ficelles pour soi-disant limiter la casse ce n’est pas de l’équitation, c’est de la consommation et c’est injustifiable du point de vue du bien-être du cheval.
Je ne juge pas du tout les pros dont tu parles, Littlevenus, sans voir leur façon de faire je suis incapable d'en apprécier la qualité évidemment. Cependant, je trouve que le dressage de jeunes avec un enrênnement n'est pas un signe positif même si c'est ajusté large, ponctuellement, etc... c'est certes pas extrêmiste comme emploi mais c'est pas vraiment normal non plus
Bien sûr que les « anti-enrênements » sont virulents. Je n’aime pas qu’on abuse de la contrainte inutilement sur les animaux. Je n’accuse pas les gens de le faire intentionnellement, j’essaye surtout de faire comprendre l’absurdité de cette croyance qui martèle que si le cheval à le nez au vent il souffre obligatoirement du dos et que lui maintenir la tête en bas avec une ficelle va le faire travailler dans le bon sens. C’est n’importe quoi. Il faut vraiment arrêter de colporter cette légende.
Ce n’est pas l’attitude qui permet au cheval de bien travailler sans préjudice mais c’est le travail qui aboutit à une bonne attitude. Impossible d’échapper à ça. L’ordre des choses n’est pas à la carte

Pour le coup ici, la nature décide. Le travail du cavalier construit le physique et le mental du cheval, cette construction lente lui permet de se mettre progressivement dans une attitude favorable au portage du cavalier à moindre préjudice. C’est un temps incompressible qui fait qu’on commence obligatoirement par un cheval ouvert qui discute pour aboutir quelques mois après à un cheval rond qui porte son cavalier.
Si on inverse l’ordre ça donne : une attitude obtenue par une contrainte exercée sur un corps non préparé afin d’y assoir un cavalier qui s’occupe de lui-même… Plus ce cheval mis sous la contrainte de l’enrênement avance dans sa vie, plus il sera difficile à remettre en route dans le bon sens, plus il exigera un cavalier expert pour le faire par le travail équestre. Ou alors il faudra le ficeler à vie et trouver toujours plus d’artifices et de palliatifs pour gérer cette pauvre tour de Pise !
Il y a des nuances dans l'usage de l'enrênement, plus ou moins coercitif, voir punitif. On ne peut évidemment pas juger ces différents usages au même degré mais l'outil lui, reste de toute façon un mauvais choix à la base.
L’adage « a jeune cheval, vieux cavalier, à vieux cheval, jeune cavalier » trouve encore tout son sens !
Je pense que quand on est dans une équitation utilitaire, de performance ou de consommation, la question ne se pose même pas car on s’en fout. Dans la mesure où on recherche une pratique cohérente avec son attachement au cheval, il n’est pas vain de renoncer aux artifices et de prendre le temps de faire les choses bien. J’aimerais que les cavaliers qui ont des chevaux tronches en l’air (juste ceux là déjà ça ferait un bon paquet) arrêtent de se mettre la pression et de croire cette idiotie de « il se fait mal au dos, mets lui un enrênnement pour le soulager, il se musclera le dos » ou « tu es instable et ta main n’est pas fixe donc mets un enrênnement tu gêneras moins ton cheval ». Ne croyez pas ça, on vous ment,