Attention, roman
je ne sais pas faire autrement
khady
Pour essayer de te répondre. Le cheval ne sépare pas le lieu en deux. C'est à nous de le faire, en le matérialisant, pour ne pas polluer son espace vital.
Reprenons. Le cheval est censé vagabonder tout le temps et lorsqu'il se sent en danger, agressé, inquiété de quelque chose, pour retrouver de la sérénité et se sentir à nouveau en sécurité il met de la distance. Donc il s’éloigne jusqu'à retrouver un endroit paisible.
Comme il est sensé avoir des hectares et des hectares à sa disposition (normalement l’aire de déambulation d’un groupe couvre près de 500 hectares !), il lui est donc toujours possible de faire cette mise à distance. Le simple fait d'avoir un grand espace tout autour de lui en permanence participe à l'apaiser, puisqu'il a conscience de toute cette possibilité de fuir. Il n’a donc pas besoin d’organiser cet espace.
Dès lors qu'il est confiné dans un espace clos, la possibilité de fuir disparait ou devient très limité. On lui supprime donc l'option de sauvegarde. Plus l'espace est petit, plus cela le prive de moyens de soustraction à ce qui peut l'effrayer, l'inquiéter, l'agresser. Se soustraire à la contrainte c’est dans ses gènes. Tout son corps est compétent pour être performant dans la fuite.
Dans son box, il est contraint à concentrer toutes ses activités dans 12m2. Dans une carrière c’est dans les 800m2. Dans un pré ou un paddock il va disposer de 5 000 m2 à quelques hectares…. Donc tant qu’il n’a pas au moins une bonne poignée d’hectares à sa disposition, il est contraint ! On est loin, loin, loin du compte pour être dans les clous de la nature.
L'essentiel étant de s'en rapprocher et ensuite de pouvoir lui offrir des "compensations" pour rétablir l'équilibre.
c'est pourquoi, afin de lui permettre de retrouver ce sentiment apaisant de sécurité malgré la restriction d’espace, il faut donc s’obliger à ne pas associer certain lieu à une pression sans issue.
C’est nous qui devons délimiter des zones travail/repos. Le cheval ayant un bonne mémoire associative, le respect de cette organisation va favoriser les apprentissages. Le cheval va vite assimiler qu’en tel lieu il doit mobiliser son attention sur l’homme et ne pas chercher à assouvir ses activités habituelles (manger, dormir, groomer) et qu’en tel autre, il peut manger, dormir et groomer en toute sérénité.
Dans l'éthogramme du cheval, la sécurité est prioritaire. Avec l'interaction sociale. Ces 2 éléments conditionnent le bon fonctionnement de tout le reste.
Si la contrainte exercée par l’homme vient envahir l’espace sécurisant de façon réitérée, avec des pressions fortes (incompréhension, inquiétude, peur, douleurs) ce n’est donc plus un espace sécurisant ! Le cheval restera dans un état de veille permanent / latent, sa capacité à l’abandon vers un repos total ne sera pas possible.
Le sommeil de qualité étant en plus un vecteur déterminant dans l’apprentissage, on peut aussi imaginer l’impact que cela peut avoir sur le comportement de cet animal proie qui n’aura aucun lieu de retrait ou assimilé comme tel.
Plus grave et pas forcément visible. Un animal dont la réponse au stress (quel que soit l’intensité de celui-ci) est la seule fuite et qui est maintenu dans une situation rendant impossible celle-ci va développer des réponses dérivantes qui ne relève plus de sa capacité cognitive mais de ses fonctions de sauvegarde.
L’organisme va mettre en œuvre des processus plus ou moins préjudiciables physiquement et psychologiquement, et plus ou moins difficilement réversibles.
Pour les herbivores/proies il s’agit d’inhibition de l’action. Ce comportement de passivité apparente est observable chez de très nombreuses espèces prédatées. Selon le niveau de stress subit, les signes ne sautent pas aux yeux. Un herbivore sans réaction ou avec peu de réaction alors qu’il est confronté à une situation inhabituelle devrait déjà interpeler le manipulateur.
Le cheval est un animal de nature curieuse, émotive, sensible, social… en état de décontraction, d’apaisement, il interagit obligatoirement et il interagit sans agressivité ou défense. Il est actif, réactif, soit par l'approche, soit par le retrait mais il agit, répond.
Pour être efficace et respectueux, les apprentissages doivent toujours se faire en interaction positive. Sinon, on ne fait que construire des systèmes d’inhibition, de défenses et d’agressivité.
Il faut donc respecter les besoins du cheval en lui permettant d’identifier des espaces sécurisants où il pourra se reposer et se soustraire à toutes pressions. Des espaces où l’interaction avec l’homme devient sa priorité sur toutes ses autres activités.
Tout comme on aménage une séance de travail avec des temps d'actions et des temps de repos, on associe les espaces de vie aux activités ou inactivités.
