J'ai tout lu dis donc! merci pour l'échange, c'est très intéressant. Et je vais publier ma réponse sur mon blog je crois, parce que ça répond à des interrogations qui dépassent ce forum.
Je pense qu'il faut simplement distinguer les choses :
- les gens font intervenir les SF parce qu'ils veulent leur avis.
Le SF vend un conseil (c'est le principe d'une consultation) et est payé pour ça. Il arrive qu'on nous demande un 2e avis après l'intervention d'un sellier, faute de confiance j'imagine, un peu comme on consulte un 2e médecin après le 1er. On travaille sur une idée de prévention : après le diagnostic, les gens sont sensibilisés aux signes qui doivent les alerter. Et ceux qui le font pas ne peuvent que se mordre les doigts s'ils ont des problèmes. D'autres font l'inverse : ils sont rassurés de le voir une ou deux fois par an, ils s'achètent la tranquillité nécessaire à leur esprit même s'il n'y a rien à faire. Pour autant, comme bon nombre de personnes l'ont évoqué ici, en soi c'est pas franchement nécessaire... s'ils sont plus tranquilles comme ça, où est le problème? moi, tant qu'ils me paient, qu'ils sont contents et que leurs chevaux vont bien... C'est comme les gens qui font venir l'ostéo pour leur cheval tous les trimestres, c'est rare que ça soit nécessaire, pour autant c'est pas rare comme comportement!
- sur la question de
l'adaptation de la selle dans le temps, on couple l'aspect suivi / prévention à l'aspect plus artisanal du job. Ca explique pourquoi les SF préfèrent les selles adaptables : ça leur permet d'assurer un suivi de qualité dans lequel ils n'auront pas à dire à leur client "ben ça va plus et je peux rien faire donc faut changer" ! Mais il faut bien voir quelque chose : si les SF vendent ce genre de produits, c'est que les selliers les fabriquent parce qu'ils savent que ça correspond à une demande, voire à un besoin du terrain!
Comme je le mentionnais dans mon dernier article (
http://www.saddlefitting.fr/archives/2018/01/03/36011403.html), la régularité du suivi et des adaptations successives des selles dépendent avant tout de l'âge du cheval et de sa gestion par son cavalier. Ensuite, y a des marques qui doivent être révisées plus souvent que d'autres, et c'est pas question de laine VS latex là, c'est plutôt inhérent à la conception même du matériel et à la qualité de base. Mais j'ai des cavaliers qui me défoncent des matelassures latex en 18 mois et d'autres qui me tiennent des matelassures laine parfaites depuis 3 ans sans jamais avoir eu besoin d'y retoucher. Pourtant, sur les deux cas que j'ai en tête, la première c'est une cavalière amatrice qui monte 3 fois / semaine et l'autre une cavalière pro qui monte 4 à 6 chevaux / jour en moyenne.
- la plupart des SF sont également
revendeurs, pour 2 raisons :
1. le conseil seul ne paie pas suffisamment pour en vivre à temps plein
2. le conseil c'est bien, mais si on n'a pas de matériel à proposer on s'entend dire ce que plusieurs d'entre vous ont dit, et à raison : "ça sert à rien". Et pour certains formats de chevaux, les tonneaux sans garrot notamment, les fabricants ne se sont pas rués sur le créneau de fabrication... d'où la récurrence de certaines marques qui sont les seules à proposer des solutions pour ces conformations, que les SF récupèrent puisque les fabricants classiques ne s'en occupent pas. C'est le début d'un cercle vicieux qui mène au "catalogage" que beaucoup d'entre vous font, et à raison. Mais c'est plutôt aux fabricants qu'il faut s'adresser, on n'a pas assez de propositions matérielles pour répondre à certains cas de figure.
Pour répondre à la question originelle du post : impartialité bien sûr que non!!! on dépend de ses connaissances, qui sont je pense proportionnelles à l'expérience - si tant est qu'à mesure que les années passent on reste ouvert à de nouvelles connaissances sans se repose sur ses acquis. Bien orgueilleux celui qui dirait l'être, et je pense que tous les SF ont conscience de leurs limites... bon à quelques exceptions près, il y a des prétentieux partout. Ce sont bien souvent les cavaliers qui projettent leurs fantasmes "Pretty Woman" sur les professionnels, mais ça vaut aussi pour les ostéos, les enseignants, et autres... Ce qui suit est applicable à tous les corps de métiers, au-delà de l'équitation : les connaissances que l'on a sont forgées par les rencontres, les formations, les tests produits, l'ouverture d'esprit, bref par tout un tas de paramètres. Il y a à mon sens deux stratégies professionnelles lorsque l'on devient pro - et encore plus quand on est à son compte :
- rester généraliste pour essayer de toucher un marché large
- se spécialiser pour être le meilleur dans son domaine (marché de niche)
Il est extrêmement difficile de faire les deux, j'ai essayé de les conjuguer, c'est épuisant et au final, à vouloir tout faire on ne fait rien correctement ;-)
Cependant il ne faut pas négliger les relations entre d'une part la sellerie traditionnelle distribuée par les canaux classiques (magasins ou commerciaux) et le courant "nouveau" des SF - qui ne l'est pas du tout ; je le rappelle, on n'existe que grâce aux dérives du marché depuis les années 90 et on ne fait que combler un vide laissé par les professionnels classiques. Bref, les liens existent, et ils sont même bien plus forts et marqués que ce que vous ne pouvez penser, vraisemblablement.
J'ai travaillé et travaille encore à rapprocher les deux milieux, je ne vais pas citer les nombreux détaillants ou fabricants français avec lesquels je suis en contact, pour lesquels j'ai fait de la vente, du conseil en développement, de la formation ou de l'aide à la conception ; à quelques exceptions près, les expériences ont été extrêmement positives et gratifiantes, et les relations sont aujourd'hui excellentes. Eux ont conscience de leurs limites, les SF ont conscience des leurs ; après ça reste un marché très concurrentiel, où l'offre excède la demande sans y répondre correctement pour autant, et duquel chacun essaie de tirer son épingle.
Le problème, c'est quand les gens qui sont en concurrence sont idiots et qu'ils essaient de s'élever plutôt en appuyant sur la tête des autres qu'en les tirant vers le haut (j'ai aussi fait cette bêtise par le passé et j'en suis peu fière). C'est la marque de quelqu'un qui n'est pas sûr de lui, et qui a de gros problèmes de légitimité...