Pour changer, j'ai envie de vous raconter les progrès d'une autre jument, Quino. C'est plus positif que la jument "spéciale" que je sors en concours, même si c'était vraiment très très mal parti.
Avec Quino, pas de concours pour l'instant, peut-être finirais-je par pouvoir la sortir en prépa, qui sait, avec le temps (prépa car jument ONC malheureusement). Je poste ici, car je l’oriente surtout vers le dressage.
L'essai:
une recherche très imprécise. Je voulais un cheval de loisir pour mon père (dont on venait de mettre le cheval de 20 ans à la retraite), donc sans souci de papiers ou pas. Il ne voulait pas un poulain, mais jeune quand même. Pas de cheval de sang. Pas un cheval cher. Un cheval porteur, polyvalent. Bref, cet idéal pas facile à trouver.
Bref, je tombe (après de longues recherches, car aucun cheval que je trouvais ne plaisait à mon père qui finalement se montre très influencé par l'esthétique du cheval), je tombe sur la photo d'une jolie espagnole (ONC mais de parents à papiers) de 6 ans. Le jour de l'essai, je vois une jument efflanquée et en nage (j'aurais dû me méfier, elle avait été "épuisée" avant). Les conditions d'essai ne sont pas idéales, de plus la jument a été tout l'hiver dehors (ce qui n'est pas un problème en soi) mais visiblement sans quasiment être nourrie. Montée avec martingale sur mors à branche. A pied, calme, gentille et respectueuse, comme beaucoup d'ibérique. Il y aura sans doute du travail, mais j'ai déjà "remis" une ibérique traumatisée 10 ans plus tôt. On la prend.
L'arrivée:
et là... catastrophe

. Je savais que la jument n'avait jamais tourné en manège, mais c'est pire que tout. Elle est simplement immontable. Impossible de se mettre en selle, on n'a pas le temps de s'asseoir (encore moins de mettre l'étrier droit). Elle fuit en panique complète, tête renversée en arrière, bien sûr sans aucun équilibre, sur n'importe quel pied. Elle se jetterait dans les murs. Dans un manège de 40*16, il y a de quoi se faire peur. Au fil des séances, il devient possible de se mettre en selle, mais je découvre qu'il est impossible de:
-toucher aux étriers (peur encore plus grosse à gauche)
-ressangler (ni même se pencher pour toucher à la sangle)
-lâcher les rênes d'une main
-bouger un peu son assiette
- éternuer…
bref impossible de rien faire, il faut rester figé, jambes écartées de ses flancs, sans bruit (et pas avec n’importe quel manteau).
Elle ne sait pas du tout marcher (elle trottine, tête plaquée par peur du mors), ne sait pas trotter (elle fait une espèce de petit truc étriqué), ne sait pas galoper (elle fuit immédiatement dès qu'elle est au galop). Et avec tout ça, impossible de faire un cercle, elle n’a aucun équilibre, ne connait pas les aides, ne s’incurve pas du tout. Elle est tellement raide et coincée que ça la fait boiter à une main.
Quelque soit l’allure, il faut la cramponner car elle n’a qu’une idée en tête : accélérer et se laisser tomber dans l’allure supérieure, ce qui se solde par l’éternelle fuite au grand galop, nez au vent et dos creux. La seule façon de l’arrêter : sur une rêne, en tirant pour la tordre, en catastrophe (ou en la bloquant dans un coin du manège). Je me suis fait peur une paire de fois. Et comme elle est ronde (elle a du doubler de poids depuis qu’on l’a), les selles tournent. Il m’est même arrivé d’être obligée de sauter, car selle tournée, jument en grande panique, j’ai craint qu’elle ne saute la lice (le manège n’a des murs que sur 3 côtés et est ouvert sur le 4è).
Pourtant, à pied, elle est sage, posée, mature, et m’a très vite fait confiance. Mais comment elle a été débourrée, cette pauvre jument ?
Les progrès :
Le temps passe, les progrès sont lents. Elle est toujours dans la peur extrême du cavalier. Je tente un redébourrage avec reprise à zéro (après quelques temps de travail à pied sans la monter). En vain. Tout va très bien, jusqu’à ce qu’elle ait le poids du cavalier.
