Pavé César, ceux qui vont écrire te saluent !
dolimos
Citation :
Si d'emblée il avait voulu le poste d'ingénieur et le salaire qui va avec , il aurait pas trouvé.
Le problème, c'est que c'est ça qu'on vend aussi aux jeunes aujourd'hui. Perso, j'ai fait toutes mes études en communication et alors que je voulais m'arrêter à la licence pro, on m'a poussée au cul pour faire un master parce que sinon "j'aurais que des jobs d'assistante". Je l'ai fait contre mon gré et à la sortie ben, les postes qui demandaient mon diplôme exigeaient aussi 10 ans d'expérience (ce qui était compréhensible pour des postes de directrices de communication), donc les seuls postes qui m'étaient accessibles étaient finalement ceux d'assistantes... Pour lesquels j'étais sur-diplômée, donc on voulait pas m'embaucher parce que, je cite "vous allez nous coûter trop cher en salaire".
Bon, finalement, tout ça n'a pas servi à grand-chose, je bosse dans un "job misère" (horaires à la con, j'ai pas de WEs en même temps que les autres, je travaille de nuit mais notre convention collective a décidé que pour les boulots dans le loisir c'est normal donc les heures de nuit sont pas majorées, je suis en temps partiel à peine au-dessus du SMIC...) mais que j'adore et que je ne quitterais pour rien au monde, car je ne le fais pas pour l'argent mais pour l'épanouissement personnel qu'il m'apporte. En 4 ans, je ne me suis encore jamais levée en me disant "je ne veux pas du tout aller bosser aujourd'hui" et
pour moi, c'est ça le plus important. D'ailleurs, à notre réouverture, on a dû réembaucher en urgence et mon patron n'a pas hésité à y mettre les moyens, nous n'avons donc eu aucun mal à recruter.
Pour moi, le problème vient donc aussi de la société qui encourage nos jeunes à faire des diplômes de + en + élaborés, à qui on promet monts et merveilles pour un bac+5 et qui refusent ensuite de voir l'évidence : il y a bien + de cadres formés que de postes de cadres de dispos, surtout pour des juniors. Y'a qu'à voir le nombre d'écoles de commerces et d'école d'ingénieurs qui fleurissent chaque année... Des usines à cadres pour des postes qui n'existent pas. Du coup, pour un jeune sortant de ce genre d'école, la désillusion est grande et ils ne veulent pas faire de boulot """ingrat""" à leurs yeux. Ils ne sont pas pour autant flemmards, ils ont juste la mentalité que ces chères écoles leurs inculquent (et j'insiste là-dessus pour l'avoir vécu de l'intérieur, ils se targuent de former l'élite, les dirigeants de demain) : ils "valent" mieux que ça et refuseront donc de faire autre chose que ce pourquoi ils ont parfois payés des dizaines de milliers d'euros en diplômes.
Mais le soucis, à mes yeux, viens aussi d'ailleurs : ce qui me dérange dans ces discours, c'est qu'on taxe les jeunes de flemmards, mais qu'on ne remets pas tant en question le système qui a amené les métiers concernés a être sous les critiques qu'en font les jeunes (et moins jeunes).
Sous prétexte du "ça a toujours été comme ça", ou "on ne peut rien y faire", certains secteurs n'évoluent pas et se refusent à le faire (ou sont clairement sous le joug de l'abandon gouvernemental de leur secteur, je pense à la santé ou l'agriculture notamment), malgré les évolutions des droits des salariés... Et après, on râle parce que les jeunes veulent faire valoir ce qui fait aussi partie de leurs droits.
Par exemple, dans la restauration, ne pas vouloir faire 70h par semaine en étant payé 35h ou alors au black, c'est un droit, mais on voit encore ça dans les restaus et pas chez les petits, je parle des étoilés entre autres et c'est une pratique connue.
Mon petit frère, alors chef de rang dans un étoilé (et après plusieurs années d'évolution de carrière dans plusieurs étoilés), a préféré baisser son salaire et son poste dans la hiérarchie des serveurs de restaus pour aller dans une chaîne de restaurants (pas de fast-foods mais bien de restaus) parce qu'au moins, là-bas, ils sont très cadrés sur les jours de repos, les heures sup' et les salaires et qu'au moins, ben il n'aurait pas de mauvaises surprises à la fin du mois. Ca veut dire beaucoup, je trouve, quand aux conditions de travail dans ce secteur... Si les plus grands de ce secteur font ce genre d'abus sans complexes, qu'en est-il des autres ?
Au fond, ce qui dérange n'est pas finalement que les jeunes soient flemmards, mais que leur volonté à ne pas bosser comme des acharnés en mettant en péril leur santé physique et morale remets en cause des fonctionnements qui ne sont pas remis en question depuis des dizaines d'années et malgré les évolutions des droits du travail entre autres. Mais c'est un peu comme l'écologie finalement, on préfère taper sur le particulier qui ne coupe pas l'eau du robinet quand il se brosse les dents que contre Total qui fait des forages destructeurs partout, parce que c'est plus facile.
