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Les futures mamans de c.a - TOME 2
Posté le 26/02/2021 à 19h11
A chaud, voici le récit de mon accouchement, prenez un plaid et assoyez-vous parce que c'est long :p
Certains éléments me reviendront peut-être mais pour le moment c'est du brut.
Récit d’accouchement de Sixte
Le contexte est un peu particulier. Nous avons décidé avec Pierre de se diriger vers un accouchement à domicile, non seulement du au contexte sanitaire mais aussi dans une démarche de couple. En effet, la naissance de Théophane a été finalement le standard d’une primipare : craquage pour la péridurale à 8cm, nous n’étions prêts ni lui ni moi. Viens ensuite l’accouchement bien plus préparé d’Isaure qui se passe très vite sans péridurale en 1h30 à partir du début du travail. Une expérience qui me conforte dans mon désir d’une naissance physiologique pour le 3ème dans notre cocon familiale. Dès lors nous partons à la recherche d’une SF AAD et c’est sur un maïeuticien qui nous tombons. Le contact passe très bien, nous apprécions ses qualités et nous sortons en confiance du 1er rdv. La grossesse se passe sans encombre mais notre accompagnant rencontre des soucis de santé qui ne nous permettent pas de poursuivre le suivi et donc l’AAD. La décision de continuer nous revient et nous décidons, à deux semaines du terme, de nous diriger vers une prise en charge autre.
Nous rencontrons M. , qui est sage-femme hospitalière dans la maternité où nous avons choisi de nous rediriger. Nous l’accueillons à la maison pour discuter de notre projet d’accouchement physio, nous lui expliquons notre tristesse et la déception que nous vivons d’avoir dû renoncer à un AAD. Très sensible, elle nous écoute avec bienveillance. Une relation alors se noue, et dans les deux semaines qu’il nous reste, nous tissons bien plus qu’une relation de professionnelle à patientèle. A cela s’ajoute le fait que nous nous rendons compte que nous avons grandi dans la même ville, que nos parents se connaissent et qu’elle a été gardé en même temps que mon petit frère en garderie. Drôle de coïncidence qui se confirme par une belle amitié naissance.
De mon côté, les jours passent et le travail n’a pas l’air pour tout de suite. J’essaye de prendre les choses en main dès 40SA avec une séance d’ostéopathie, une séance d’acupuncture, un décollement des membranes sur un col ramolli ouvert quasiment à 2cm. Je crois que je ne parviens pas à lâcher prise tout simplement, je retiens ce bébé plus que de raison. Je me rends compte à quel point je n’ai pas vu passer le temps, que je n’ai pas assez profité et que je ne sais pas si j’aurai d’autres enfants. Comme tout le monde, j’ai la pression du déclenchement mais je sais au fond de moi que je n’irai pas non plus jusqu’à 42sa. J’aimerais ne pas accoucher le 26 février qui est déjà l’anniversaire de Théophane. A 40+3sa j’ai un gros coup au moral car je dépasse le terme des 2 premiers.
Ce n’est que le 23 février au matin (après une 2ème séance d’acupuncture) que je sens que mes contractions changent. Il est 7h du matin, je commence le pré-travail. Désormais j’ai des contractions tout à fait irrégulières mais qui ne me lâchent pas. Le 24 février je demande un 2ème décollement des membranes à M. Le col est à deux doigts large, ça bouge c’est bon signe. Désormais il y a de plus en plus de contractions que je ne peux pas passer assise ou sur le ballon. Elles se régularisent, toutes les 7 à 10mins sur toute la journée. A 19h elles passent sous les 5 minutes sans forcément gagner en intensité. Nous décidons tout de même de déposer les deux ainés chez la nounou afin de poursuivre tranquillement le travail. Je commence un peu plus à lâcher prise. Je préviens M, elle prendra une garde pour nous si j’accouche en dehors de ses horaires… ce qui finit indubitablement par arriver. Les sensations que j’ai me disent que j’ai atteint le début de travail soit 5/6cm. Je décide avec Pierre de me rendre à la maternité afin de ne pas me faire avoir si ça s’accélère d’un coup comme ça a pu le faire pour Isaure. Première grossière erreur : penser renouveler l’exploit d’accoucher en 1h30. Le trajet en voiture est assez comique, je me mets derrière, à genou dos à la route sur le siège afin de gérer les contractions au mieux. Je réponds aux derniers messages de mes sœurs/amies en leur disant que dans moins de 4hrs, le bébé serait là. Deuxième grossière erreur : donner un timing.
