|  | Merci @Madstripes pour les éclaircissements.
Pour ce qui est de "l'épée de Damoclès" dont il est question plus haut, corrige moi si je me trompe mais il me semble que les vendeurs animaliers et éleveurs ont réussi à obtenir que la garantie de non-conformité soit carrément supprimée dans la nouvelle loi qui dot s'appliquer (là encore, si je ne me trompe pas) en mars 2016, non? |
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Baliverne
Oui, c’est vrai, mais l’obligation de conformité du Code de la consommation subsiste pour les ventes antérieures au 15 octobre 2014, la loi qui l’a supprimée n’ayant pas d’effet rétroactif.
J’en profite pour rebondir sur l’obligation du vendeur et sur les remarques que font ici les professionnels.
Je comprends très bien leurs préoccupations pratiques, et en particulier le fait qu’ils ne vendent pas des salades mais des animaux vivants, plus complexes que les autres dans leur évolution, ne serait-ce que parce que nous avons pris la très curieuse habitude de leur monter dessus et de leur faire faire des choses qu’ils ne feraient jamais à l’état naturel.
Mais la conclusion selon laquelle quoi qu’il arrive le vendeur est toujours responsable, serait par trop hâtive.
N’oublions pas que l’acheteur qui pourrait encore engager l’action sur le fondement de la non-conformité parce qu’il a conclu la vente avant le 15 octobre 2014, devrait prouver que la non-conformité qu’il invoque rend le cheval impropre à sa destination, telle qu’elle a été convenue avec le vendeur.
Je prends volontairement un exemple grossier, pour être clair : j’achète un cheval de 20 ans et je dis au vendeur que c’est pour meubler mon pré. Je décide finalement de le mettre au CSO et constate que papy n’a plus le souffle pour boucler un tour. Le vendeur ne me doit aucune espèce de garantie : il m’a vendu un retraité, pas un champion du monde de saut d’obstacles. Par contre, si papy brise systématiquement mes clôtures, ce n’est pas un cheval qui peut rester au pré donc le vendeur est responsable : il ne m’a pas vendu ce que je lui ai commandé.
Et il y a un autre garde-fou, puisque si la non-conformité se révèle postérieurement à un délai de six mois suivant la livraison, l’acheteur doit non seulement prouver la non-conformité, mais également son antériorité par rapport à la vente, ce qui peut se révéler très compliqué.
Maintenant, prenons l’action fondée sur le droit commun de la vente, c’est-à-dire sur la garantie légale des vices cachés. Vous savez qu’il existe une action très particulière, prévue par le Code rural, réservée à la vente d’animaux vivants et ouverte uniquement dans certains cas de vices dits « rédhibitoires », limitativement énumérés.
Cette action est tellement difficile à mettre en œuvre par l’acheteur d’un point de vue procédural, que la Cour de cassation, qui dans un premier temps avait jugé qu’il n’y avait pas d’autre action ouverte à l’acheteur que celle-là (c’était à l’époque ou l’action en non-conformité du Code de la consommation n’existait pas encore), a fini par admettre qu’on puisse invoquer la garantie légale de droit commun, celle prévue par le Code civil.
Mais la Cour a là encore posé des garde-fou : cette action est ouverte à condition que le vice invoqué ne soit pas l’un de ceux énumérés par le Code rural (autrement dit, si on a raté le délai d’action ultra court du Code rural, on ne peut pas se rattraper avec celui plus long du Code civil) et, surtout, il doit concerner un élément du contrat, autrement dit l’existence de ce vice doit priver le cheval d’une qualité que l’acheteur attendait de lui en l’achetant, attente que connaissait le vendeur.
Et là, vous comprenez que l’on aboutit finalement à un système équivalent à l’action en non-conformité du Code de la consommation : non seulement il faut démontrer le vice, non seulement il faut démontrer qu’il est antérieur à la vente, mais il faut aussi démontrer qu’il touche une qualité du cheval sans laquelle on aurait pas accepté de l’acheter, le tout dans un délai de prescription relativement court.
Donc, quel que soit le fondement, c’est souvent un parcours d’obstacles pour l’acheteur, en tout cas s’il est mal conseillé puisqu’il y a beaucoup de petits « trucs » qui permettent de contourner certains de ces obstacles, comme d’ailleurs il y a beaucoup de petits trucs qui permettent au vendeur de se débarrasser de ce genre d’action (mais ne rêvez pas, je ne vous les donnerai pas ici).
Tout cela pour dire quoi ? Que la relation acheteur / vendeur n’est juridiquement pas si déséquilibrée qu’elle vous paraît. C’est simplement que vous ne prenez pas en compte la – très – lourde charge de la preuve auquel l’acheteur est astreint.