couagga a écrit le 06/11/2019 à 22h25:
On ne parle pas de la même chose, je crois
. Il y a plusieurs idées la dedans.
Je soulignais que partir du principe qu'une origine défavorisée demandait plus d'efforts était un préjugé. Je travaille dans le milieu de la formation, initiale et continue, des jeunes et des adultes, et les problématiques illettrisme et d'analphabétisme ne me sont pas étrangères.
La problématique de l'apprentissage de l'écriture s'effectue d'abord en classe. Donc la donnée de base est la même pour tout le monde, elle s'effectue en classe. Bien sur, et je le répète, on parle bien à compétence égale, donc en excluant toutes les formes de pathologie entravant cet apprentissage.
Comme l'a expliqué ...@gobi je crois,...
la difficulté repose plus sur le suivi de la scolarité par les parents. Que ce soit par leur présence, leur aide ou l'insistance à "travailler en classe et faire les devoirs". Je suis tout à fait d'accord avec la problématique d'inadéquation entre les différences de fonctionnement cognitif des personnes et le cadre éducatif qui ne répond pas de façon satisfaisante à ces différents profils. Je pointe ici bien le cadre éducatif et certainement pas les enseignants.
Mais justement, nous sommes d'accord alors : en parlant à compétences égales, c'est assez évident que des parents ouvriers qui rentrent crevés de leurs journées et qui ont à peine une heure et demi le soir à consacrer à leurs enfants (douche, manger compris) n'auront pas autant de temps/de moyens à accorder à l'aide aux devoirs le soir. Et ce n'est pas souvent qu'un enfant de 6 ans réussit du premier coups toutes ses dictées, il doit quand même réviser chez lui, or dans les milieux moins aisés, il y a moins de temps/de possibilités d'aide le soir.
Je vois assez clairement cette différence entre mon milieu de naissance où mes parents et ceux de mes ami.e.s étaient quasi toujours dispo et compétents le soir pour aider alors que dans mon milieu actuel, on rentre crevé du taf à 19h30 en étant parti vers 5/6h donc y'a juste pas le temps.
Je côtoie un gamin très haut potentiel et même lui a besoin de réviser ses leçons le soir.
Que ça s'effectue en classe, j'entends bien et je suis d'accord dans le principe ! Mais jamais 100% des enfants d'une classe pigent d'office, faut bien travailler le soir pour assimiler correctement. De plus, il y a de grosses disparités dans les classes, donc les enfants à la traîne dès le CP sont vite distancés tout de même.
Tu parles comme si l'école était accessible pour tout le monde de la même manière sauf qu'on oublie un peu vite les 10% d'enfants harcelés par exemple, pour qui aller à l'école peut se transformer en véritable torture. Ou des enfants qui sont d'une famille mono-parentale qui galère et qui s'inquiètent ainsi pour leur foyer. Ou un divorce qui se passe mal. Ou les enfants battus (14% putain,
je viens de découvrir ce chiffre ...)
Enfin y'a plein de raisons qui peuvent faire qu'un enfant ne sera pas concentré à l'école
Citation :
2,5 millions C'est, selon l'Insee, le nombre de 18-65 ans illettrés en 2011 en métropole, soit 7 % de la population. Cette proportion était de 9 % en 2004 (3,1 millions de personnes illettrées)
D'après l'article que j'ai mentionné y'a deux pages, il y a encore 2,5 millions de personnes illetrées.
Citation :
C'est dans l'agriculture, la pêche et l'agroalimentaire que se concentre le plus fort taux d'illettrisme (près de 10 %), secteurs suivis par l'industrie, le BTP et les services aux personnes (entre 7 et 8 %).
Ici, on voit bien que c'est clairement dans les domaines les moins payés, les plus difficiles qu'il y a le plus d’illettrisme. Et je le vois bien au quotidien, mes collègues ne savent que très rarement écrire ! Mais franchement, on les déchiffre assez et puis ils ont déjà bien assez d'emmerdes comme ça pour que je leur prenne la tête.
couagga a écrit le 06/11/2019 à 22h25:
Et j'insiste encore, non ce n'est pas plus facile de naissance pour ceux qui apparaitraient ici comme "écrivant bien".
Le format de l'école n'était mon format de fonctionnement. Mon milieu social moyen était totalement absent de mon suivi scolaire, personne n'a jamais vérifié si je faisais mes devoirs donc encore moins si je suivais bien en cours. J'ai quitté l'école bien avant le bac. Quand je retombe sur mes écrits d'adolescente ou de jeune adulte, franchement c'est pas joli joli. J'ai recours plusieurs fois par jour et tous les jours à des vérification d'orthographe ou de sens de mots parce que je doute. J'ai mis 25minutes pour écrire ce message car je souhaite de tout coeur être compréhensible et lisible tout en étant honnête sans être maladroite
Et je sais bien qu'il y aura quand même des ratés
Parce qu'au delà de l'écrit c'est la communication qui reste un exercice difficile.
Hé bien tu as peut-être plus de chances que d'autres ou plus de temps à accorder à l'orthographe puisque ça te tenait à coeur :)
Moi je regarde autrement en fait. Un peu à l'inverse peut-être
J'ai une copine qui vient de commencer un taf à Pôle Emploi et en trois entretiens, elle a clairement vu toute la misère du monde ... Genre un gars de 18 ans en foyer d'accueil qui va se retrouver sans toit ni taf fin Novembre, une femme enlevée par son père à 14 mois en Algérie, de retour en France depuis trois ans et ayant énormément de mal à apprendre le Français et un pauvre gars de 22 ans, complètement renfermé sur lui-même, où c'était sa mère qui répondait aux questions car lui-même n'y arrivait pas.
Je pense sincèrement que ces gens ont un peu autre chose à faire que de plancher sur leurs messages, car déjà être précaire/exclue de la vie casse toute motivation.
couagga a écrit le 06/11/2019 à 22h25:
Ensuite, il me semble, que ce qui nourrit les reproches, c'est bien l'attitude "je m'en foutiste" fort horripilante d'une personne à qui on fait remarquer la difficulté, voire l'impossibilité, de comprendre son message, donc à lui répondre.
A quelqu'un qui ferait part d'une pathologie, d'une culture étrangère ou je ne sais quoi, ou même qui simplement dirait, ", désolée, j'ai du mal avec l'orthographe, je fais ce que je peux..." parce que l'orthographe c'est vraiment son point faible, je pense que tout cela on peut très bien l'entendre, le comprendre, et faire avec.
Contrairement aux "je m'en foutistes affichés".
Oui mais regarde comme Koski garde encore un énorme sentiment de honte par rapport au jour où elle avait écrit "fahi" ou "bonne anniversaire", pourtant elle en fait des efforts. Sauf qu'on lui est tombé dessus en rigolant et ça l'a vraiment blessée. Y'a plein de gens qui n'ont même pas de troubles dys qui ont juste eu une scolarité complètement ratée dès le CP/CE1 et si toi tu es parvenue à rattraper cela, ce n'est pas le cas de tout le monde :)
Du coup dans le doute, pour éviter d'accentuer une honte déjà présente ou un sentiment d'infériorité, soit je passe outre, soit je passe carrément mon chemin.
[Ouf, j'ai compté combien de temps j'avais mis pour écrire ce message, 35mn
]