21h30, M. arrive, elle nous installe directement en salle nature, je me mets à l’aise. Prise de sang et pose de cathéter bouché, on manque de perdre Pierre à la vue de la prise de sang, on rit, pas lui. Le monitoring est posé, bébé semble aller parfaitement bien. M. est calme, posée, elle chuchote quand elle nous adresse la parole. Les contractions s’intensifient directement. Son attitude me rassure, je jette un coup d’œil à l’heure en me disant que notre enfant serait là très bientôt ce qui me motive. Puis le temps passe, l’horloge tourne, les minutes défilent [et moi je rêve d’aaaaaaaccélérer le teeeemps. Dam dam déo oh oh oh, dam dam déo oh oh oh oh]. En vrai je commence à réaliser que cela va durer beaucoup plus longtemps que pour Isaure. J’intellectualise beaucoup : bébé en OS ? gros bébé ? cordon autour du cou ? et s’il ne passe pas le bassin ? et si la poche des eaux se rompt. Evidemment, le combat se fait dans ma tête. J’arrive heureusement à revenir sporadiquement dans ma bulle pendant les contractions. Je commence par m’aider de Pierre, il est en face de moi debout je mets ma tête sur le bas de son ventre, lui attrape les avant-bras et je me balance pour mobiliser le bassin. Nota bene : lui demander de prendre un peu de poids pour que le gras soit plus confortable que les abdominaux. Il me soutient, je l’agrippe fortement selon certaines contractions. Heureusement j’ai du répit entre deux. Je m’assois, parfois je me fais avoir et la contraction arrive trop vite, je n’ai pas le temps de me redresser – horreur, et d’autres Pierre recule trop et je lui hurle « RAVAAAAAANCE ». Je vocalise ce que je peux, j’utilise une première technique d’hypnose travaillée, l’auto-persuasion : « Je sais le faire, c’est naturel », ça m’apaise.
Voyant le travail qui n’avance pas des masses et que je me fatigue, d’une petite voix M. nous propose de faire couler un bain. Je lui demande si ça ne va pas ralentir le travail puisque je n’utiliserai plus la gravité. Elle me sourit, je sens qu’au fond d’elle, elle sait que ça va encore durer et qu’il faut que je me préserve. Elle en fait couler un en me disant « si tu ne te sens pas, tu en ressors, c’est toi qui vois, ce sont tes sensations, nous on t’accompagne ». Sur une contraction, une collègue de M. débarque, en parlant fort, demandant si elle peut me remettre un monitoring car je n’en ai pas eu depuis 1h30 [légalement parlant, sa collègue est responsable de cet accouchement car officiellement de garde, on respecte donc ses demandes pour la couvrir]. Elle me sort un peu de ma bulle alors que je suis en train de geindre comme un chameau avachi sur mon mari et plus je vocalise, plus elle parle fort ce qui exaspère M.
Je rentre dans le bain, M. est embêtée pour le monitoring mais trouve l’idée du siècle – qu’elle m’expliquera a posteriori – elle a pris un gant qui arrive à mi-bras, a mis le fil et le capteur dedans et me l’a tenu, héroïquement pendant 30mins sur le cœur du bébé, à bout de bras tandis que j’étais dans la baignoire.
