Bonjour
sandy_x89
L’histoire de ma jument va rejoindre un peu celle de la tienne et des autres témoignages qui ont précédés.
Une jument avec un débourrage tardif, que je suppose s’être bien déroulée (que je n’ai pas vu) car elle a conservé beaucoup de finesse et d’écoute malgré ce qui a suivi. Elle a un tempérament émotif et réactif , et ça je pense que c’est à la base, dans sa nature profonde. Le souci c’est qu’elle a été mise « au travail » chez un « pro » vers 6/7 ans (ça je l’ai vu). A priori entre son débourrage et cette mise à la valorisation, elle avait un peu végété chez son naisseur avec ses « frères et sœurs » de l’année.
La jument étant très fébrile et sur l’œil, avec un bon moteur qui envoyait fort, des allures plutôt verticales avec du rebond… Elle s’est faite saucissonner comme je n’ai jamais vu : association de martingale/RA + scotch toilé pour lui maintenir de force le nez dans le poitrail façon rollkür

, et montée avec brutalité sur des obstacles et sur le plat….
Je connais donc son « traumatisme ». Lorsque j’ai retrouvé cette jument quelques années plus tard et que je l’ai récupérée, j’ai été confronté à une partie des comportements que tu décris et ceux décrit par
arinna et sa jument.
Une jument terriblement angoissée par quasiment toutes les aides de l’équitation, impossible d’avoir le moindre contact avec la bouche, la jument s’enroulant totalement pour se mettre le nez dans le poitrail même si je tenais les rênes à la couture, ou donnant de grands coups de tête pour reprendre un max de longueur, ou en mode périscope pour surveiller l’environnement avec des yeux qui lui sortaient de la tête et des expirations de dragon.
Elle pouvait se retrouver trempée de sueur en quelques instants, j’entendais son cœur battre et je le sentais sous ma selle, pourtant je ne demandais rien ! J'avais déjà connu des chevaux peureux, craintifs, stressés mais elle m'a fait comprendre la réalité de ce qu'on nomme "angoisse".
La jument ne marchait pas au pas, elle n’arrivait pas à suivre un tracé de cercle, trop perturbée par la surveillance constante de l’environnement, et comme je n’avais pas de connexion possible avec le bout du devant, je ne pouvais pas la diriger avec précision, juste le poids du corps, l’orientation des épaules, et quelques petites touches sur des rênes très longues qui provoquaient soit un enroulement de l’encolure, soit un coup de tête vers le haut. Au début la seule zone de déambulation qu’elle supportait se réduisait à 30% de la carrière dans un coin précis sans jamais aller sur la piste évidemment, ça l’effrayait.
Je n’avais du frein qu’avec mon assiette et il ne fallait pas que j’agisse trop fort sinon elle se fâchait, angoissait… Son truc à elle c’était de s’assoir assez fort et de menacer de se lever, de reculer, parfois trééééés longtemps, et de secouer la tête. Quand elle ne comprenait plus rien, elle grattait le sol aussi… elle sursautait tout le temps, pour l'environnement ou mes actions. Je devais toujours faire très attention à doser le contact de mes aides le plus léger possible, sinon c’était panique à bord, fuite, rétivités… pas question de trop tendre le dos ou trop descendre dans l’assiette, sinon c’était la panique. Le montoir n’était pas sécurisé non plus.
En longe, j’avais un scénario de fuite, de surveillance fébrile. Toujours pas de pas, tête en périscope, aucun contact au bout de la longe (c’est très déstabilisant, je n’avais jamais connu ça), une jument qui refusait de s’éloigner de plus de 3 mètres et tournait comme une patate.
Par contre, elle a toujours pris le mors sans problème. Elle ne voulait juste pas qu’on touche aux rênes. Elle avait une super finesse de réponse à l’assiette tant que c’était fait doucement, au poids et à l’orientation du corps et une écoute permanente de mes paroles. Une jument gentille, délicate, attentive. J’ai tout misé là dessus et j’ai travaillé dans la même démarche qu’
arinna
J’ai fait confiance aux barrières qui entourait la carrière pour rester dans la zone de travail et pendant plus d’un an, je me suis concentrée à lui prouver que je ne lui ferais jamais subir tout ce qu’elle semblait craindre. L’équitation et ses exercices gymnastiques étaient un objectif lointain. Je n’ai fait qu’un travail sur le comportement pour lui prouver qu’elle pouvait avoir confiance, que quoiqu’il arrive, aucune de mes actions ne seraient répressive, douloureuse, imprévisible…
Mon premier objectif, c’était d’obtenir une "patate complète"! au trot sans qu’elle s’arrête ni accélère. Peu importe la vitesse, l’attitude, le tracé. Juste un tour complet de patate avec une allure à peu près franche et régulière en avant. Je mettais entre 10 et 20 minutes à l’obtenir, en l’encourageant et la rassurant en permanence de la voix. Et hop je mettais pied à terre, je récompensais chaleureusement, caressais comme si elle m’avait fait une ligne de changement de pieds au temps !
Pour moi, c’était aussi flippant et épuisant de tension intérieure. Mais je me concentrais toujours pour faire comme si j’étais tranquille, super zen et dans la routine la plus totale, en me relâchant au maximum pour ne pas transmettre ce que je ressentais. Au bout de quelques semaines, on est passé à 1 patate correcte à chaque main, puis 2 patates. Puis rendre les 2x2 patates plus rondes….etc… Toujours sans s’occuper ni de sa bouche, ni de son attitude.
Au bout d’un peu plus d'un an, on a commencé, presque du jour au lendemain

