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Risques mise à l'herbe en hiver
Posté le 12/11/2019 à 14h49
Suite à mon dernier message où j’ai souligné que les informations incorrectes données par frederique3560, je reviens commenter…
1 / la fourbure liée au pâturage/herbe
@frederique3560 soutient que « les fructanes dans l’herbe cause une acidose par perturbation de la flore bactérienne au niveau du gros intestin et provoque la fourbure » FAUX.
C’est un point de vue qui date de plusieurs décennies en arrière et qui continue à être véhiculé et montre une totale méconnaissance des connaissances actuelles sur la fourbure.
Aujourd’hui, on sait qu’il existe 3 types de fourbure :
1/ - la fourbure d’origine endocrinienne ; elle a pour cause une hyperinsulinémie, c'est-à-dire des taux d’insuline sanguins élevés ; le cheval/poney a un dérèglement de l’insuline (insulino-résistance et hyperinsulinémie), c'est-à-dire le cheval a le SME (Syndrome Métabolique Equin) et s’il est âgé de plus de 10 ans, il peut avoir le SME + le DPIP (dysfonctionnement de la Pars Intermédia de la glande pituitaire anciennement nommé maladie de Cushing).
Les facteurs conduisant à un SME/dérèglement de l’insuline sont un apport en excès de sucres simples et amidon dans l’alimentation (herbe…), obésité générale ou dépôts de graisses localisés (chignon au niveau encolure, épaules, base de la queue…), prédisposition génétique, manque d’exercice, défaut de clearance de l’insuline.
La fourbure d’origine endocrinienne représente 90 % des cas de fourbure et toutes les fourbures associées au pâturage/ herbe sont des fourbures d’origine endocrinienne. Les déclencheurs sont les sucres simples (glucose, fructose, saccharose) et l’amidon dans l’herbe car ils vont induire après ingestion et digestion enzymatique au niveau de l’intestin grêle, une augmentation du taux de glucose sanguin et par conséquent une élévation des taux d’insuline sanguin.
Pour rappel : l’insuline est une hormone secrétée par le pancréas qui est nécessaire pour faire rentrer le glucose (issu de la digestion des sucres et véhiculé par le sang après passage de la barrière intestinale) dans les cellules cibles qui en ont besoin (foie, muscles, graisses) et donc ramener le taux de glucose sanguin (glycémie) à la normale après un repas.
Chez les chevaux qui ont un dérèglement de l’insuline, ils sont insulino-résistants car les cellules cibles sont devenues insensibles à l’insuline et pour que le glucose puisse rentrer malgré tout dans les cellules (pour ramener la glycémie à la normale), il va falloir davantage d’insuline secrétée par le pancréas pour forcer la porte d’entrée si je peux dire. De ce fait, les taux d’insuline sanguins vont être et rester en permanence élevés (hyperinsulinémie) chez les chevaux ayant un dérèglement de l’insuline ( chevaux SME ou SME+DPIP) d’autant plus s’ils sont à l’herbe 24h/24 avec une ingestion permanente de sucres+amidon.
L’insuline élevée dans le sang va fragiliser le système lamellaire (rôle de velcro entre la paroi du sabot et la 3ème phalange P3) au niveau des pieds, ce qui va provoquer sous l’effet du poids du cheval, l’écartement de la paroi et une rotation de P3. La fourbure d’origine endocrinienne est insidieuse et œuvre dans le temps sans que le cheval montre de signes et souvent le diagnostic est posé au stade déjà de fourbure chronique (on parle de fourbure chronique lorsqu’il y a rotation de P3) révélée par des signes externes au niveau du sabot (voir chronic laminitis sur le site The Laminitis Site) et les radios des pieds.
La fourbure endocrinienne n’implique pas d’’inflammation donc ne nécessite pas de traitement avec des anti-inflammatoires si ce n’est les 2 ou 3 premiers jours contre la douleur qui est une douleur mécanique ( écartement de la paroi). Le vrai soulagement de la douleur viendra du parage correctif (parage de réalignement).
2 /- la fourbure associée à une sepsis/infection généralisée (une infection généralisée se propage dans l’organisme par voie sanguine à partir d’un foyer infectieux initial) ( fourbure SRL) - c’est lorsqu’un cheval est sérieusement malade (colite, septicémie, métrite, péritonite, endotoxémie, ingestion massive de grains…) avec un risque vital engagé, il doit être en général transporté en clinique; il présente tous les signes du syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) c’est à dire, la fièvre, la diarrhée, l’abattement, la tachypnée, la tachycardie , les signes du choc circulatoire, une leucocytose ou une leucopénie ; il développe une fourbure secondaire à cette infection primaire.