Pendant cette phase, je sens que je fatigue, je suis à environ 2h30 de travail assez intense, bébé a du mal à s’engager dans le bassin. Je me tiens aux deux barres de part et d’autre des parois, je me mets sur le côté gauche et je me balance de gauche à droite. On passe un cap de douleur, j’arrive à un bon 7/10. Je sens bébé qui shoote dans la monitoring mais aussi qui essaye de se frayer un chemin tel un saumon frétillant remontant le cours de l’eau. Les sensations sont marrantes …quand je ne contracte pas. J’emploie une autre technique d’auto-hypnose : l’anesthésie de la douleur. Il s’agit de se remémorer les comment je diminuais la douleur grâce notamment mes points d’ancrage. Je m’imaginais sur la piste de ski, Pierre qui me rejoignait et en posant ses mains sur le haut de mon ventre diffusait une fraîcheur qui enveloppait tout mon utérus. La technique fonctionne une petite heure. Je repose ma tête dans les mains de Pierre … qui à un moment donné s’endort, me lâche la tête alors que je somnole moi-même, et je me réveille en en manquant de m’étouffer dans l’eau, … oh c’est moi j’accouche là, pas toi, réveil l’asticot ! Les phases de somnolence entre deux contractions sont bénéfiques, j’adore, je libère beaucoup d’ocytocine. Je ne saurais dire combien de répit j’ai mais c’est honnête. Le monitoring est fini, bébé a eu quelques ralentissements que M. ne mentionne pas car pas inquiétants outre mesure. La collègue revient en parlant très fort « ah mais ce bébé va très bien, bravo vous faites un très beau travail »… oui oui, c’est très gentil mais là trop de volume. Je repasse un cap de douleur je suis à 8/10, j’utilise ma dernière technique d’hypnose qui fonctionne très bien sur moi : la séparation du corps de la douleur. J’imagine décrocher mon utérus et souffler très fort dessus pour éloigner la douleur. Elle me soulage immédiatement et la douleur retombe aussitôt sur 2 à 3 contractions même si elle est très présente en fond. Je reste une nouvelle heure de cette manière mais je demande à ce que l’on baisse la température du bain, je boue. Pierre utilise un bac à vomi en carton pour me faire un éventail [la classe], et de fatigue laisse tomber son bras légèrement et me balance une vague d’eau dans la tête … décidément y a pas que moi qui trinque ! Je sens que bébé n’arrive pas à s’engager dans le bassin, il me faut de la gravité. La sortie est pénible, j’ai l’impression de monter l’Everest (sous-entendre les 2 pauvres marches de la baignoire) avec un parpaing de 20kgs dans le ventre. Je grelotte immédiatement je suis gelée et qui c’est qui intellectualise encore ? Ah bah c’est bibi « le froid est contreproductif pour l’ocytocine vite il faut que je me réchauffe ». Rappelez-moi de ne plus témoigner sur le lâcher prise haha. Pierre et M. me mettent deux draps et m’essuient car j’en suis incapable les contractions reprennent plus intensément que jamais, je sens que ça pousse dans les fesses, je m’accroupis presque. Je demande à M. où j’en suis, elle m’examine très rapidement, je suis à 9 et il me reste un bourrelet de col donc je ne peux pas encore pousser (de toute façon je n’en ai pas l’envie). La contraction qui s’en suit – je me suis allongée sur le côté droit avec la jambe en l’air que Pierre me tient – est affreuse, je hurle littéralement, le bébé n’est pas bien, Pierre m’a dévissé le pubis en me relevant trop fortement la jambe, je l’engueule et pleure de douleur. Je me relève aussitôt, reprends les mêmes positions qu’au début du travail… et j’entame une belle phase de désespérance, quand je commence à hurler je me rappelle de vocaliser [toujours cette histoire de lâcher prise, je me dis « bouche molle, col mou » … on est beaucoup dans ma tête à ce moment-là], je descends dans les sons graves mais là c’est trop dur. Je demande à M. pourquoi il ne sort pas, qu’est ce que je fais de mal, je ne vais jamais y arriver et je demande le combo : péridurale, rachi, anesthésie générale et même l’abattoir tant qu’on y est tellement je n’en peux plus. Pendant 2 ou 3 contractions je ne gère plus rien. Elle doit me reposer un monitoring je hurle « STOOOOOOOOOP ! STOOOOOP », Pierre comprend que ce n’est pas pour le monito mais ça concerne les contractions, pauvre M. qui