, à faire plus d’équitation dans la séance que de comportement. Le B A BA de l’équitation : suivre un tracé, se cadencer, avoir un contact à peu près stable mais très fragile main/bouche… essayer de marcher au pas au début de la séance !... La jument avait alors 12 ans.
Pour la garder avec moi, et qu’elle puisse redescendre en pression, elle a besoin d’être rassurée, et surtout qu’on lui laisse le temps de comprendre, ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent, ce qu’il se passe, de quoi il s’agit, de qui, où…
La méthode qui consiste à renvoyer le cheval dans le travail ou l’exercice pour qu’il « pense à autre » chose, c’est totalement contre-productif dans ce cas car le travail et l’exercice sont des sources d’angoisse. Donc ça augmente le stress. Alors que la compréhension de l’environnement est fondamentale pour ces chevaux, la possibilité d’avoir du temps et de liberté pour identifier les choses, en étant soutenu et rassuré. Le cheval doit retrouver une sorte de cohésion de groupe sécurisante avec son cavalier dans toutes les situations angoissantes.
C’est difficile, je trouve, de te donner des conseils précis, sans être sur place, tant ce genre de situation est tellement au cas par cas. J’espère juste que nos différents témoignages vont de conforter dans l’idée qu’il est possible d’y arriver même si autour de toi des personnes pourraient émettre des doutes. Et que tu trouveras peut-être aussi des pistes d'inspiration. Il s’agit de patience, de constance, d’écoute, d’adaptation. Je crois que la constance est très importante. Je la vois comme la preuve que tu apportes au cheval de la fiabilité de tes bonnes intentions. Et ceci ne peut se faire que dans la durée. Parce que le cheval aura éprouvé à maintes reprises la vérité de la relation que tu lui proposes.
Je crois aussi qu’il est important d’avoir des objectifs extrêmement simples, basiques, infimes. Les plus accessibles possibles au cheval pour qu’il puisse aussi éprouver la réussite sans être passé par les contraintes qu’il semble redouter. Celles qu’il a potentiellement vécu et qu’il redoute peut-être de revivre.
C’est parce qu’il expérimente des situations positives et que ces situations se répètent avec constance qu’il peut s’apaiser et faire confiance. Puis plus tard, transposer dans d’autres situations et réussir plus vite. Pour moi, ça en peut se faire qu'en tête à tête.
Ces chevaux qui ont eu à traverser des périodes plus ou moins longues en n’étant confrontés qu’à des situations négatives, répressives, incompréhensibles, ont besoin de vivre la répétition du positif de façon bien plus intensive que les autres pour arriver à être convaincus et retrouver alors des comportements plus tempérés et apaisés.
Aujourd’hui, ma jument est bien différente. Elle a changé au fil des années, et l'âge venant, je suppose que ça achève de l'apaiser. Elle reste émotive mais comme tout cheval normalement un peu émotif. Fini les angoisses à répétition, les rétivités, les colères, plus aucune crainte des aides, des choses nouvelles, du travail, des outils, des gestes, elle aime même bien faire sa feignasse et essayer de m’endormir pour éviter les efforts… Et franchement, ça me fait plaisir qu’elle prenne les choses ainsi même si ça n’arrange pas toujours mes affaires équestres !

Pas grave, sa sérénité seule me comble déjà.
La remarque que je me suis faite en te lisant, c’est que pour moi, il y a eu trop de gens différents, de choses différentes entreprises et trop de changements de matériel en 3 ans. Je crains que ta jument n’ait pas assez de temps de comprendre, se rassurer, s’habituer et retrouver le meilleur comportement à chaque chose qui se présente à elle. Lorsque tu proposes une chose, il faut s’inscrire dedans dans le temps…. Vraiment longtemps. Je ne crois pas qu’on puisse avoir un résultat en quelques semaines ou mois. Quelques séances ne peuvent suffire, il faut des mois et des mois sans changement et sans faillir pour désenclencher des comportements comme ça, sans briser les chevaux. Désenclencher et mettre en place autre chose… C’est super long. A mon sens.