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Rênes allemandes
Posté le 30/10/2011 à 20h16
La rêne allemande, nous y voilà !
Elle remplace une main qui serait placée, au mieux, au niveau des genoux du cavalier, et qui saurait rendre dès que le cheval cesse ses résistances vers le haut, par tétanisation des muscles du dessus de l'encolure.
Et comme tous les enrênements, elle n'a aucune sensibilité. Si tu n'as pas une idée exacte du placer que tu recherches à l'instant T en fonction du type de résistance que tu rencontres dans ta relation à la bouche du cheval, tu ne sauras pas les règler, ces foutues RA, ni d'ailleurs les problèmes.
Pour moi elles ont fait beaucoup de dégâts depuis qu'elles sont revenues à la mode, parce que leur puissance donne aux cavaliers l'illusion de maîtriser la situation. Mais elles éteignent, pire, elles cassent les malheureux esclaves qui ont eu à les souffrir. Et s'il leur reste du tempérament après la torture qu'elle leur a imposée, ils redeviennent d'autant plus difficiles dès qu'on essaye de se passer de l'enrênement.
A la fin des années 80, quand je venais de passer mon monitorat, on m'a confié une new forest très qualiteuse et réactive qui traînait depuis deux mois dans un boxe, après avoir chuté avec son jeune cavalier et lui avoir cassé un bras. Les parents m'ont demandé si je voulais bien la retravailler assez pour pouvoir remettre leur fils en selle dans la confiance.
J'ai bossé beaucoup à la longe, pour ne pas déranger cette bonne et ardente poneytte avec mes 65 kilos, et la jument a retrouvé goût au boulot. Après un mois, j'ai commencé à la monter, beaucoup au pas au début, puis de proche en proche à toutes les allures, et cette bonne bête m'étonnait par sa réactivité et ses aptitudes à s'équilibrer malgré mon poids important pour elle. (elle toisait 1,40m)
Parallèlement je la longeais avec son jeune cavalier sur le dos, lui apprenant à sentir son placement, à se faire léger et discret, et restant au dessous du niveau que j'avais atteint en la montant : je n'ai demandé le trot en longe montée que quand le l'ai sentie à l'aise sous mes fesses au galop, je ne l'ai galopée montée en longe que quand j'ai sauté avec elle quelques barbettes sans désordre, etc. C'était passionnant de voir mon jeune élève reprendre confiance en comprenant, parce qu'il le sentait, comment on s'accorde à un dos réactif sans être une gêne pour son fonctionnement.
Mais sa famille a déménagé, et il est parti en emmenant sa jument, bien décidé à progresser encore...
Quelques années plus tard, coup de fil de ses parents que j'avais oubliés. Leur fils avait suivi avec sa jument un cycle d'obstacle en junior sous la direction d'un instructeur dans une "bonne maison", et il était allé jusqu'en finale du championnat de France. Mais il avait grandi et sa jument était décidément trop petite pour lui. Ils cherchaient à la caser quelque part, et avaient entendu dire que j'avais de la place. A l'époque ma fille avait 9 ou 10 ans, et je me suis dit que je tenais une bonne monture pour lui donner envie.
Bref, j'ai acheté cette jument, sans l'avoir revue ni essayée. Le lendemain du jour où elle est arrivée à la maison, je lui mets un filet et je sors promener à cru, tout heureux de nos retrouvailles. J'ai su dès la première foulée de trot que j'avais fait une erreur en la rachetant. Elle se sauvait en précipitant, tétanisée dans son dos, impossible à suivre dans l'assiette, au point que j'ai failli glisser de côté avant d'avoir pu l'arrêter...
JAMAIS je n'ai pu retrouver les sentations de moelleux et de juste tonicité qui m'avait fait flasher pour elle. Et j'ai insisté plus de 4 ans. Jamais bien sûr je n'ai osé laisser partir ma fifille avec elle en ballade. Je me suis servi de la jument pour la longer avec ma fille sur le dos, tout au plus ai-je pu débrancher la longe pour le pas et le trot dans notre carrière, et jamais en réussissant à en obtenir des séquences rênes à la couture. De guerre lasse j'ai échangé cette jument comme poulinière contre un hongre, après ces quatre ou cinq ans.
Juste avant qu'elle parte vivre sa vie de poneytte de concours, j'avais galopé avec elle dans un chemin pourri en m'étonnant de la sûreté de son pied et sans jamais la sentir gênée par mon poids, sans ressentir aucune crispation dans les faciles transitions descendantes pour revenir au pas. Je me souviens encore de cette dernière ballade, tellement je m'étais fait plaisir !
Et maintenant un fait qui n'a l'air de rien, mais qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille : au téléphone, quand je leur avais demandé si la jument avait vu autre chose qu'un club ou une carrière, les parents du jeune homme m'avaient dit que si si , il partait souvent en promenade seul, par sécurité il prenait des rênes allemandes mais il ne s'en servait pas, c'était parce qu'elle travaillait souvent avec...
Voilà pourquoi je déteste la rêne allemande. C'est un peu long mon topo mais si ça peut en convaincre quelques-uns(unes), je n'aurai pas perdu mon temps...