Mask, c'est bien compliqué de répondre avec nuance à ta question, sans tomber dans la xénophobie !
L'équitation Française ne s'est distinguée de l'équitation anglo-saxonne qu'à partir des
débuts de l'ère industrielle, je suppose, avec
Baucher (cocorico) et tous les "disciples" qu'il a entraînés derrière lui...Le plus célèbre de ces disciples était sans doute le général
l'Hotte, auteur de la célèbre devise
"calme, en avant, droit".
Il se trouve que l'Hotte avait apprécié également la manière du grand rival de Baucher, le
comte d'Aure dont il avait aussi été l'élève. D'Aure, formé par les maîtres de l'école ancienne de Versaille, était connu pour sa manière de faire plus globaliste, consistant à pousser le cheval pour en obtenir le moelleux par le mouvement hardi et l'appui, qu'une main habile sait transformer et rendre fondant. Equitation musculaire par opposition à l'équitation réfléchie de Baucher. Car Baucher, novateur qui se voulait scientifique, entendait décomposer la force et le mouvement, et repassait par l'arrêt pour contrer les résistances du cheval chaque fois que la légèreté se perdait dans ce mouvement. C'est lui qui a laissé la formule "
Le pas est la mère des allures".
Organisateur de la pédagogie militaire,
l'Hotte était partisan je crois de former les hommes de rang par le d'Aurisme mais les officiers par le Bauchérisme (pour faire court). Autrement dit,
d'Aure pour l'équitation d'extérieur, Baucher pour l'équitation savante.
Moi, je crois que l'Hotte avait une préférence pour Baucher. Sinon il n'aurait pas mis le calme en première des qualités à rechercher chez le cheval au travail.
Quand Baucher a voulu diffuser sa méthode en Europe (il était ambitieux le bougre) il s'est heurté en Allemagne à l'opposition de son plus féroce critique étranger, Seeger. Critiquant les flexions d'encolure de Baucher à l'arrêt, Seeger disait que les chevaux bauchérisés étaient assez souples pour se lécher le derrière...
Decarpentry (encore un français, recocorico) détaille très bien cette opposition entre l'équitation globaliste (Allemagne) et l'équitation de légèreté bauchériste (France) dans son livre "Baucher et son école"
Maintenant, si tu lis un autre excellent livre qui est peut-être encore édité ("Les maîtres de l'oeuvre équestre", de Montheillet), tu verras que des gens, BIEN AVANT BAUCHER ont su reconnaître les vertus du pas pour éduquer complètement un cheval :
Lubersac montait ses chevaux uniquement au pas pendant un an ou deux, et chacun s'étonnait de les voir parfaits à toutes les allures dès ce temps écoulé.
Bien avant lui encore, La Guérinière, écuyer de Louis XIV, conseillait, pour éduquer les chevaux à l'épaule en dedans, de les mettre "au petit pas lent et peu raccourci".
La Guérinière, un français cité par les classiques allemands détracteurs de Baucher comme l'auteur de la bible équestre, aves son "Ecole de cavalerie" !
En prime, je ne résiste pas au plaisir de te livrer une belle phrase encore issue de la tradition française. Soyons pas mesquins, c'est gratos !
La Guérinière était lui-même passé par les mains d'Antoine de Pluvinel, qui mit à cheval Louis XIII et lui donna le conseil le plus empreint de poésie, de douceur et ...d'amour que je connaisse, venant d'un homme d'arme parlant des chevaux : "Sire, prenez garde à ne pas luy ennuyer, ni estouffer sa gentillesse, car elle est aux chevaux comme la fleur sur les fruicts, laquelle ostée ne retourne jamais" !
Joli non ?
Ah, le raffinement français...
Mais pour finir de tout mélanger dans ta tête, si tu lis je crois un classique Allemand comme Plinzner (traducteur de G.Steinbrecht pour "Le gymnase du cheval"), tu y trouveras l'éloge du cheval "durchflüssig" (perméable), une expression allemande très imagée qui donne une belle idée de la légèreté, idée du cheval fini comme une vague d'énergie, fluide, disponible et malléable à volonté, aussi insaisissable que l'eau pour un maladroit. Mais c'est au prix de travail-travail (et encore travail !) au trot, et de pas mal de sueur.
Sueur qui est bannie par les derniers des grands bauchéristes du 19° ("Quand la sueur apparaît, l'homme est allé trop loin" Beudant)
Je crois donc, comme Saltimbanco, que la différence c'est ça : la recherche de la
légèreté comme préalable c'est plutôt la
France, et la recherche de la
légèreté comme conséquence, plutôt l'
Allemagne.
Tu remarqueras que Saltimbanco donne l'allemand comme soucieux d'abord de mouvement, sans parler de son souci de légèreté. C'est un peu pernicieux, car je suppose que certains allemands (ou disons anglo-saxons) ont aussi le culte de la légèreté, en font leur but et réussissent à l'obtenir, à force d'habileté et de hardi mouvement.
Mais pas tous, loin s'en faut.
Pas plus que les français, en tous cas.
Ah sacrebleu on tourne en rond dans ce manège !
Allez, faut conclure ! Peut-être que je suis trop gentil en tant que Français dans ma formulation pour comparer les deux équitations, car à la différence de Saltimbanco, j'emploie uniquement la légèreté comme notion de référence.
Cocorico ! (ter)