était en train de tout retirer. Elle finit par bien le mettre et dans un dernier cri [ spoil : non je ne meurs pas] je désespère « STOOOOOP ! Il faut que je dorme ! ». Pierre est complètement surpris par mon annonce. Je ne demande pas mon reste, je me couche cette fois-ci sur le côté gauche sur le très grand lit et … je m’endors. Je suis à dilatation complète et je vis un moment de sérénité comme jamais. Les contractions s’arrêtent. Je profite de ce moment si agréable. Il y a des minis contractions qui me réveillent dès que Pierre ou M. bougent d’un iota mais je dis à mon cerveau « ah non pas encore, je ne suis pas prête, laisse-moi récupérer encore un peu ». Elles s’arrêtent. Je somnole encore. J’entends M. chuchoter à Pierre que cette phase peut durer 1h. Je le sens jubiler car pour lui c’est aussi une fenêtre pour dormir une heure. Je vis donc un répit d’une bonne vingtaine de minutes quand soudain une contraction d’une puissance inouïe me réveille, mon cerveau se branche, et la poche des eaux explose en se déversant partout. Le monito que tenait M. est trempé, en voulant se désengager M. se prend les pieds dans le fil et manque de renverser une table, je ne vois pas la scène, je l’entends sans réagir puisque je hurle « il est lààààààààààààà ». Le bébé est descendu en boulet de canon dans mon bassin. Une deuxième fois je prends la parole dans la plus délicatesse la plus pure « poussée refleeeeeeeeeeeexe » et je demande – comme un dindon – « il est là ? il est là ? ». J’entends M. rire en me répondant « oui il est là, je suis prête ». Je suis toujours allongée sur le côté gauche, M. place Pierre à sa place où je peux pousser avec ma jambe extérieure sur lui pour m’aider. Il fait un gros contre-poids. Isaure était née en 3 poussées, là c’est plus long, plus compliqué, il y a un truc qui bloque pourtant je sens chaque poussée très efficace. J’ai du temps de récupération entre chaque poussée (le corps est bien fait n’est-ce pas ?), ce qui laisse le temps à la tête de masser le périnée. Le liquide amniotique chaud passe à travers et j’ai cette image très classe, du dernier poulinage que j’ai vu. Je visualise la jument dont les poussées reflexes sortent les poulains, je trouve ça magnifique et tellement naturel. Je me concentre, pousse bien quand j’en ressens le besoin. M. me dit alors « okay Louise, il a le cordon autour du cou, alors sur la prochaine poussée tu vas tout donner, j’ai une manip à faire ». Je m’exécute parfaitement, je ne sais pas vraiment ce qu’elle fait, mais elle le fait bien car je sens d’un seul coup que je suis soulagée et bébé glisse de tout son long. Je répète en boucle « je l’ai fait ! je l’ai fait ». C’est là que Pierre explose de rire, j’atterris doucement, il me dit « regarde Louise ». Je découvre que c’est un ptit gars et que je prends sur moi en riant et en pensant à touuuuuus les achats de fringues fille que j’ai fait en étant persuadé du sexe de mon enfant. Je l’aime d’amour mais je ne réalise pas tout ce qu’il s’est passé en l’espace de 10mins, parce qu’en fait la poussée a été très rapide finalement. Je le mets rapidement au sein, on m’installe confortablement, je mets le bandeau de peau à peau, je suis bien. Je délivre dans les 5 minutes après m’être reconcentrée, le placenta sort entièrement. Je n’ai pas de points à faire (et je n’ai pas d’hémorroïdes, moi qui en avais pour une crotte de lapin en fin de grossesse !) mais je demande une poche de glace car je sens que ma vulve est bien gonflée. Cela me soulage d’ailleurs immédiatement.
Pierre s’endort derrière moi en regardant son fils, je m’endors aussi, M. rempli l’administratif en nous surveillant. Ce bain d’ocytocine est délectable. Je suis fière d’avoir été jusqu’au bout, j’ai vécu un accouchement en intensité incomparable à celui d’Isaure, et en duo avec mon mari. Il m’a soutenue, énervée (même si les situations devaient être comiques), mais il a été exceptionnel. J’en suis retombée amoureuse comme au premier jour et je chéris ce moment depuis.
NB : après ces 2h30 de peau à peau, nous pesons bébé. Un brave gaillard de 3,760kgs. Je rappelle ici que j'ai été suivie pour petit poids gestationnel au 3ème percentile. A la T3 il était estimé à 3,2kgs et je ne fais pas de DG. LOL.