Cette fourbure est d’origine inflammatoire (nécessité d’administration d’anti-inflammatoire+cryothérapie) avec rupture brutale du systéme lamellaire et le plus souvent perforation de la sole par P3. Ce type de fourbure est rare (10 % des cas) mais les vétos ( la majorité des vétos qui n’ont pas les connaissances actuelles de la fourbure que je vous donne ici ) assimilent toutes les fourbures et traitent toutes les fourbures comme une fourbure de type SRL c'est-à-dire avec AINS et recommandation de douche froide…hors toutes les fourbures (90 sur 100) sont endocriniennes !!! et comme expliqué précédemment ne sont pas ou peu inflammatoires…
3 /- la fourbure associée à la surcharge d’un membre (SLL) – c’est lorsqu’un cheval a une boiterie sérieuse depuis une durée d’au moins une semaine qui l’oblige à reporter tout son poids sur le membre directement opposé (par exemple antérieur droit/antérieur gauche) et développe une fourbure au niveau du pied en surcharge qui porte plus de poids qu’il ne le devrait. Les fractures et infections articulaires peuvent causer une SLL. Un abcès à un pied, non.
Pour en venir aux fructanes :
Les fructanes (qui sont des fructo-oligosaccharide), sont la forme de réserve, chez les graminés, des sucres simples (glucose, fructose, saccharose) produits par photosynthèse, lorsqu’ils ne sont pas directement utilisés pour la croissance (pour information, l’amidon dans l’herbe se retrouve essentiellement dans les graines au niveau des épis chez les graminés et se retrouve également chez les légumineuses –trèfle, luzerne- comme forme de réserve des sucres)
Les fructanes ne peuvent pas être digérés par coupure enzymatique au niveau de l’intestin grêle ; ils sont fermentés par les bactéries dans le caecum et produisent des acides gras volatils.
Il est donc clair qu’ils n’induisent pas d’élévation du taux de glucose et d’insuline sanguin du fait de leur nature non digestible.
Et donc ne sont pas impliqués dans le déclenchement de la fourbure associée au pâturage/fourbure endocrinienne.
Dans le cadre d’une expérimentation (publication scientifique), l’ingestion d’une quantité importante de fructanes (chicorée), a amené le cheval à développer colique, fièvre, diarrhée explosive , infection générale et a déclenché une fourbure ; ces symptômes sont ceux d’une fourbure associée à une sepsis ou fourbure SRL (voir ci-dessus). La quantité de fructanes qui a été administrée au cheval par sonde gastrique ( pauvre cheval…) ne peut EN AUCUN CAS être ingéré NATURELLEMENT par un cheval au pré en 24h (et encore moins en 5 min comme c’est le cas par sonde gastrique…)du fait de la teneur en fructanes dans l’herbe et de la quantité d’herbe ingérée sur 24h qui ne permettent pas d’atteindre la quantité de fructanes administrée expérimentalement à ce pauvre cheval e.
Il n’existe pas dans la littérature scientifique de cas rapporté de fourbure liée à une sepsis après ingestion naturelle de fructanes ou ingestion d’herbe en abondance par un cheval au pré !
Les chevaux au pâturage qui déclenchent une fourbure ne montrent pas d’autres symptômes que ceux associés à la fourbure ; toutes les fourbures associées au pâturage/herbe sont des fourbure d’origine endocrinienne liée à l’insuline et déclenchée par les sucres + amidon de l’herbe.
C’est donc essentiellement du taux de sucres et d’amidon dans l’herbe et le foin dont les propriétaires doivent se soucier et non du taux de fructanes .
