feerine
Les mots de Christian Carde :
https://www.eurodressage.com/2019/06/20/christian-carde-letter-befriended-judge
La traduction pour les non anglophones :
"Vous avez affirmé que je n'aime pas les compétitions de dressage. Cette hypothèse est juste, mais en même temps non. Ce n'est pas parce que je dois aux compétitions de dressage probablement les meilleurs moments de ma vie de cavalier et grâce à eux aussi, on m'a confié des fonctions éminentes et passionnantes.
Être sélectionné pour des compétitions internationales, des Jeux Olympiques ainsi que représenter votre pays aux championnats d'Europe et du monde vous procure une grande joie et vous laisse des souvenirs inoubliables. Je chéris les moments d'avoir participé à plusieurs reprises à Aix-la-Chapelle et de recevoir mes rubans du colonel Nyblaeus, à l'époque président de la commission de dressage FEI et seigneur de ce sport. L'Aix-la-Chapelle des Nations avec des milliers de personnes debout, agitant des mouchoirs blancs est une immense émotion partagée entre le public et les coureurs dans le stade; tout cela au son de la chanson folklorique allemande «Muss I denn zum Städtele hinaus». Le simple fait de mentionner que cela me rend émotif. Je me souviens de l'époque où un prêtre, qui était également juge international, célébrait la messe sur le terrain de compétition en Belgique entre deux épreuves ...
Alors c'est vrai, cher ami, j'adorais les compétitions. Il visait à être autant un universitaire qu'un athlète. L'école allemande, précise et sérieuse, l'a certainement dominée, l'école française plus vivante peut-être, mais moins exacte.
Aujourd'hui, je trouve difficile de retrouver ce que j'ai tant aimé hier. La circonscription que je vois là-bas est uniforme, à quelques exceptions près. Il a du mal à montrer des chevaux qui obéissent volontairement et sans hésitation; qui répondent aux aides calmement et avec précision, affichant un équilibre naturel et harmonieux tant physiquement que mentalement (article 401-4). Au lieu de cela, le dressage a trop souvent dérivé vers le spectaculaire.
Le règlement FEI n'est que légèrement modifié par rapport à ses origines, mais les compétitions souffrent d'une application très discutable. Le règlement a néanmoins été adapté à l'évolution de la pratique actuelle en supprimant ce qui était trop difficile pour la majorité des cavaliers ou trop gênant (oserais-je dire ennuyeux?) Pour ceux qui cherchent à rendre le dressage plus populaire et donc une entreprise florissante. Souvenez-vous, par exemple, de la disparition, du paragraphe qui stipulait que c'est la marche qui rendait les imperfections du dressage les plus évidentes. A la promenade, la reine des allures!
Je continue avec le contact qui est toujours censé être doux, léger et principalement réalisé par la bride, le sondage étant souple… (article 401-5). Plus récemment, j'étais au CDI Saumur 2019 en avril et je vois principalement des chevaux fermement tenus, les bouches fermées par des cavessons bien fermés. La majorité a oublié la légèreté pour diverses raisons. Légèreté qui est LA "marque du lycée!"
Les méthodes d'entraînement modernes me laissent encore plus sceptique, et je trouve désolant que l'hyperflexion barbare du cou, en totale opposition avec le code de conduite FEI, permette encore à certains de gagner au plus haut niveau. Et c'est encore plus sévère et discutable car il y a aussi des cavaliers qui entraînent correctement leurs chevaux et montrent quelque chose en opposition positive avec ce que j'ai décrit précédemment.
Cependant, je veux être optimiste. Dans une lettre qu'il m'a envoyée, le dresseur français de dressage René Bacharach a un jour cité Gide: "Le monde sera sauvé par quelques-uns". Qu'il ait raison!
Dans cette perspective optimiste, quelques exemples me viennent spontanément à l'esprit. Toujours à Saumur, j'ai vu de belles équitations et je vois chez certains grands cavaliers internationaux le «mariage» subtil et facile à regarder entre l'impulsion et la flexibilité des articulations. Cela conduit à l'obéissance d'un cheval en légèreté car il est en harmonie musculaire et non en tension provoquée. C'est rare à voir, mais la justesse de cette équitation permet aussi à ces cavaliers et chevaux d'être à l'aise dans l'arène.
Alors, cher ami, c'est ma conviction: soit notre époque produira de plus en plus de cavaliers comme ceux que j'ai évoqués plus haut, avec une équitation qui se développe en respectant l'esprit des règles de dressage et du code de conduite FEI. Sinon la compétition de Dressage mourra un jour pour ne pas avoir pu préserver l'art équestre des altérations (article 419) auxquelles elle devra faire face par l'incompétence des hommes ou leurs ambitions. Ce n'est pas une possibilité, mais une certitude!
Et c'est vous, les juges, qui déciderez s'il faut enfin séparer le bon grain de l'ivraie, pour que la compétition de dressage continue de vivre dans le respect des principes fondamentaux de l'équitation et de l'intégrité physique et mentale du cheval."
Il a également qualifié Totilas de "vedette usée" en 2015 il me semble.
Pour ceux qui pensent qu'on juge en tirant nos conclusions de nos chapeaux... Pour ma part je ne fais que reprendre le constat de nombreux très grands hommes de chevaux. Et c'est un sentiment que je partage même si je sais bien que je n'ai pas le centième de ce qu'ils ont comme compétence...
Le fils de Totilas est un joli cheval, fort et trempé dans l'acier qui va évoluer dans un monde du dressage triste et amer... Et voir que les lignes ne bougent toujours pas et que les amateurs ne voient rien ça m'écoeure.