Je suis, personnellement, totalement d'accord avec la plupart des choses proposées ici... Mais je rejoins
gobi sur la plupart des points qu'elle soulève. Par exemple, cultiver un bout de terre, ça demande quand même beaucoup de "un peu" : un peu de terre, un peu de moyen financiers, un peu (pas mal) de temps, un peu (pas mal) de connaissances et aussi un minimum de santé... Et encore faut-il avoir de la terre. La famille qui vit à 4 sur un SMIC, elle n'est pas prête de s'acheter une maison individuelle et de cultiver son petit jardin. Les gens qui cumulent deux emplois non plus... Avoir du terrain c'est une chance.
Là-dessus, j'aime bien une idée que j'ai vu par chez-moi : un potager communautaire. Sur un jardin partagé, chacun avait sa parcelle et il y avait une parcelle supplémentaire, plus grande que les autres, dont chaque usager du jardin partagé s'occupait à tour de rôle. Et ce pour donner accès à de vrais bons légumes à des familles pauvres, n'ayant pas de terrain, pas d'argent, pas de temps ou à des personnes âgées ou handies n'ayant pas/plus l'énergie pour s'occuper d'une parcelle potagère.
Autant, ça peut marcher à l'échelle d'un village. Autant à l'échelle d'une ville, ça devient plus compliqué. La ville de Détroit a pu mettre en place de vrais grands jardins partagés mais parce qu'elle a pu profiter des friches laissées vacantes suite à l'effondrement de l'économie locale. Dans une ville comme la mienne, il y a trop peu d'espaces au sol.
La mise en commun permet de faire accéder aux personnes les démunies de la nourriture, des soins, des outils... Perso je fais partie des gens qui ont le luxe d'avoir une voiture. Avec une conso très basse et qui a bien 10 ans. Elle ne me sert pas qu'à moi, je la prête volontiers. Car en campagne, la voiture est souvent indispensable, les réseaux de TEC sont souvent trop peu fournis, rendent impossibles certaines tâches (combo école du petit dernier/détour pour faire des courses dans le village voisin/passer récupérer un vaccin à la pharmacie). Et un agriculteur, il ne va pas vraiment s'en sortir avec une petite tuture. Pour s'enquiller les chemins entre les champs, mieux vaut avoir un véhicule plus solide, qui consommera peut-être plus, mais ne crèvera pas au bout d'un an. Le covoiturage n'en parlons pas
Deuxième problème majeur à mes yeux. L'agriculture au sens large. Alors je vais peut-être me prendre du "tu fais de l'agribashing" mais quitte à mettre les pieds dans le plat... Au vue des sécheresses annoncées, rien que cette année, qui ne vont pas aller en s'améliorant, ce ne sont pas trois jardins qui vont inverser la tendance. L'agriculture va prendre très cher. Et, à mes yeux, on ne prépare vraiment pas assez ce qui va arriver : des récoltes foutues, des agriculteurs qui vont crever à la tâche pour trois clopinettes, une hausse massive du prix des matières premières... Notre modèle agricole n'est pas fait pour résister aux enjeux à venir. La monoculture est très sensible aux maladies sécheresses... C'est ce qui a provoqué une famine aux USA dans les années 20 lors du Dust Bowl : un "bête" combo de sécheresse avec des vents violents dans les plaines agricoles. Les gens ont tout perdu. Un autre dust bowl est possible.
Mais l'agriculture dont nous dépendons presque tous, à quelques exceptions, ne peut pas opérer un changement seul. Il y a des expériences super intéressantes depuis 20/30 ans pour étudier l'agroforesterie par exemple... Ce qui crée aussi des poches de fraîcheur et d'humidité, protège les cultures, favorise les écosystèmes. Mais les agriculteurs peinant déjà à se dégager un salaire, il est quasi-impossible pour eux de se préparer à faire face aux sécheresses à venir.
