nianys a écrit le 26/08/2011 à 16h02: |
| |
Je suis très intéressée, pourrais tu expliquer vraiment ce qu'est un authentique émotif, et comment tu as utilisé les contrats avec lui ? |
|
|
Je vais faire un roman car c'est complexe mais je vais tâcher de bien écrire pour pas trop vous souler.
Je l'ai eu à ses 3 ans, il était sur l'oeil en permanence, complètement flippé voire souvent tétanisé, en tentative de fuite hyper-rapide et violente dès que qqch n'allait pas (ou même rien... enfin de MON point de vue).
Bref, j'ai mis ça sur le compte de l'écurie de courses d'où il sortait. Je l'ai bossé en main longtemps. Impec mais toujours pareil : flippé.
A mon avis avec le recul ce cheval n'a jamais été brutalisé.
Il est comme ça, point barre. Aux écuries de course il a dû mener une vie de cheval normal, au pré (il y était quand je l'ai achété) etc. Bref c'était une parenthèse sur ce que je pensais avant d'avoir compris LE truc.
Pour faire un brin de pseudo-théorie :
Un cheval émotif est mal compris, un peu comme un humain autiste en fait : on prend ça pour de la fainéantise, on le bouscule, on le force... et on ne fait qu'empirer le truc.
Par exemple, les émotifs ont une peur panique de l'environnement qui les entoure. Ils sont montables hein, je vous rassure. Ils sont gérables aussi, quand on les comprend, je me fais plaisir avec mon cheval c'est pas le souci.
Mais certaines choses sont différentes et demandent 200% de patience et de compréhension. Exemple : il a peur d'un tractopelle. Cabrés, yeux exorbités, demi-tours, renâclements (ceux qui s'entendant à 3km
), tremblements etc...
Je précise, quand c'est comme ça je suis à pieds sinon je risque ma vie (je pèse mes mots).
Bref, ce jour-là je passe 1h à lui montrer que ça ne risque rien.
Je pars avec une victoire : il broute sous la roue de la machine, détendu.
Je pars des écuries, vais faire un tour à pied, reviens 30min plus tard... Même cirque. Voire pire.
Les gens m'ont dit, face à de telles situations déconcertantes (je l'ai depuis 4 ans donc j'en ai entendu des conneries) "il se fout de toi" - "remonte et cravache" - "pousse-le bordel !" - "c'est pas de la peur, c'est de la flemme".
Seulement, je me suis refusé à toute violence et j'en ai parlé à des pros (ostéo, véto, coach d'écuries d'endu, bref tout confondu, je cherchais pas spécialement d'infos à l'époque, juste je leur expliquais la bestiole). Tous m'ont répondu un mot : "émotif".
C'est-à-dire que grosso modo le cheval n'aura jamais confiance en son environnement, sera toujours en train de se sentir attaqué, sera méfiant, exagérément explosif (par peur) etc...
Pourtant mon cheval a tout à fait confiance en moi. Je vais au-delà : il porte une confiance et un respect à celui qui le mène en longe ou le monte absolument impeccable. Il est doux avec les humains, fait attention à tout par rapport au contact, à la distance. Bref, du vrai respect. Même quand il a peur d'ailleurs.
C'est par rapport, je me répète, à l'environnement global, qu'est le vrai problème.
Même au pré c'est drôle des fois il broute tranquille et en une demi-seconde BAM il est au fond du pré, arrivé là par on ne sait quel triple-galop, les yeux révulsés, à regarder on ne sait quoi
Au début c'était dur. Bon, pas dur comme avec un cheval rétif, loin de là. Dur parce que dangereux, surprenant. J'ai fini aux urgences. Bah ouai, les demi-tours au galop dans une pente très forte pleine de cailloux et en virages faut les tenir quand même. Surtout qu'il ne prévient pas le moins du monde.
Maintenant j'en rigole car j'ai COMPRIS. Nous nous entendons de mieux en mieux, j'essaye (c'est dur mais bon) d'anticiper ses réactions. Mais je ne pourrais jamais le confier pour plus qu'une séance en carrière ou une balade au pas derrière un cheval calme.
Moi, à présent, je me fais plaisir avec. Je sors seule, je fais de l'endu etc... Bon je monte quand même avec bombe et gilet, cf ma photo de profil.
Si je mets autant de passion à expliquer cela c'est parce qu'à mon avis, même si les vrais émotifs sont rares, les gens ne prennent pas le temps de bosser vraiment un cheval qui a peur en le respectant, en le comprenant, en se mettant à sa place. Les gens qui fréquentent mon cheval comprennent, désormais. Ils hallucinent littéralement quand ils voient certaines réactions à l'extérieur.
Au début personne ne me croit car c'est un cheval exemplaire : bosse bien en carrière, sors seul même sur plusieurs heures sans connaître les chemins, parfait en longe etc...
C'est un peu un cheval à bi-face en fait
Les contrats m'ont aidée car ils ont été une des facettes de la communication "spécifique Quareldo" que j'ai établie : en douceur, en fermeté mais en guidant, en rassurant constamment, jamais en imposant. Ils vont dans ce sens et permettent de travailler ce cheval de façon sereine (enfin, pas tout le temps
), et de le faire progresser, de NOUS faire progresser.
En lisant les livres de VSV, en écoutant les trecistes et enduranciers avec qui je partais en concours, je suis passée du discours classique "ne descends pas, pousse-le, il se fout de ta gueule" à "peut-être est-il différent, instaure la douceur et la patience, comprend-le".
Je dis pas qu'avec mon cheval je me contente de le sortir pour le faire brouter, non non c'est pas uniquement ça comprendre un cheval et instaurer la douceur. C'est aussi monter, travailler, sortir en compet... mais différemment.
Mon cheval n'est pas fou, il est comme beaucoup d'autres (une jeune fille du forum avait un trotteur identique au mien), et ce n'est pas la seule "caractéristique" qui peut affecter un cheval d'ailleurs... Seulement, les cavaliers ne cherchent pas plus loin : "c'est un trotteur, il a été brutaliser, faut le remettre dans le droit chemin sinon il se foutra de toi tout le temps". No comment...
VSV a tout pigé (je le sais, mon cheval se trouve toujours dans le pire des exemples qu'elle cite alors j'en témoigne, elle a tout compris quant aux réactions à avoir dans ces cas-là).
EDIT : j'ajoute aussi pour info qu'un émotif est souvent doublé d'une hyper-sensibilité. Le mien avec la pression du petit doigt il te fait un 360° en une fraction de seconde. C'est un peu surprenant mais hyper utile dans des situations où avec un cheval normal il est dur de gérer 500kg. Ex : chargement dans un van, etc... Je n'ai par ailleurs jamais talonné mon cheval de toute sa vie, une infiiiiiiiiime pression du genou (la partie la plus éloignée de son corps quand je suis en selle) suffit pour le faire partir à l'allure supérieure. Voyez, tout est calculé pour le toucher le moins possible car sinon tout est interprété comme un ordre voire une attaque
Enfin bref, tout ça se travaille. Au début je me suis dit "ok je veux régler ce problème". Mais en fait c'est hyper-intéressant de bosser ce genre de cheval car c'est le seul type de cheval (sauf haute école etc) où tu es sans cesse en train de communiquer avec lui. Je me fais chier sur les autres maintenant
Du coup j'ai plus envie de le changer... Et puis même, je n'aurais pas pu, il est comme ça point barre.