La vérité sort de la bouche des enfants, nul ne saurait en démentir !
Mais j'aimerais vous partager une petite anecdote...
Ma ponette et moi avons dû changer de club il y a quelques mois en raison de la sensibilité à la poussière de cette dernière. Il lui fallait de plus verts pâturages... Nous avons atterri dans un petit club à la campagne. Taille moyenne, clientèle tant loisirs que compétition, mais un peu plus riche que dans mon précédent CE. Belette y est très bien et moi j'apprends à mettre de l'eau dans mon vin.
J'y croise au final assez peu de gens puisque j'évite soigneusement les mercredis/samedis avec les gamins qui courent partout, gavent les poneys de bonbons, et t'embarque ton licol ou ta cravache pour les ranger à la sellerie. "Faut rendre service" qu'ils disent...
Mais pendant les vacances de la Toussaint, je fais exception à la règle, le club a besoin d'un petit coup de main pour encadrer les stages. Et comme il faut socialiser...
Et bien je socialise, cure les postérieurs, règle les muserolles, cours après les tapis, me lamente devant l'état des selles... Bref, nous sommes un jour de vacances, lendemain d'annonce de confinement, j'ai des cernes sous les yeux, le cheveu filasse et sans doute la tête de celle qui n'a pas eu le temps de prendre son café.
Alors que je m'emploie à tresser la crinière du copain de pré de Belette, les deux gamines qui le monteront à tour de rôle m'observent avec un air passionné. Je me souviens avoir caché un petit sourire, non peu satisfaite de suggérer une telle admiration avec mon master en coiffure pour poney. La plus petite (6 ans ?) me lance alors un "Au fait, t'es qui ?" que je trouve absolument adorable. "La propriétaire de Beauty" lui ai-je répondu tout en me faisant la réflexion que cette gamine là avait déjà dû me voir avec ma jument.
Et là, c'est le drame. Les deux pépettes échangent un regard interloqué, puis mini-choupette se retourne vers moi avec le sourire de la gamine gênée, genre quand quelqu'un te raconte un gros crack mais que t'a appris à rester poli.
Du coup, c'est à mon tour de froncer les sourcils. Copain de pré, lui en profite pour se gratter contre moi. La discussion aurait pu en rester là, mais Choupette n°2 (11 ans) s'attache à éclaircir le sujet, avec une petite pointe de défi dans la voix : "Non, la propriétaire de Beauty, on ne la voit jamais."
What ?
Alors que je m'apprête à remettre à sa place cette pré-ado bien sûre d'elle, la petite voix de mini-choupette s'élève de nouveau : "Toi, tu es la dame qui aide", me scande-t-elle en appuyant bien sur chaque mot.
Franchement, je crois que je pourrais écrire un roman autour de cette punchline.
Donc en somme, en l'espace de 5 minutes, ces deux gamines se sont mis en tête que je ne pouvais pas être propriétaire. Le "pourquoi" m'occupe toujours et je trouve cette question absolument passionnante (d'où ce post, même si la question pourrait s'étendre à d'autres domaines).
Donc ok, je n'étais certainement pas sur mon 31 ce jour-là. Sans doute un pantalon Décath, ma doudoune Pénélope qui a bien vécu et mes boots qui venaient de râcler le fond de la pâture des loustics... Rien de très reluisant mais pas non plus l'accoutrement d'une clocharde. J'ai réfléchi alors au côté "qui aide". Peut-être que ces petites ont vu en moi le genre de grande ado désoeuvrée qui déambule dans les clubs pour le seul plaisir d'être avec les chevaux et de donner un coup de main. Ou peut-être ressemblais-je trop peu à certaines autres propriétaires, celles qu'on voit à tous les stages de CSO et qui possèdent des licols qu'on ne risque pas de confondre avec ceux du club...
Une fois toute la poneillade de prête, je suis allé quérir ma douce. Elle au moins savait bien qui j'étais, enfin surtout dans quelle poche de ladite doudoune se trouvait les Fouga-crocs. Sous son poil d'ours polaire maculé de boue et sa couverture premier prix, elle ne devait pas faire grand effet non plus. Une fois la barrière du pré refermée, j'ai fait roulé un rondin de bois et me suis mis à cheval.
Non, aucun doute, cette ponette-là était bien la mienne, indépendamment ce que je pouvais faire avec, de notre quantité de matériels, ou de notre nombre d'abonnés sur Instagram. Parce que aussi évident que cela puisse paraître,
rien de tout cela n'importe.
Ce petit dialogue m'a invité à réfléchir à ce qu'on enseignait aux enfants : que nous sommes davantage défini parce ce que nous possédons et affichons que par ce que nous sommes. Je n'avais pas l'étoffe d'une propriétaire telle qu'elle avait l'habitude d'en croiser, alors je ne pouvais pas en être une... De retour aux écuries, les gamins se sont tous amassés autour de Beauty (aka "l'attraction") et j'ai pu toucher quelques mots de cette idée à mes deux pépettes. J'espère que cette petite histoire suivra son chemin pour chacune d'elle...
Voilà, c'était de la pure anecdote, mais il me tenait à coeur de la partager. Merci pour votre lecture