gobi me voilà, j'ai le temps !
Alors pour situer. Je suis végétarienne et je continue à réduire les produits animaux que j'achète. J'ai des poules et n'ait aucun problème à consommer leurs œufs... Par contre je ne mange pas mes poules et n'arriverai pas à le faire dans mon cadre de vie actuel.
Bon, si demain il y avait une famine par contre, je pense que j'aurai peu de scrupules à tuer mes vieilles poules pour bouffer. Je les aime mais je préfère favoriser ma vie que la leur, tout comme je préférerai probablement la vie de mes proches à celles d'inconnues en cas de situation extrême.
J'ai aussi un potager et j'utilise des intrants végétaux et animaux. Végétaux, c'est facile : je récupère de la tonte, j'ai mon compost. Pour les intrants, je me refuse à utiliser du sang ou de la corne. Mais je n'ai pas de problèmes à utiliser les fumiers les plus aisés à trouver chez moi. Il y a le classique crottin de cheval qu'on trouve en quantité astronomique et gratuitement dans n'importe quel écurie. Et par chez-moi on a le migou, du crottin de brebis, qui est lié au fait que nous sommes une région de pastoralisme.
Le crottin de cheval peut être totalement exclu de l'aspect "abattoir", c'est devenu très rare. Et on peut même, avec un peu d'effort en plus, l'exclure de la notion d'exploitation : si je vais dans une pension retraite, ces chevaux ne travaillent plus, je pourrai aussi sélectionner des propriétaires (donc particuliers) interagissant seulement en R+... Mais en fait ça ne me gêne pas. Le migou, par contre, est directement lié à l'élevage et donc à l'abattoir. Pas de consommation de brebis, pas de brebis donc pas de caca.
Mais. Ça me dérange moins. Déjà il y a un aspect pratique : il est livré directement chez-nous par le propriétaire du troupeau. Ma petite voiture ne me permet pas de remorquer donc une livraison en sac est ô combien pratique. Les bêtes sont en extensif total, sauf les jours de tempête ou de grand froid où elles vont à l'étable ou dans des prés. C'est ce mélange qu'on récupère.
Si à titre personnel je suis végétarienne, avant tout pour des raisons d'écologie. Je ne pense pas que je verrai un jours un monde (ou plutôt une Europe de l'ouest pour parler de ce que je connais) sans aucune exploitation animale. Si on peut réduire au maximum, c'est l'idéal, et on en arrivera, hypothétiquement et idéalement, à la fin de l'intensif et au retour des troupeaux en plein air. Quand il n'y a plus besoin de produire en masse, on peut produire en qualité.
Mais dans notre monde actuel j'y vois plusieurs problèmes. Déjà, l'intensif est la règle pour de nombreuses espèces, notamment car les produits de qualité demandent des efforts. Monétaire d'une part (en milieu urbain, manger bio et local est souvent plus cher) mais aussi social. Personne n'aime manger de la merde aux pesticides. Personne. Ce qui fait que les gens le font c'est l'absence de choix. Mener une alimentation équilibrée, de saison, basée sur des produits bruts peut être moins chère mais va demander des efforts en temps pour aller chercher les produits, mais aussi en cuisine, des efforts intellectuels car les plats demandent réflexion (surtout au début)... Les personnes qui enchaînent plusieurs emploies ou ont un travail pourri, courent dans tous les sens... Sont bien trop épuisées par leur quotidien pour faire un écrasé de pomme de terre cuites à la vapeur plutôt que verser un sachet de purée en poudre dans du lait, pour faire des barres de céréales à leurs enfants plutôt que glisser un paquet de gâteau dans leur sac.
Ce qui m'attriste n'est certainement pas le mode de consommation de mes contemporains. Mais le fait qu'ils ne peuvent pas manger mieux. Bien manger est un privilège et je pense qu'il est capital de le garder en tête. Juger le caddie des pauvres (ce qui n'est pas ton cas, Gobi) m'atterre franchement. C'est pointer le résultat d'un problème. Le problème étant que de plus en plus de gens ne mangent pas à leur faim, de nos jours, en France et ne reçoivent pas d'éducation alimentaire satisfaisante. Là, je me dis qu'on a failli en tant que société. Et que le versant éducation manque cruellement quand je vois que de nombreuses personnes ne savent pas qu'on peut manger correctement de façon végétale. Alors qu'il existe de nombreuses cultures où le végétarisme est totalement normal, pratiqué depuis des siècles voir est un pré-requis religieux, et qu'on le retrouve des classes les plus basses aux plus aisées.
Si on habite à la campagne et qu'on est véhiculé d'une façon ou d'une autre, c'est plus facile d'avoir des bons produits, vertueux pour le corps comme l'environnement direct et indirect.
On peut tricher aussi en achetant en gros mais ça demande organisation et stockage. Personnellement, je ne stocke rien au congélateur car... Ma facture est trop élevée si je fais tourner le congel. Il ne tourne donc que deux mois par an, le temps de faire les confitures etc... Heureusement pour moi, j'ai une cave et je met en bocal puis stocke dedans. Mais dans mon appartement étudiant, je n'aurai jamais pu faire ça.
Enfin bref, je disgresse un peu mais... Non, je ne reprocherai jamais à une personne précaire de manger de la viande bas de gamme. Elle n'a pas le choix à cause de nombreux paramètres et j'ai déjà acheté de la viande pour une personne très pauvre. J'en retire aucune fierté, ça me semble juste humain que d'aider quelqu'un à se nourrir. Par contre je vais tiquer quand une personne au moins aussi aisée que moi (et je suis sous le seuil de pauvreté) voir bien plus riche nie des décennies d'études et cherche la petite bête chez moi (genre mon migou) alors qu'elle n'essaye même pas de faire un truc en dehors du tri de déchets.