Et pour moi, c'est là que c'est au groupe d'intervenir. Soit l'État, soit des chantiers volontaires. Parce que les aides pour faire face à une perte de production ne peuvent durer qu'un temps... Si à la fin il n'y a plus rien, l'argent ne se mange pas. Donc ben oui, le gouvernement/l'Etat/whatever, il a aussi une responsabilité : ne pas faire crever ceux qui nourrissent.
D'ailleurs, l'agriculture ce n'est pas que la nourriture... A moins de ne se vêtir que de cuir, de laine et de matières synthétiques, le chanvre, le coton etc... Il faut bien le cultiver pour en faire du tissu. Donc même en admettant qu'on soit totalement autonome au niveau alimentaire, il reste qu'on risque d'avoir des soucis si on se promène en tenue de cuir ou à poil. Idem avec les papiers, cartons ou saladier en bambou qui viennent tous de végétaux élevés, coupés, préparés, vendus... Et puis poney, pour lui faire ses compléments et granulés en étant autonome, ce n'est sûrement pas impossible mais pas facile non plus.
Vivre sans l'agriculture en étant à 100% autonome sur tous les points, c'est quasi-impossible. C'est une étape cruciale de l'évolution de l'espèce humaine.
Viser l'autonomie alimentaire demande des moyens, pas tant financiers que de temps/énergie/charge mentale/etc... Consommer majoritairement ses légumes et le reste local est aussi un effort ou du temps pour beaucoup. Ce n'est pas une critique puisque c'est le genre de vie à laquelle j'aspire. Mais je sais que cette vie, elle n'est pas permise à la plupart... et que je vais pas sauver le monde avec mon potager tant que la majeure partie de mes concitoyens n'ont pas d'autres choix que de bouffer des trucs bof parce que le reste est trop cher, parce qu'ils n'ont pas le temps ou pas les connaissances pour faire la différence entre plusieurs produit. Dernièrement j'ai fait mes courses avec une petite dame du quartier qui n'a pas grand-chose et des enfants à nourrir. Elle peut compter sur la sympathie des gens du coin pour lui offrir quelques aliments de base quand les temps sont durs. Honnêtement ? Ça m'a fait mal d'acheter certains trucs parce que j'estime que c'est de la merde vendues par des véreux... J'ai même acheté de la viande pour elle, moi qui n'en mange plus, en particulier pour des raisons écologiques. Ouais, c'est pas ouf ce qu'elle mange, cette dame. Mais comment lui en vouloir ? Elle n'a pas beaucoup d'argent, des enfants à charge, elle passe ses journées à tenter de joindre les deux bouts pour que ses enfants puissent avoir à manger chaque jours et une éducation. Alors pour elle, limiter la viande, faire 3 magasins pour acheter son riz moins cher et bio en vrac, accepter de payer 20cts de plus pour des courgettes françaises et pas espagnoles, c'est juste pas possible.
"L'écologie sans lutte des classes c'est du jardinage", paraît-il.
Edit :et puis même dans le cas d'un potager. J'ai passé toute mon enfance en pleine campagne sudistes. La canicule qui frôle les 40 en journée et ne descend pas sous les 30 la nuit, les semaines entières sans un nuage gris, je connais, celle de 1003, on crevait tellement de chaud que je m'en souviens encore alors que je n'avais que 7 ans... Les restrictions d'eau ben... Je connais aussi. Il y a eu des périodes sur un, deux mois, où tous les arrosages était rigoureusement interdits. Restait l'eau pour la consommation courante et les animaux. Les potagers, à moins d'avoir pu constituer un gros stock d'eau de pluie qui dure deux mois, tu oublies. Et c'est sans compter les parasites... Une sécheresse sur trois mois ? RIP 80% des potagers.
Et dire que ces canicules sont des petites joueuses.
