Bon allez mon expérience, je suis fille d'une éleveuse de chevaux arabes, j'ai donc toujours vécu entourée de chevaux mais majoritairement de jeunes mâles et de poulinières
Arrivée au début des années 2000 de l'étalon maison, Hortal el Din, PSAR né au Haras de la Lizonne (approuvé pour cette année si ça en intéresse et mis en location au Haras de Lusse chaque été vu qu'on s'en sert moins)
La majorité des mâles nés à la maison sont vendus comme étalons, signe que leurs conditions de vie sont propices à un mental sain.
2005, ma jument préférée décède des suites d'une torsion d'intestin, à cet âge, j'ai 20 ans, ne sait pas monter à cheval, son dernier poulain est un p'tit mec, maman sait très bien que c'est un poulain de Tahiz (beni sakr) ou rien du tout, Aftan (Astan sur ses papiers, faute de frappe des HN) beni Sakr revient dans le giron familial, il a 1 an et demie.
Condition sine qua non, il est pas à la maison pour faire beau, donc tu apprendras à monter à cheval ma fille.
Direction le CE, et go apprendre à monter, je n'échappe pas à l'appréhension face à l'obstacle, mais m'amuse en dressage et à la mise en selle.
Bébé grandit, devient un ado, et j'avoue être dépassée par la crise qui va de pair avec. "Mamam!! Je fais quoi là??!!". Au final, bien conseillée par des amis qui possèdent et montent des étalons, j'apprends à m'affirmer face à Monsieur, à lui proposer une collaboration, un équilibre dans la relation et après un discours au départ trop laxiste, ensuite trop ferme, on trouve notre équilibre. Entre 2 tempéraments forts, je crois que c'était la seule option possible. On a mis 2 ans (entre 2 et 4 ans), le débourrage suivant les soubresauts de notre recherche d'équilibre, autant dire que j'ai quand même effleuré le sol plus d'une fois.
2008, pétage de genou (syndrome rotulien) qui remet en cause toute ma future vie professionnelle, abandon des études car les marches de 12 km en stage quand on arrive déjà pas à marcher, c'est juste pas possible, je m'accroche, j'ai mal, burn out, et je fuis (oui je sais c'est pas bien) en laissant mon cheval aux bons soins de maman, juste impossible de me confronter à mon cheval alors que je n'arrive déjà pas à me confronter à moi-même.
2010, coup de pieds aux fesses pour moi, retour à la maison, je retrouve mon cheval, et c'est grâce à lui, au manque de ma moitié faite dada que j'ai le courage d'affronter la vindicte familiale, lui qui me remotive à affronter la vie, et à avancer. On repart en balade 1 semaine après mon retour, comme quoi le débourrage n'était pas si mal fait pour une "débutante", pas et trot sur la 1ère, à la 2ème moi trouillarde, et coup de pied aux fesses de mon cheval, qui attend que je sois bien stable, dans une ascension pour dire "allez cocotte, arrête de faire ta chochotte, galop".
Tout s'enchaîne, je trouve un travail, déménage, donc je ne vis pas à côté de mon cheval, mais profite de lui chaque week-end, en attendant il passe sa vie au pré.
Je prédébourre un autre cheval, entier lui aussi, ça coince au montoir sans installations, débourrage d'El Bahr beni Sakr, qui part donc chez un pro, retour à la maison d'un cheval vert de chez vert, avec qui j'apprends à avoir une relation différente mais forte, car pas les mêmes atomes crochus qu'avec MON cheval, d'autant plus que je sais que lui ne restera pas à la maison.
Aftan apprend aussi à me partager, et n'aime pas ça, puisque je dois toujours avoir le 1er geste d'affection pour lui, sinon Monsieur fait la tronche.
Voilà donc mon âme soeur à 4 pattes, possessif, exclusif, grande gueule, dominant, mais aussi protecteur, précautionneux, intelligent, farceur, et doté d'une volonté à toute épreuve, mon nain quoi (1m46)
Et voilà El Bahr, vendu début 2012, avec un autre poulain né à la maison, Chelif beni Sakr
A 4 ans version post débourrage
A 5 ans, chez son nouveau proprio en Haute Vienne
Et Chelif à 2 ans, aussi en Haute-Vienne, futur étalon arabe
Bon, en voilà 2 de moins, restent encore 2 mâles à vendre, le marché étant saturé, les poulains sont restés plus longtemps à la maison que d'habitude.
On commence par qui? Ihsane beni Sakr, 4 ans en 2012, et Talal beni Sakr, 3 ans en 2012, attendent leur tour. Ils ont tous les 2 été désensibilisés à la selle, et au filet en 2011, et ont acquis direction et arrêt aux rênes mais à pied.
Bon, c'est parti pour Ihsane, nain de son état, survivant de la maladie de l'herbe, donc carence durant sa maladie (anesthésie des nerfs de la déglutition et de ceux responsables de la progression du bol alimentaire suite à une ingestion de toxine botulique). Le loulou va bien, est en état, décision prise de le mettre en vente maintenant qu'il ressemble à quelque chose et que le spectre des séquelles s'est éloigné, pas de sport pour lui mais du loisir.
Une cavalière l'avait déjà remarqué à l'automne 2011, attirée par son tempérament. Ils emmènent une jument à la saillie d'Hortal, elle revoit Ihsane, coup de foudre confirmé, elle nous dit ce qu'elle recherche, et ça correspond à Ihsane, ça tombe bien hein.