Pour le fonctionnement humain/animal, ensuite. Il y a plusieurs réalités qui co-existent déjà. Dernièrement j'ai lu un article sur des maraîchers vegans qui travaillent sans aucun intrant animal. C'était leur défi et il a été relevé. Évidemment, pour être alignés avec eux-mêmes, ils ne motorisent pas et ont conçu leur ferme en fonction. Si on a des animaux, je ne vois pas le problème d'utiliser leurs poils, déjections... Après tout, eux, ça change rien à leur vie. Même mes poules s'en tapent que je prenne leurs œufs. Quand c'est pour les tuer après, là, ma sensibilité personnelle fait que je bloque. J'ai du mal à voir le compagnonnage d'un point de vue moral si on bute son collègue à son pot de départ.
Mais encore une fois, je pense que la solution à court-terme la plus plausible est le retour de l'élevage paysan avec une diminution drastique de la consommation de PAO (donc également plus de végé). Et c'est ce qui fait que dans mon travail, j'ai choisi de me ranger du côté de ces gens. Quand bien même je ne consommerai jamais leurs produits. Je préfère voir des élevages extensifs qu'une carrière qui va assécher une zone humide : on a un but commun de protection d'un écosystème unique et ils sont la force de cette terre. On prendra le temps de se fritter sur le soja quand on aura sauvé la zone (humour).
De même, je ne suis pas opposée à la traction animale. Notamment pour cette raison de "c'est un moindre mal". C'est peut-être pas l'idéal pour le cheval de traîner des troncs. Mais certaines parcelles ne sont pas accessibles aux engins à moins de défoncer la terre ou de créer des saignées. Je préfère voir une utilisation du cheval dans les forêts ou les champs que celle d'un tracteur. Le premier va tuer bien moins d'être vivant que le second, il va préserver les terrains, les plantes qui ne doivent pas être abîmées, il va épargner la pollution sonore et olfactive des engins qui perturbent la petite et grande faune. D'un point de vue purement écolo, le cheval l'emporte.
De même, je trouve plutôt positif de remplacer le ramassage scolaire ou de poubelle par des chevaux plutôt que des bus et camions poubelles. À la condition évidente que le cheval, comme tout cheval, soit respecté dans son intégrité physique et mentale, ne travaille pas au delà de ses capacités, ait une vie de cheval à côté et que les soins soient garantis. Et soi mis en retraite à un âge raisonnable.
Idem les chiens guides ou d'assistance. C'est une question pertinente : ils améliorent grandement l'accessibilité des lieux. Pour certaines personnes, ils préssentent leurs crises avant que leur maître ne s'en rendent compte. C'est impressionnant de voir que certains chiens sentent arriver un malaise alors que leur maître est actif : ils alertent leur maître, l'obligeant à se mettre au sol et à téléphoner ou à prendre un médicament... Nous n'avons pas encore de système informatisé permettant une telle anticipation. Des chiens sont d'ailleurs entraînés a détecter certains cancers car on a découvert qu'ils pouvaient le sentir avant même que les examens ne montrent quoi que ce soit. On a aussi l'équithérapie qui est un outil formidable, parfois révolutionnaire chez certaines personnes. C'est, factuellement, une exploitation d'animaux anthropocentrée. Mais est-elle pire, dans un impact plus global, que l'utilisation de véhicules motorisés, de robots...?
À toute petite échelle, une portée de chat a été abandonnée près de mon potager. La mairie et les jardiniers ont pris en charge stérilisation, vaccin et nourriture... Ils vivent toujours sur les parcelles potagères et, s'ils leur arrivent de nous semer des cacas, nous en retirons surtout du positif. Nous sommes les seules parcelles à n'avoir aucun problème de rongeur depuis des années, alors que les maraîchers et agriculteurs voisins ont de vrais problèmes avec ces animaux. Les rongeurs évitent notre zone et se nourrissent autour. Mais pour ça, il ne suffit pas d'avoir des chats. Il faut aussi que l'environnement autour soit nourrissants et satisfaisants pour les espèces sauvages. On a dû clôturer à cause des sangliers. Factuellemelt, notre clôture n'arrêtera pas un sanglier très motivé. Mais la forêt voisine étant grande et fertile, ils n'ont pas besoin de forcer le passage vers nos parcelles.
Si on leur laisse la porte ouverte, ce qui est déjà arrivé, là, c'est pas la même histoire.
De même, certaines de mes poulettes se sont faites bouffer. On a beau mettre des bonnes clôtures enterrées, un filet, parfois ça rate. Et je n'en veux pas du tout aux prédateurs qui ont boulotté nos poules. C'est le jeu, on ne maîtrise pas tout, et nous ne sommes pas surpuissants. Ça me rend triste sur le coup car j'ai beaucoup d'affection pour mes poules... Mais j'ai aussi beaucoup d'affection pour la vie sauvage de nos forêts qui font de notre environnement ce qu'il est. Dans sa cruauté mais aussi dans sa beauté. J'aime l'endroit où je vis et c'est aussi grâce à ceux qui bouffent mes poules que cet endroit est ce qu'il est. Le renard qui mange mes poules chasse aussi les rongeurs qui pourraient massacrer les cultures voisines. Si on a des poules à la campagne, c'est un risque à accepter. Tout comme il faut accepter l'éventualité qu'on puisse se tuer en randonnée. Le fait de ne pas tout maîtriser me rassure, paradoxalement. Tant qu'on n'est pas tout puissant, on peut encore être surpris.
Tout ça, ça me pose de nombreuses questions sur notre lien aux animaux "utiles". Questions auxquelles... je n'ai pas de réponse
Je crois que sur certains sujets, il faut apprendre à faire au cas par cas et non dans la généralité.