Bon autre problème : c'est complètement
stupide qu'on ne puisse pas utiliser une autre eau que de l'eau potable pour chier dedans et se laver ou laver notre linge. On a besoin d'eau potable seulement pour boire, le reste, il suffit qu'elle soit juste propre.
Gamine j'allais sur une île, voir ma famille, où il n'y avait pas d'eau potable. L'eau arrivait par bateau. Les plus aisés avaient des citernes chez eux... Malheureusement, si tu n'as pas de citerne, ça fait beaucoup de plastique et il reste le transport MAIS la France n'est pas une île. Sur cette île, l'eau potable est donc une denrée qu'on ne consomme pas au hasard : personne ne fait sa lessive, sa vaisselle ou caca dans de l'eau potable. Pour tout ça il y a l'eau courante qui est propre, saumâtre mais propre (très pratique pour la cuisson des pâtes). Pouvoir avoir deux systèmes d'eau quand il n'est pas possible de faire autrement me semble être également une bonne idée. Dans certains lieux comme les hôpitaux, il paraît évident qu'on ne va pas utiliser de toilettes sèches à mettre au compost, par exemple, pour les patients sortant de chimio ou autre traitements lourds : il ne faut pas que leurs urines ou selles finissent dans la nature ou dans un bac à compost. Mais elles n'ont pas besoin de finir dans l'eau potable non plus.
Mais ça demanderait un poil plus d'infrastructure. Ou pas d'ailleurs. Il est maintenant possible d'avoir sa propre mini-station de nettoyage de ses eaux grises et noires chez soi et de réinjecter l'eau ainsi nettoyée dans le circuit de la maison. Mais ça nécessite deux circuits d'eau : un pour les eaux grises et noires et un autre, indépendant du premier, pour l'arrivée d'eau potable (qui pourra quand même être nettoyée et réutilisée pour tout ce qui ne nécessite pas une eau potable). Certaines maisons peuvent techniquement fonctionner en circuit fermée en utilisant et réutilisant la même eau et en la nettoyant.
Edit bis : un autre truc qui m'a faite tiquer. C'est les arguments (je ne sais plus de qui, ce n'est pas la question) sur la santé. Prendre peu de médicaments et privilégier les plantes c'est bien... Quand on peut se le permettre ! Et on est beaucoup à vivre avec des traitements réguliers ou quotidien... Ça me rappelle une scène de "La pire espèce" où deux paresseux/hippie se tapent un bon bad-trip. Un des deux dit à l'autre un truc du genre "Si ça se trouve j'ai un cancer, man ! Faut que je fasse un scanner, hors de question de me soigner avec des graines de courges". That's the point où I want en venir.
Si c'est votre santé à long-terme ou votre vie ou celle de votre coinjoint/enfant qui est en jeu, m'est avis qu'il ne reste plus grand monde pour se tenir à "je prend peu de médicament/faut limiter la médecine". Perso, je choppe une merde demain qui menace ma vie, on me propose un traitement expérimental, j'avoue : je signe direct, et même, je prend l'avion pour rejoindre la meilleure clinique du monde. Et si c'était quelqu'un que j'aime, pareil. Et non, on ne fera pas de seringues réutilisables, merci, gardez l'hépatite C du voisin.
Prenant des médicaments tous les jours, c'est ce qui me permet de vivre normalement, je vais pas sacrifier ma santé sur l'autel de l'écologie. Par contre si on pouvait produire de manière plus propre (c'est en grande partie en Inde etc qu'on a mis nos usines) et limiter les déchets inutiles. On a pas mieux que la pétrochimie pour faire les plaquettes qui contiennent les médicaments. Ça aussi, les médicaments, s'en passer c'est une forme de privilège sur ceux qui n'ont pas le choix que de se soigner... On va pas laisser crever les diabétiques, les cancéreux, séropo ou zapper l'IRM de fiston qui a probablement un trauma crânien suite à sa gamelle en vélo parce que la machine consomme trop d'énergie