(A noter pour information, que lorsqu’on demande une analyse de foin c’est la fraction ESC (englobant glucose+fructose+saccharose) et le taux d’amidon qui nous intéressent ; en France, on ne peut obtenir que la valeur NSC qui correspond au WSC + amidon ; les WSC, ce sont les ESC+fructanes. Pour une analyse de foin correcte, il faut s’adresser à Equi-analytical aux USA par l’intermédiaire de ForagePlus ). Pour les chevaux ayant un dérèglement de l’insuline, il est recommandé pour revenir à une sensibilité à l’insuline (le SME n’est pas un état permanent mais réversible), une alimentation pauvre en sucres+amidon basée sur l’apport d’un fourrage (en quantité correspondant à 1,5 % du poids idéal en matières sèches) avec un taux de sucres+amidon<10% ; si au niveau de l’analyse du foin, les NSC sont <10% , on peut admettre que le taux de sucres simples (ESC)+ amidon est < 10%, mais si les NSC sont > 10% , on ne peut pas savoir si cela est du à un taux élevé de fructanes, sucres(ESC) ou amidon, d’où le manque de pertinence des analyses de fourrage en France (qui reflète aussi une méconnaissance des valeurs à connaître et par la même la méconnaissance de la fourbure endocrinienne…) et l’intérêt d’avoir un dosage des ESC et du taux d’amidon…Si une analyse du foin n’est pas possible, le fait de faire tremper une heure ou deux, le foin dans de l’eau froide permet d’éliminer une partie des sucres simples (ESC) qui sont solubles dans l’eau et d’appauvrir ainsi le fourrage en sucres…
2/ Teneur de l’herbe en sucres.
Je pense qu’il est important de dire que sur ce point, il est incorrect de généraliser car beaucoup de facteurs vont influencer la teneur en sucres dans l’herbe, à savoir les conditions environnementales (ensoleillement, température, irrigation, fertilisation), la variété d’herbe/son potentiel génétique (la ray-grass a une richesse en sucres supérieure aux autres graminées dactyle, fétuque, fléole…), le stade de développement.
C’est surtout les conditions environnementales (en particulier, la température mais pas seulement comme dit au dessus qui va avoir un impact sur une croissance active ou non de l’herbe et par opposition qui va impliquer un stress et arrêt de croissance de l’herbeet donc une accumulation des sucres.
Donc pour rappel, l’herbe (les plantes, graminées, légumineuses ) produit des sucres simples (glucose) ou disaccharides (fructose, saccharose) avec l’énergie solaire (lumière du soleil) ; c’est la photosynthèse ; la photosynthèse a lieu s’il y a du soleil quelque soit la température ( à moins que l’herbe soit morte…).
1/ si les températures de la nuit sont douces (>5°C), l’herbe utilise les sucres produits, pour sa croissance ; c’est la respiration.
Journée ensoleillée et nuits douces (températures >5°C) = croissance active de l’herbe (je sous entends ici bien sûr qu’au niveau eau et nutriments, il n’y a pas de manque…). Dans ces conditions, l’herbe sera la plus riche en sucres en fin de journée au coucher du soleil et la plus pauvre en sucres en fin de nuit, début de matinée ; ceci s’applique aussi bien à de l’herbe courte que plus haute.
Pour les chevaux à risque (ayant ou ayant fait un dérèglement de l’insuline + ou non fourbure d’origine endocrinienne donc chevaux SME ou SME+DPIP), l’accès à l’herbe pourra être autorisé de très tôt le matin jusqu’à 10h par exemple (période où donc l’herbe est la plus pauvre en sucres dans des conditions de croissance active de l’herbe. (Petite remarque : les chevaux SME ou SME+DPIP pourront être remis à l’herbe seulement si ledérèglement de l’insuline est sous contrôle, c'est-à-dire retour à des taux d’insuline sanguins normaux, poids corporel normal, traitement du DPIP s’il y lieu par le Prascend et rétablis de la fourbure/rotation corrigée par parage de réalignement).
A noter aussi que l’herbe est pauvre en sucres et amidon lors de journées pluvieuses ou couvertes (avec des températures >5°C) ; car pas de soleil donc pas de production de sucres.
De même, l’herbe qui pousse dans les zones ombragées est plus pauvre en sucres car elle reçoit un ensoleillement moindre donc la production de sucres est moindre.
2/ si les températures de la nuit sont froides (<5°C), l’herbe ne pourra pas utiliser les sucres produits la journée et va les stocker.
Les fructanes sont la forme de stockage des sucres pour les graminées .
L’amidon est la forme de stockage des sucres pour les légumineuses (trèfle, luzerne…)
Important à souligner aussi, au passage, que l’amidon va se retrouver dans les épis des graminées, donc une herbe en début d’épiaison, épiaison et jusqu’à la floraison est très riche en sucres+amidon, on peut considérer les épis avant floraison sontcomme de véritables bonbons sucrés pour les chevaux, donc pour les chevaux à risque (dérèglement insuline) à éviter absolument !
Donc l’herbe, lors de journées ensoleillées et de nuits froides (>5°C)/gel est riche en sucres et accumule les sucres lorsqu’aux nuits froides succèdent des journées ensoleillées puisque la photosynthèse a lieu quelque soit la température .