Finalement, moi qui étais passée tout de suite à un mors doux, je suis obligée de revenir au pelham avec martingale (ça fait mal), ça la sécurise. Avec de la patience, j’arrive à obtenir l’immobilité au montoir, puis la possibilité de trotter sans partir immédiatement au galop. Un peu d’équilibre et d’impulsion (au début, elle s’arrêtait avec les postérieurs à trois kilomètres). On peut faire des cercles, et même des voltes.
Petit à petit, après des recherches sur l’embouchure la plus adaptée, je passe à un mors plus doux (transition par le pelham à 4 rênes).
Puis vient la mobilité des hanches et l’extension d’encolure. Elle commence à être capable de se relâcher un peu. L’apparence de boiterie disparaît. Elle s’arrête plus droit, avec les postérieurs plus sous elle.
Enfin, un jour… on marche ! Elle ne trottine plus (enfin, plus tout le temps) !
Je commence les départs au galop par prise d’équilibre. Elle se traverse complètement à une main et se couche. A l’autre, elle part sur l’épaule extérieure et ne tourne pas. Elle prend de la vitesse. Une fois qu’elle a galopé, impossible de continuer le travail ou même de repasser au pas. Il faut l’arrêter.
On travaille sur les barres au sol. Elle comprend bien. Et de comprendre la sécurise et la calme. C’est une élève appliquée. Elle essaie de faire ce qu’on lui demande ( Elle a peur de tout ce qu’elle a appris « avant », mais reste très posée face aux nouveautés). Je m’aperçois qu’elle essaie de vaincre ses peurs, de se retenir. Parfois elle sursaute, prête à fuir, je la sens se raidir, mais elle ne part pas, elle attend de voir ma réaction. On progresse.
Je peux lâcher une main pour remonter ma bombe, je peux ressangler un sanglage bas (soulever un quartier pour ressangler un sanglage haut, c’est autre chose).
Aujourd’hui :
Il y a eu d’énormes progrès. Heureusement, ça fait plus de deux ans et demie quand même. Avec des moments de doutes où je me suis demandée si j’y arriverais (mais le fait de ne pas savoir quel pro sur le secteur pourrait reprendre sans la brusquer une ibérique traumatisée m’a dissuadée de la mettre au travail quelque part). Aujourd’hui, Quino peut être ressanglée montée. Je peux changer la taille de mes étriers (avec précaution quand même), je peux monter avec mon « manteau qui fait du bruit ». Elle marche et trotte rênes longues à la détente (même montée par quelqu’un d’autre – avec précaution). Elle a pris confiance dans le mors, je peux la monter en mors à olive double brisure, avec ou sans martingale, en goyo, en pelham, elle n’en craint plus aucun. Elle commence à se ramener sans s’appuyer ni passer en dedans de la main. Je l’ai même montée récemment à quelques reprises en bitless. Elle peut faire des cercles au galop au deux mains. Elle prend le galop du pas et même de l’arrêt. Niveau équilibre et rectitude, ce n’est pas encore ça, mais ça s’améliore. Elle n’a plus peur de galoper et n’embarque plus, même s’il faut rester sur ses gardes. Elle fait des transition galop-trot-galop sur la diagonale qui deviennet correct. un début de ligne courbe aussi. Je peux sauter des petits croisillons isolés rênes détendues en la gardant au trot. Après le galop, j’arrive à faire redescendre la pression (avec un peu de temps quand même) et à la remettre au pas en fin de reprise.
Dernièrement, travail sur l’arrêt sur la ligne du milieu, avec le moins de main possible, en me grandissant et en serrant les jambes pour la redresser et lui faire redresser le garrot et engager les postérieur. Des résultats prometteurs aux trois allures, même si elle se traverse encore au galop (avec elle, on a toujours eu l’impression que les postérieurs poussaient trop et passaient devant).
De vraies difficultés, quelques risques parfois, mais en fin de compte, de grandes joies.
Il y a encore beaucoup de travail à faire, beaucoup de progrès à accomplir. Mais elle a de bonnes dispositions et je ne désespère pas que vous me voyiez sur les carrés de dressage avec elle d’ici quelques temps.
le jour de l'essai, avec le matériel de ses anciens propriétaires
au travail (il y a déjà quelques temps, il faut que je refasse des photos en mors simple)
voilà pour ma "petite" histoire. J'essaierai de vous faire partager nos progrès à venir