Je ne sais pas si vous vous rendez compte, quand même... On préfère taper sur les jeunes qui ne veulent pas faire infirmière ou infirmier par exemple plutôt que de remettre en question le système... Mais en même temps, les infirmiers actuels démissionnent en masse parce que mal payés, horaires de dingue, aucune reconnaissance, postes supprimés à tout va, conditions de travail qui se désagrègent de mois en mois... Tout ça sans compter les scandales réguliers sur leurs formations et le harcèlement des stagiaires. Compréhensible que ça attire pas les jeunes, non ?
Idem pour l'agriculture, quand tu vois toutes les contraintes, les normes, les réglementations, les aides si dures parfois à obtenir, la misère dans laquelle une grande partie d'entre eux vivent, les heures qu'on ne compte pas, le manque d'accompagnement, le manque de soutient, le taux de suicide dans ce corps de métier, bin ça attire pas non plus et c'est aussi compréhensible.
Pareil pour l'animation (l'un des pires métier à mon sens...) : t'es payé littéralement que dalle, à la journée, heures sup' non payées alors que c'est quasiment (pour les colos du moins) du 24h/24h avec des responsabilités exponentielles (on parle d'avoir littéralement la vie d'enfants entre les mains quand même), métier qui n'est en plus accessible qu'avec un diplôme d'état qui coûte relativement cher : normal aussi d'en avoir de moins en moins, des animateurs.
Et ça me paraît de ce fait compréhensible aussi que du coup, des jeunes préfèrent ne "rien faire" (je le mets entre guillemets, parce que paradoxalement, le nombre d'auto-entreprises a explosé ces dernières années et il me semble qu'une partie de ces auto-entrepreneurs touchent parallèlement le chômage et sont donc considérés comme demandeurs d'emploi jusqu'à la fin de leurs aides) que de s'engager dans ces métiers-là. Nous sommes dans une société où maintenant, il est bien plus facile qu'auparavant de se renseigner sur ses droits, de savoir ce dans quoi on s'engage, ce dans quoi on a envie de s'investir ou pas, d'avoir la plupart des tenants et des aboutissants à portée de main ou de clic. Il est donc normal que les générations futures y réagissent en conséquence et que cela devrait déboucher sur des changements et des refontes de certains systèmes. Et c'est à mes yeux cet immobilisme (sociétal et étatique) là-dessus que je ne comprends pas.
Par contre, faut arrêter de dire que ceux qui sont au chômage sont forcément des feignants, pour rappel, le chômage ne dure qu'un temps et avec les dernières réformes, il est très difficile, sans bosser un minimum, de maintenir les aides aussi longtemps que certain(e)s ici ne veulent bien le croire. On en est presque à un point où si tu bosses un an complet, tu n'as "que" quelques mois de chômage donc bon (je sais plus combien c'est parce que c'est du cas par cas, mais par exemple, moi j'avais fait une simulation y'a pas longtemps et si je me retrouve au chômage demain après avoir bossé 4 ans dans ma boîte, je n'aurais droit en gros "que" à 1 an et demi de chômage parce que je bosse en temps partiel... + le fait que l'alloc' est alignée sur ce que tu as gagné en réel et pas sur ton taux horaires, ben ça peut faire de sacrées réduc' avec le chômage partiel de ces dernières années. Donc bon, contrairement à avant où c'était grosso-merdo tu bosses 1 an, t'as 1 an de chômage, on ne peut plus se permettre d'être si "flemmard" que ça).
Et comme le dit
groubi, ce ne sont pas les contraintes prises séparément qui dérangent les jeunes, c'est quand elles sont cumulées et que quand on fait la remarque que c'est de l'abus, ben on se prends des "ben c'est comme ça que ça fonctionne, on se remettra pas en question" > normal que ça n'attire pas grand-monde...
J'ai conscience que tout ça c'est difficile à entendre et difficilement compréhensible pour des personnes qui font ce genre de boulots sans broncher (moi même je bosse dans un boulot qui cumule toutes ces contraintes, mais j'ai ni enfants, ni animaux et mes collègues sont aussi mes amis, les autres ont les mêmes types de plages horaires de boulot que moi, donc bon, ça facilite le fait que je le vive bien), mais c'est comme ça, la société évolue aussi et les mentalités également.
Et
dolimos, comme l'évoque si bien
totox finalement, la seule solution envisageable est une refonte de la société (et de la gestion des budgets de l'état aussi), car c'est notre société actuelle qui pousse à ce genre de situations... Et notre système. Ce n'est ni la faute des jeunes, ni la faute des employeurs qui font bien ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'on leur donne et les facilités (ou les non-facilités) qu'ils ont.