C’est le cas de figure rencontrée avec l’herbe du début du printemps (jusqu’à ce que les températures de la nuit s’adoucissent), mais aussi avec l’herbe d’automne dès que les températures de la nuit descendent en dessous de 5°C et l’herbe d’hiver. Donc l’herbe d’automne et d’hiver est riche en sucres + amidon (et fructanes* que je cite juste par souci de précisions puisque le seul danger sont les sucres+amidon).Donc des fourbures endocriniennes sont possibles dans ces périodes automne et hiver comme au printemps.
*remarque : ce sont les sucres + amidon qui posent problème (augmentation taux d’insuline) , mais au niveau de l’herbe les fructanes ne sont pas fixes comme dans le foin , c'est-à-dire, comme expliqué, l’herbe va stocker les sucres sous forme de fructanes quand elle en aura trop /pas l’utilité et re-transformer les fructanes en sucres dès qu’elle aura besoin des sucres pour sa croissance ; cela laisse supposer que les sucres ré-issues des fructanes sont utilisés immédiatement et ne viennent pas augmenter encore les taux de sucres (glucose, fructose, saccharose) présents, je veux dire que si les sucres n’étaient pas utilisés immédiatement, un taux de fructanes élevé serait à prendre en considération sur la base de la possibilité que ces fructanes retransformés en sucres (glucose, fructose, saccharose) viennent grossir à tout moment ce taux de sucres mais ce n’est pas le cas donc les fructanes, même s’ils ne sont pas « fixes » dans l’herbe reste un sujet non préoccupant (j’espère avoir bien exprimé l’idée que je veux souligner ici…) . A savoir dans le même ordre d’idée qu’une herbe riche en fructanes est forcément riches en sucres (glucose, fructose, saccharose) mais l’inverse n’est pas vrai (une herbe peut être riche en sucres + amidon sans être riches en fructanes))
Tout stress (manque d’eau/sécheresse, manque de nutriments et donc basse température/gel) entrainera un arrêt de croissance donc arrêt d’utilisation des sucres produits qui seront stockés et s’accumuleront dans la plante/herbe.
La question à se poser est « est-ce que l’herbe de ma prairie est en croissance active ? » Si oui, je peux y mettre mes chevaux à risque (dérèglement insuline) en début de matinée (6h à10h du matin ) lors de journées ensoleillées et de nuits douces, et lors de journées couvertes ou pluvieuses et de nuits douces.
Une idée, pour estimer si l’herbe est en croissance active est d’isoler quelques m2 des fils de clôture pour empêcher les chevaux d’y brouter, comme cela il est possible d’estimer si l’herbe pousse ou stagne dans sa croissance et donc accumule les sucres.
Est-ce qu’une herbe morte est pauvre en sucres ? Oui, à condition que toute la touffe soit morte et que la base ne soit pas verte car si c’est le cas, le taux de sucres + amidon reste très élevé ( ainsi que les fructanes …) .
A noter aussi que ce qui est à prendre en compte, ce n’est pas seulement le % de sucres+ amidon dans l’herbe mais aussi le volume d’herbe ingéré sur 24h (qui va être directement lié aux % de fibres /digestibilité de l’herbe) pour déterminer la quantité totale de sucres+ amidon ingérée par le cheval sur 24h ; La quantité d’herbe ingérée sur 24h (et donc de sucres ) au printemps jusqu’au début stade d’épiaison , ainsi qu’en automne avec la re-croissance de l’herbe avec le retour des pluies, est importante d’où le risque accru de fourbures endocriniennes au printemps et automne.
Pour en savoir plus, voir le site safergrass.org ; Attention, les connaissances évoluant, certains des articles sur ce site ont été écrits à une date antérieure à celle où il a été admis que toutes les fourbures liées à l’herbe/pâturage (2007) et on peut lire dans ces articles que, les fructanes peuvent causer la fourbure, donc maintenant vous savez que c’est FAUX , bien entendu ! La fourbure d’origine endocrinienne a pour cause l’hyperinsulinémie et ces taux d’insuline sanguins élevés est déclenchée par les sucres+amidon de l’herbe ingérés en excés générant une élévation de la glycémie ; les fructanes qui ne sont pas digestibles, mais fermentescibles au niveau du caecum avec production d’acides gras volatils, n’agissent pas sur la glycémie et l’insuline.
3/ Le foin de Crau