En attendant sac de patates validé, et jour de signature, "bon on prend la selle et on va voir ce que ça donne?", et sur un chemin, me voilà dessus. Bon, le débourrage se fera donc à la maison, à 2 à l'heure, entre un déplacement de vertèbre et une entorse (ou comment se casser la gueule en glissant dans la boue et se péter la cheville, et faire un faux mouvement et se péter le dos en 1 leçon: être hyperlaxe, oui je sais mais en 2012, j'ai eu la poisse)
Sa proprio suit le travail et vient voir l'évolution de son futur cheval de selle, et goûte le délicieux paradoxe de s'être fait peur avec un hongre, et de découvrir une relation de confiance avec un entier. 1ère balade pour elle sur le dos d'Ihsane, le tout sur ma selle "piste de décollage", en gros une selle mixte quand on a l'habitude d'une selle de rando, c'est dur. "C'est bon il peut partir"
Ca sera donc en juillet, après 4 km de marche pour rejoindre le van, avec un cheval tétanisé, pas de poil, 8°c, la flotte qui n'arrête pas de tomber, et moi qui finit frigorifiée/trempée.
Ihsane beni Sakr en 2012 (4 ans), on dirait pas qu'il ne tenait qu'à peine debout 2 ans auparavant hein ^^
Avec Talal
La suite, quand je vous dis qu'en 2012, j'ai eu la poisse. Le jour de mon anniversaire, coup de fil, j'apprends que qqch à fait s'échapper mon cheval, qu'il est blessé, gravement (blessure au pied avec rupture artérielle et grosse perte sanguine), qu'il est debout car il est allé chercher de l'aide dans la cour d'une ferme (l'agri lui a fait un point de compression), au lieu de rester comme un imbécile à côté des juments trouvées en chemin, mais qu'on ne sait pas ce que la convalescence va donner.
Ca se passe bien, puis la cicatrisation ne se fait plus normalement, le pied se déforme, et pourrait remettre en cause une vie normale. Décision prise de l'envoyer dans une pension soin pour un meilleur suivi, et d'entreprendre des soins plus délicats. Ca durera 3 jours, puis on prend la décision de réopérer.
Monsieur apprend la vie en box, après la stabu, apprend qu'on ne mange pas dans un seau mais dans une mangeoire, retrouve une vie sociale après 4 mois d'isolement, ne ressemble plus à rien, mais plaît à l'homme de cheval chez qui il se trouve par son tempérament et son respect, et impressionne par sa volonté (ou comment mettre une dose de SF à un nain PSAR pour le shooter, et comment un cheval shooté se relève et tombe x fois, mais ne démord pas de son idée, "c'est debout sinon rien" à son réveil). La plaie est enfin presque cicatrisée, c'est une question de quelques semaines, ensuite il pourra de nouveau gambader et faire du muscle, là il ne ressemble plus à rien.
Il a de nouveau la possibilité de se défouler de temps en temps quelques minutes en carrière, vit entouré de juments, tombe amoureux des jolies juments de taille réduite, va dire bonjour 2 fois par jour à la jolie pouliche SF devant qui il passe pour aller à la douche 2 fois /jour, le tout avec respect, même s'il est visible que se défouler lui fait du bien, le rééquilibre, il n'en est pas moins jamais devenu problématique à gérer.
La question s'est posée de garder Talal, avec qui j'ai le même genre de complicité qu'avec Aftan, des tempéraments proches, mais celui de Talal est plus posé, coquin, mais moins dominant.
Au final, force est de constater que j'ai du mal à me partager, et je préfère que Talal est une vie bien remplie de papa et de cheval de sport, que d'être peu utilisé (car trop consanguin avec nos juments), alors qu'il a plein de qualités aussi bien physiques que mentales à transmettre. Ca serait égoïste de le garder lui aussi, alors qu'Aftan se remet bien, et pourra être remonté, même si nous devrons trouver un autre rythme que les galops endiablés de plusieurs kilomètres (il est aussi doué pour le dressage), mais nous trouverons progressivement ses nouvelles limites afin de le ménager.
Voilà le dernier Talal beni Sakr, en cours de débourrage, il connaît la selle, le montoir, le filet, le sac de patates, mais ne quittera la maison, que pour une bonne famille où il sera choyé, où il aura la relation fusionnelle qu'il recherche, et où il pourra faire de beaux bébés.
Avec son 1/2 frère Shueyman Redjem (même père) en fin d'été dernier, Redjem est aussi étalon à la maison
En bref, j'ai trouvé mon équilibre avec Aftan, c'est vraiment LE cheval de ma vie, et j'avoue aimer les entiers, j'aime cette recherche d'équilibre, cette impression d'être à la fois tout et rien face à eux, leur exigence, mais aussi cette capacité qu'ils ont de pardonner à LEUR cavalier.
Je ne pourrais plus me passer de mon cheval, j'ai essayé et je ne suis plus moi-même.
C'est certes moins facile, mais à mon sens plus enrichissant, à la fois dans la relation, mais aussi vis-à-vis de soi-même. Ils m'ont remise en question, et m'ont permis d'aller plus loin.
En ce moment j'ai le droit d'apprendre avec un autre professeur, Talal, et c'est vraiment un privilège