alecto
Bonjour à tous.
Je pense que les propos d'Alecto notamment sur les responsabilités gouvernementales sont vraiment intéressantes à prendre en compte et je les partage?
Je dois aussi avouer que cela fait plusieurs posts CA sur le confinement qui me donnent envie de partager un texte que j'ai lu de Geoffrey De Laganie (dont je ne suis pas du tout une fan en général mais certains des propos de ce texte me semblent importants à méditer) :
"Tout le monde comprend la nécessité de prendre des mesures pour freiner la propagation du COVID-19. Et il ne s'agit pas ici, évidemment, d'en mettre en question le principe. Mais les dispositifs sociaux sont toujours investis par des passions et des fantasmes collectifs. La lutte contre l'épidémie et la politique du confinement sont l'occasion à la résurgence de pulsions particulièrement problématiques. Des affects s'emparent de nous presque à notre insu, qui structurent notre manière d'appréhender le présent et font régner une ambiance étouffante. Nous devons aujourd'hui nous méfier de nous-mêmes si nous ne voulons pas que les valeurs qui structurent notre rapport à la pandémie donnent naissance à un monde durablement irrespirable.
1. Nous devons d'abord nous méfier d'une certaine forme de dolorisme. Beaucoup s'indignent de voir à leur fenêtre des personnes marcher, faire du vélo ou du jogging pendant des heures. De nombreuses voix s'élèvent pour exiger un confinement total voire un couvre-feu.
L'injonction à " rester chez soi " et la nécessité de la distanciation sociale fournissent un prétexte pour renforcer les pulsions de contrôle de chacun sur chacun. Mais ces prises de positions illustrent surtout une tendance à ne pas appréhender la lutte contre la maladie en termes rationnels (on se demande bien quel problème pose le fait que certains se baladent s'ils le veulent pendant des kilomètres s'ils le souhaitent la nuit). Nous l'éprouvons comme une sorte de rituel d'expiation collective, comme cérémonie de la douleur à laquelle chacun devrait prendre part obligatoirement, dans une logique sacrificielle. C'est presque comme si nous activions des schèmes magiques et primitifs : la souffrance collective comme cérémonie de rédemption qui nous assurerait la guérison rapide. Ces demandes sont souvent formulées en invoquant la souffrance des soignants : " des gens meurent, les soignants sont débordés, restez chez vous ". Comme si, parce que les médecins et les infirmiers souffrent, il fallait que tout le monde souffre, et souffre le plus possible même inutilement..(...)
2. Nous devons aussi nous méfier du familialisme qui caractérise notre manière de faire régner l'obligation de distanciation sociale. Le confinement a produit un éclatement et une délégitimation de toutes les formes de vie non institutionnelles et familiales. L'autorisation de certains contacts et l'interdiction d'autres a produit une reconfiguration psychique des liens que chacun de nous entretient avec les autres - certaines relations intimes ont été définies comme des relations étrangères que nous ne pouvons plus entretenir : il est possible de vivre a 8 dans une maison si l'on est mari et femme avec enfants et grands parents mais deux amis célibataires ou amants qui n'habitent pas ensemble mais pourraient malgré tout être vus comme formant une petite unité domestique sont interdits de se voir. Un policier est placé entre eux.
Le confinement redistribue le dedans et le dehors du cercle de la vie de manière brutalement institutionnelle, irrationnelle et désigne comme des étrangers qui n'ont plus vocation à se voir, toutes celles et tous ceux qui vivent autrement que selon le schéma de la famille nucléaire sous le même toit. Il est pensé de manière homogène et brutal indépendamment des modes de vies et des conditions sociales. (...)"
Je précise que je vis pourtant dans un petit appartement en ville, que je bosse dans le médico sociale donc que je continue de travailler mais dans de moins bonnes conditions, que je monte une jument depuis 3 ans ½ plusieurs fois par semaine et que je ne l'ai pas vu depuis le 14 mars alors que ça me brise le c?ur, que je ne sors en dehors de mon taff qu'une fois par semaine pour faire mes courses? bref, je ne pense pas être privilégiée par rapport à cette période, je respecte les règles de confinement et je n'invite personne à faire l'inverse.
Je ne suis pas non plus en train de dire que les personnes qui ont des réactions virulentes par rapport aux propriétaires qui refusent de respecter les règles sanitaires juste par plaisir de voir pom-pom ne sont pas légitimes d'être agacées et sont toutes des hystériques portées par leurs pulsions...
Mais je pense qu'il ne faut pas perdre, de par la crise, toute forme d'intelligence collective et d'empathie à l'égard d'une personne qui s'interroge sur un unique déplacement pour rejoindre l'être aimé et évoque une réelle souffrance au sein de sa famille...
Ce n'est pas du tout le premier post où je trouve les réponses très virulentes et c'est pour cela que je me suis permise de partager un texte qui personnellement m'a fait réfléchir à mes propres élans de violences (parce que oui je regarde parfois de travers mon voisin quand je suis sur mon balcon et que je vois qu'il sort de chez lui pour la troisième fois de la journée?puis je réfléchis, je me rappelle que je ne sais rien de son job, de son état de santé, de sa vie... Et que je me laisse peut être emporter par un phénomène collectif de jugements et de colère, pas par une pensée raisonnée quand je lui balance mon regard de maton).
Je n'ai pas pu m'empêcher de penser aussi que si Pénélope avait évoqué un énorme malaise en vivant chez son mec et qu'elle s'interrogeait sur le fait de retourner chez ses parents, les réponses auraient été différentes. La fameux modèle traditionnel de ce que doit être un foyer évoqué aussi dans le texte...
Bref, je le redis, je ne fais pas l'apologie du non-, respect du confinement.
Je me dis juste qu'il nous faut être vigilants par rapport aux externalités négatives du covid sur nos relations et nos jugements.
Puis si certains peuvent se balader 1h, à 1 km de chez eux, chaque jour pour garder une santé psychique et physique convenable, pourquoi une personne ne pourrait pas se déplacer d'un point A à un B, en voiture, pour rejoindre son conjoint si son équilibre psychologique est en jeu?