Comme le souligne très justement tidesigual, le cheval est un animal routinier. Ça participe aussi à sa sérénité. Il est capable d’intégrer la nouveauté s’il a un socle de routines solides pour se rassurer. Il a une mémoire associative performante et donc tous les éléments d’une situation sont liés : lieu, personne, odeur, son, moment, contexte émotionnel, etc, etc, etc…
Donc, toujours dans la situation dénaturée de le faire vivre dans des espaces qui sont loin des dimensions nécessaires à son espèce, associer lieu/activité en respectant le lieu repos à tout prix permet de répondre à ses besoins fondamentaux.
silasol
Le cheval est une éponge émotionnelle. De par les caractéristiques de son espèce herbivore/proie/animal de plaine/sociable, il capte énormément d’informations pour anticiper.
Les chevaux entendent des sons émis à plusieurs kilomètres. Donc inaudibles pour nous. Par exemple un cheval peut répondre à un autre alors que 2 ou 3 km les séparent…. Nous on entend rien, eux, ils discutent ! la distance mais aussi des fréquences qui nous échappent complétement. Comparés à eux nous sommes des malentendants.
Ils perçoivent aussi bien mieux les odeurs que nous. Là aussi, des odeurs que nous ne captons pas sur le lieu même ou distantes de plusieurs centaines de mètres… Comparés à eux, encore une fois, on a un odorat défaillant !
Rien qu’avec ces 2 sens plus sa mémoire associative bien plus développés que nous, son monde est porteur de bien plus d’informations que le nôtre. Nous ne voyons, n’entendons, ne sentons pas bien plus loin que nous-même, sauf si le vent nous aide parfois un peu ! tout ce qui nous échappe et que le cheval manifeste peut nous apparaitre comme des sens divinatoires, alors qu’il compile les infos et anticipe en fonction.
Ceci étant dit, notre capacité à nous décentrer, interpréter, questionner, projeter notre pensée peut être aussi bénéfique qu’handicapante. Le cheval en fait les frais car nous lui attribuons des intentions qu’il n’a pas.
Par exemple, lorsque le cheval accueille d’un roucoulement de naseaux son propriétaire celui-ci va interpréter cela en fonction de son désir. Il est heureux de me voir. Il manifeste son amour pour moi. Il s’ennuyait donc il est content que j’arrive pour m’occuper de lui. J’étais triste, il l’a vu et a voulu me réconforter. J’ai caressé le cheval à l’entrée, donc il est jaloux et m’appelle. Il réclame déjà ses carottes parce qu’il est gourmand… etc etc etc …. Finalement, d'une personne à l'autre on peut tout lui faire dire à ce cheval expressif.
Mais en vrai… ce cheval… Il roucoule
peut-être dès que quelque chose se passe dans l’écurie, dès que quelqu’un entre dans l’écurie… parce que l’heure de la bouffe approche (c’est dans une heure ou 2 mais lui n’a pas la notion d’heure juste de l’enchainement des activités de son quotidien), parce que ça lui gratte le ventre et que « son propriétaire qui arrive à l’instant » le brosse habituellement sous le ventre (demande de grooming), parce que la présence de son propriétaire est agréable (association personne/activité intéressante)....
Ce que je veux dire par là, c’est qu’il y a obligatoirement une projection subjective de notre part en fonction de ce que nous avons en tête, de notre état d’esprit et de nos attentes inconscientes. C’est extrêmement difficile de se défaire de ça. Nous faisons cela sur notre entourage, sur les personnes avec qui nous interagissons quotidiennement, en permanence. C’est ce qui rend déjà les relations humaines et la communication entre nous si délicates et sujets de nombreux malentendus. Et pourtant, nous partageons le même langage corporel et oral !
On a beau bien connaitre l’éthogramme du cheval, nous restons des humains dans un référentiel humain.
Toi tu supposes qu’ils lisent peut-être dans tes pensées mais ils lisent surtout dans ton langage corporel, dans tes émotions qui transpirent bien au-delà de ce dont tu as conscience, dans tes intentions que ton corps hurlent sans même lorsque tu crois les maitriser. Plus les phéromones, autoroutes de l’information … Plus l'association des événements et de leur déroulement dans son quotidien, et donc tout ce qui va sortir des habitudes et qui va susciter en lui des réponses particulières... Plus... PLus... Tout ce que sa perception riche du monde lui permet d'apprendre et de comprendre...
Oui, d’un individu à l’autre, les compétences sont de niveaux différents, comme pour nous.
Je pense que si on prend conscience de la réalité de toutes ces capacités dont le cheval est dotée et que nous n’avons absolument pas, on réalise qu’il n’y a pas grand-chose de « télépatique » la dedans. Juste un animal impressionnant et finalement méconnu, même par ceux qui se renseignent à fond sur le sujet